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2. Mécanisme de formation des TCP et suivi in situ

Chapitre I. Synthèse bibliographique

I.III. 2. Mécanisme de formation des TCP et suivi in situ

Le mécanisme de formation des couches de conversion à base de chrome trivalent est totalement différent de celui des couches de conversion chromatées puisque la force motrice de la réaction de formation du TCP est l'augmentation du pH et non une réaction d'oxydoréduction entre les ions en solution et le substrat métallique comme c'est le cas pour les couches au chrome hexavalent [77].

Le mécanisme de formation d'une couche de conversion TCP peut être décomposé en plusieurs étapes. La première étape est la dissolution de la couche d'oxyde natif du substrat provoquée par les ions fluorures présents dans la solution et facilitée par l'acidité du milieu [3,74,78]. Les ions F -augmentent la solubilité d'Al3+ et empêche la formation de Al2O3 [66,79]. De la même façon que pour les couches de CCC, certains auteurs indiquent une dissolution complète de la couche d'alumine qui exposerait l'aluminium métallique [3] alors que d'autres travaux indiquent un affinement de cette couche d'oxyde sans qu'elle ne soit complètement dissoute [78].

Dardona et al. ont suivi la formation d'une couche de TCP in situ par spectroscopie ellipsométrique [78]. Selon eux, la première étape de formation du TCP n'est pas une dissolution complète de la couche d'oxyde, mais un affinement de cette couche. Ils précisent que cet

L'affinement de la couche d'alumine implique une augmentation à la fois de l'effet tunnel des électrons et du champ électrique à travers la couche d'oxyde, permettant la migration des ions aluminium [78]. Il semble qu'aucune preuve de la dissolution complète de la couche d'oxyde par les fluorures n'ait été apportée. Le mécanisme le plus précisément décrit est celui d'un affinement de la couche d'oxyde, sans la dissoudre complètement. Ce mécanisme d'affinement de la couche semble donc le plus vraisemblable.

La réaction d'oxydation de l'aluminium s'accompagne d'une réduction de l'oxygène dissout et éventuellement d'une formation d'hydrogène, qui consomment des protons et provoquent donc une augmentation locale du pH à l'interface entre le métal et la solution [3,74,78,80]. L'augmentation du pH entraîne la précipitation d'oxyde et d'hydroxydes de Cr3+ et Zr4+ à la surface [77].

Dong et al. [74] ont apporté des précisions à ce mécanisme général, permettant d'expliquer la structure en deux couches des TCP observée par la plupart des auteurs (détaillée dans le paragraphe suivant). Le mécanisme qu'ils proposent est une adaptation de celui proposé par Wen

et al. en 2008 [80]. La couche interne se forme lors de l'augmentation rapide du pH à l'interface.

Les ions Cr3+ et Zr4+ présents en concentration importante forment des cations Cr(OH)x(3-x)+ et Zr(OH)x(4-x)+ qui migrent vers les régions cathodiques à la surface du métal, où il sont complètement hydrolysés et forment ainsi une couche dense. Cette première couche formée ralentit les réactions d'oxydation du métal et de réduction des protons qui avaient lieu à la surface du métal. La réduction des protons a alors lieu au niveau des zones cathodiques qui se forment transitoirement, entrainant une augmentation du pH et une précipitation du zirconium et du chrome. Une fois ces zones recouvertes, la réduction des protons se déplace et a lieu sur une autre zone de la surface, créant de nouveaux lieux de précipitation. Ces précipitations localisées fluctuantes conduisent à la formation d'une couche irrégulière, contenant des défauts qui correspond à la couche supérieure des TCP [74].

Li et al. [3] ont également proposé une explication pour la structure en deux couches observée sur les couches de TCP. Selon eux, une fois que la couche d'oxyde est dissoute, l'aluminium exposé subit une oxydation dans le milieu riche en fluorure de la solution (provenant de l'hydrolyse de

l'hexafluorozirconate et de HBF4), formant des ions AlF63- ce qui conduit à la formation d'une couche interfaciale composée de fluoroaluminates.

L'augmentation locale du pH à l'origine de la formation des couches de conversion a été mesurée par Li et al. en 2013 [81]. En utilisant une microélectrode en tungstène, ils ont démontré que le pH proche de la surface de l'alliage d'aluminium AA 2024 augmente lorsque la surface de l'alliage est exposée à la solution de conversion. Leurs expériences ont permis de mesurer une augmentation de pH de 3,9 à 4,8 dans une solution de TCP (Alodine T5900), et de 2,5 à 6,9 dans une solution de conversion à base de titane (Alodine 5200). L'augmentation du pH est attribuée aux réactions cathodiques consommant des protons qui ont lieu à la surface de l'alliage d'aluminium après la dissolution de l'oxyde natif : dégagement d'hydrogène et réduction de l'oxygène. Le pH élevé provoque l'hydrolyse des espèces présentes en solution, qui précipitent et forment une couche hydratée d'oxyde.

Figure I-10 : OCP en fonction du temps pendant la formation du TCP sur AA2024. Deux solutions étudiés : Alodine 5900 RTU non diluée et diluée à 50%. Figure de Li et al. [3].

Plusieurs auteurs [2,3,75] ont étudié le mécanisme de formation de la couche de conversion en suivant l'évolution in situ de l'OCP (Open Circuit Potentiel, potentiel à circuit ouvert) lorsque le substrat est mis en contact avec la solution de TCP. Ce type d'expérience avait déjà été réalisé avec des conversions au chrome hexavalent. La Figure I-10 présente la courbe d'OCP en fonction

du temps obtenue par Li et al. [3] lors de l'immersion d'un échantillon de AA 2024 dans une solution de TCP. Trois zones se distinguent et correspondent aux étapes de formation d'une couche de TCP :

- Entre 0 et 50-75 sec : chute de potentiel correspondant à l'attaque de la couche d'alumine par les ions fluorures présents dans la solution. L'OCP atteint son minimum après 50-75 secondes d'immersion dans la solution.

- Entre 50-75 et 100-200 sec : augmentation légère du potentiel, correspondant à la formation de la couche de TCP.

- Entre 100-200 et 600 sec : stabilisation du potentiel jusqu'à la fin de la mesure.

Qi et al. [2] ont réalisé le même type d'expérience et obtiennent un résultat comparable, avec un potentiel stable final de -1.51 V/ECS. Ils mentionnent que cette valeur de potentiel est largement inférieure au potentiel d'équilibre Cr(III)/Cr(VI) qui est de -1 V/ECS [11,82], ce qui indique que l'oxydation directe du Cr(III) sur le substrat d'aluminium ne devrait pas se produire.

Dardona et al. [78] ont suivi la formation d'une couche de TCP in-situ par spectroscopie ellipsométrique et ont observé une croissance de la couche en trois étapes. Après une période d'environ 100 secondes au cours de laquelle il n'y a pas de croissance significative (période qu'ils attribuent à dissolution de l'oxyde natif), la couche de TCP se forme dans un premier temps de façon linéaire (0,4 nm/sec jusqu'à 300 sec d'immersion) puis dans un second temps de façon logarithmique pour atteindre une épaisseur finale de 125 nm après 880 secondes d'immersion.

Figure I-11 : Epaisseur de la couche de conversion en fonction du temps d'immersion dans la solution de TCP. Comparaison des résultats obtenus sur aluminium pur (Electropolished Al), et

sur un alliage AA 2024-T351 poli (Polished alloy) ou désoxydé dans l'acide nitrique (HNO3 -treated alloy). Figure de Qi et al. [83].

Qi et al. [83] ont aussi étudié la vitesse de formation d'une couche de TCP. D'après leurs résultats sur aluminium pur (appelé "Electropolished Al" sur la Figure I-11), la vitesse de croissance de la couche est de ≃0,27 nm/s jusqu'à 300 secondes d'immersion, puis de ≃ 0,08 nm/s entre 300 et 600 secondes d'immersion. Ces résultats sont présentés sur la Figure I-11 ci-dessus et sont comparables à ceux reportés par Dardona et al. [78]. Deux hypothèses sont formulées pour expliquer la réduction de la vitesse de croissance de la couche après 300 secondes d'immersion : Soit la couche de conversion devenue plus épaisse gêne le transport des espèces jusqu'à la surface de l'aluminium; soit des changements dans l'épaisseur et la composition de la couche d'alumine interfaciale peuvent se produire et réduire l'effet tunnel des électrons qui réduit la vitesse de la réaction cathodique et de la déposition du revêtement [83].

De nombreux articles consacrés à l'étude des TCP mesurent l'épaisseur des couches de conversion par différentes méthodes. Ainsi Li et al. ont reporté une épaisseur d'environ 90 nm pour un TCP formé sur du AA 2024, mesurée par ellipsométrie [81], et entre 50 et 120 nm pour les mesures par MET [3]. Guo et al. ont également observé par MET une coupe FIB d'un échantillon de AA 2024 recouvert d'un TCP et ont conclu à une épaisseur entre 40 et

120 nm [77]. De la même manière, Chen et al.[76] ont mesuré une épaisseur de 90 nm pour un TCP formé sur l'alliage d'aluminium AA 5052.

Li et al. et Qi et al. ont réalisés des mesures d'épaisseur de TCP formés sur différents alliages d'aluminium. Ainsi, Li et al. estiment que pour un TCP formé dans les mêmes conditions expérimentales, la couche formée sur un alliage AA 6061 est deux fois plus épaisse que celle formée sur un alliage AA 2024, et que l'épaisseur d'un TCP sur un alliage AA 7075 est similaire à celle sur un alliage AA 2024 [84]. Qi et al. [83] ont montré que l'épaisseur d'un TCP formé sur aluminium pur est environ deux fois plus importante que celle d'un TCP formé sur un alliage AA 2024, comme illustré sur la Figure I-11.