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Mécanisme de formation des couches de conversion

Chapitre V. Couches de conversion ZrCC

V.II. Mécanisme de formation des couches de conversion

Le mécanisme de formation de la couche de conversion TCP a été largement traité et en partie élucidé par différents travaux, et notamment ceux de Li et al. [81] qui ont mesuré l'augmentation de pH à l'interface entre le métal et la solution de conversion dans le cas de solutions de TCP et de Zr-Ti. Cette partie de chapitre traite du mécanisme de formation des couches de conversion de façon générale, et n'est pas dédié aux couches de ZrCC exclusivement. Dans la perspective de développer de nouvelles couches de conversion sans chrome, la compréhension des mécanismes de formation est essentielle et l'étude des couches de ZrCC est abordée ici comme une première étape vers le développement de couches de conversion sans chrome.

Afin de suivre la formation de la couche de conversion in situ, une méthode de suivi de l'OCP au cours du temps est décrite dans la littérature [2,3,75] et a été utilisée ici. Le principe de cette expérience est de mesurer le potentiel libre (OCP) à la surface d'un échantillon de AA 2024-T3 désoxydé, utilisé comme électrode de travail. La solution de conversion que l'on souhaite étudier est utilisée comme électrolyte et les échantillons sont désoxydés la veille de la mesure. Le délai entre la désoxydation de l'échantillon et la mesure de l'OCP est compris entre 17 H et 20 H, ce

ZrO

2

-AlO

-F

-O

-100 µm

ZrO

2

-AlO

-F

-O

-(a) ZrCC 2 minutes (b) ZrCC 5 minutes

minimiser les variations possibles de l'épaisseur et de la composition de la couche d'alumine entre les échantillons. La reproductibilité de chaque résultat présenté a été vérifié en répétant chaque expérience au minimum trois fois.

Figure V-7 : Mesure du potentiel à circuit ouvert (OCP) en fonction du temps, utilisée pour suivre la formation de la couche de TCP in situ. (a) dans des solutions de TCP et de ZrCC (b) dans de l'eau et des solutions de KCr(SO4)2 et ZrO(NO3)2 (c) dans une solution de ZrO(NO3)2 à laquelle KF est ajouté en cours d'expérience (d) dans une solution de KCr(SO4)2 à laquelle KF est ajouté en cours d'expérience. Le pH de chaque solution est ajusté à 3,9 et l'expérience est réalisée sur un

échantillon de AA 2024-T3 désoxydé entre 17 H et 20 H avant l'expérience.

La Figure V-7 présente les résultats obtenus pour différentes solutions de conversion, dont tous les pH ont été ajusté à 3,9. Le résultat obtenu avec la solution de TCP classique est présenté par la courbe bleue sur la Figure V-7 (a) et confirme les résultats présentés par Li et al. [3]. Le mécanisme de formation de la couche de TCP se décompose en deux étapes. La première étape est la dissolution de la couche d'oxyde natif du substrat provoquée par les ions fluorures présents dans la solution et facilitée par l'acidité du milieu [3,74,78]. Cette attaque de la couche d'alumine est caractérisée par la chute de potentiel observée au début de la mesure d'OCP (Figure V-7 (a)). La dissolution de l'oxyde natif met à nu le métal sous-jacent qui subit alors une dissolution et une

(a) (b)

oxydation au contact de la solution. Cette réaction d'oxydation du métal s'accompagne d'une réduction de l'oxygène dissout et éventuellement d'une formation d'hydrogène, qui consomment des protons et provoquent donc une augmentation locale du pH à l'interface entre le métal et la solution [3,74,78,80]. L'augmentation du pH est responsable de la précipitation d'oxyde et d'hydroxyde de Cr3+ et Zr4+ à la surface [77]. Cette précipitation des espèces présentes en solution constitue la deuxième étape du mécanisme de formation de la couche de TCP et est caractérisée par une augmentation du potentiel. Le potentiel augmente ici d'environ 0,06 V, ce qui est en accord avec les résultats présentés par Li et al. [3].

La courbe rouge sur la même figure (La Figure V-7 (a)) présente le résultat obtenu dans une solution contenant uniquement le sel de K2ZrF6 (ZrCC) et montre un résultat similaire, le potentiel chute avant d'augmenter de façon progressive, indiquant que le mécanisme de formation de la couche de ZrCC est globalement similaire à celui d'une couche de TCP. Contrairement à ce qui est observé dans le cas des TCP, la courbe d'OCP dans une solution de ZrCC ne présente pas de palier de potentiel mais le potentiel continue d'augmenter progressivement avec le temps d'immersion. Le fait que le potentiel ne se stabilise pas pourrait indiquer que la couche de ZrCC continue de croître de façon importante, même après des temps d'immersion longs (500 secondes), cela suggèrerait que la couche formée est très défectueuse, permettant un accès facile de la solution à l'interface avec le métal.

La Figure V-7 (b) présente les résultats obtenus pour des solutions de KCr(SO4)2 (concentration en Cr égale à celle de la solution de TCP) et ZrO(NO3)2 (concentration en Zr égale à celle de la solution de TCP et de ZrCC) ainsi que ceux obtenus lorsque l'électrolyte est de l'eau à un pH de 3,9. Le résultat obtenu pour ces trois solutions est identique, le potentiel reste stable au cours du temps et aucune couche de conversion ne se forme. Le fait que le potentiel reste stable dans l'eau au pH de 3,9 indique que l'acidité de l'eau n'est pas suffisante pour attaquer la couche d'alumine. La Figure V-7 (c) présente le résultat obtenu pour la solution de ZrO(NO3)2, le début de la courbe indique que le potentiel est stable dans cette solution, tel que constaté sur la figure (b). Après 10 minutes de stabilité du potentiel, une solution concentrée de KF est ajoutée à la pipette pasteur dans la cellule électrochimique, et une chute de potentiel immédiate est observée. Après cette chute, le potentiel reste stable pendant environ 40 minutes avant d'augmenter. La même expérience a été réalisée dans une solution de KCr(SO4)2, la courbe d'OCP obtenue est présentée sur la Figure V-7 (d). Une chute du potentiel est observée immédiatement après l'ajout de KF

dans la cellule électrochimique, telle qu'observé dans le cas de la solution de ZrO(NO3)2 (Figure V-7 (c)). En revanche, dans le cas de la solution de KCr(SO4)2 (Figure V-7 (d)) la repassivation est immédiatement observée après cette chute, contrairement au cas de la solution de ZrO(NO3)2 où un palier depotentiel était observé avant la repassivation. Les résultats présentés sur la Figure V-7 (c) et (d) démontrent que la présence de fluorures est nécessaire à la formation d'une couche de conversion, et confirment que la chute de potentiel observée est liée à une attaque de la couche d'alumine par les fluorures.

Figure V-8 : Spectre XPS de Al2s sur un échantillon désoxydé (a) et sur un échantillon désoxydé puis immergé dans de l'eau bouillante pendant 10 minutes (b).

Cette expérience a également été réalisée sur un échantillon de AA 2024-T3 désoxydé puis immergé dans de l'eau bouillante pendant 10 minutes. La Figure V-8 présente les spectres XPS de Al2s obtenus sur cet échantillon (b) ainsi que sur un échantillon désoxydé (a). Le pic de Al2s de l'échantillon désoxydé (Figure V-8 (a)) est décomposé en deux pics, l'un correspondant à de l'aluminium métallique, à une énergie de liaison de 117,7 eV, l'autre à une énergie de 120,5 eV est attribué à un oxyde d'aluminium Al2O3 [10,159]. Le spectre XPS d'Al2s enregistré sur l'échantillon désoxydé puis immergé dans l'eau bouillante pendant 10 minutes (Figure V-8 (b)) présente une seule composante à une énergie de liaison de 120,5 eV, attribué à l'oxyde d'aluminium. L'aire des pics attribués à l'oxyde d'aluminium et au métal permettent de déterminer l'épaisseur de la couche d'alumine [10]. Sur l'échantillon désoxydé, la couche d'alumine est d'environ 5 nm, alors que l'absence de composante métallique sur le spectre Al2s de l'échantillon qui a été immergé dans de l'eau bouillante pendant 10 minutes indique que l'épaisseur de la couche d'alumine est supérieure à 10 nm.

Figure V-9 : OCP in-situ en fonction du temps dans une solution de TCP sur des substrats de AA 2024-T3 avec des couches d'alumines de différentes épaisseurs.

La Figure V-9 présente le résultat de la mesure d'OCP réalisée sur ces échantillons présentant des épaisseurs d'alumine différentes. La courbe bleue présente le résultat obtenu sur une surface désoxydée et déjà présenté sur la Figure V-7 (a) et la courbe verte présente la courbe d'OCP enregistrée sur l'échantillon dont l'épaisseur de couche d'alumine a été augmentée par immersion dans l'eau bouillante. Il apparaît que sur cet échantillon, la chute de potentiel ne commence qu'après environ 20 secondes d'immersion dans la solution, alors qu'elle est observée après 5 secondes d'immersion dans le cas d'un échantillon désoxydé. Dans les deux cas, le minimum de potentiel est d'environ -0,98 V vs ECS, il est atteint après 35 secondes d'immersion dans le cas de l'échantillon désoxydé, et après 60 secondes dans le cas de l'échantillon possédant la couche d'alumine plus épaisse. Enfin, le plateau de potentiel est atteint après 200 secondes d'immersion dans le cas de la couche d'alumine la plus fine, et après 320 secondes d'immersion pour l'échantillon dont la couche d'alumine dépasse 10 nm. La composition de la solution étant identique dans les deux expériences, les différences observées sont attribuées à la différence d'épaisseur de la couche d'alumine. Lorsque la couche d'alumine est plus épaisse, le temps nécessaire pour la dissoudre par l'attaque des fluorures est plus long, ce qui explique que la chute de potentiel soit décalée dans le temps sur l'échantillon qui a subi une immersion dans l'eau

et al. [3], les auteurs avaient observé une chute de potentiel beaucoup plus lente (500 secondes) dans le cas d'un échantillon immergé dans de l'eau bouillante que dans le cas d'un échantillon désoxydé pour lequel le potentiel minimum était atteint après 100 secondes d'immersion dans la solution de TCP. En revanche, leurs résultats montraient une chute de potentiel progressive et commençant dès l'immersion de l'échantillon dans la solution, alors que nous avons observé un palier de potentiel au début de la mesure de l'OCP, puis une chute de potentiel se faisant à la même vitesse sur les deux échantillons. Notre résultat est donc légèrement différent de celui reporté pat Li et al., les deux résultats permettent toutefois de faire la même conclusion : une épaisseur d'oxyde plus importante à la surface de l'échantillon ralentit l'attaque de l'échantillon et la formation de la couche de TCP, ce qui confirme que la première étape de formation de la couche est liée à la dissolution de la couche d'oxyde. Ce résultat montre également que l'état de la surface avant conversion peut avoir une influence sur la formation de la couche de conversion et sur ses caractéristiques, il est donc important de contrôler les traitements auxquels la surface est exposée avant l'étape de conversion.