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6. Les couches de conversion au cérium

Chapitre I. Synthèse bibliographique

I.IV. 6. Les couches de conversion au cérium

Plusieurs centaines d'articles ont étudié les terres rares en tant qu'inhibiteurs de corrosion pour les alliages d'aluminium. La revue publiée par Harvey en 2013 [90] permet d'avoir une vision globale des résultats obtenus par ces études concernant les couches de conversion au cérium. Les terres rares (Ce, Sm, La, Nd, Pr, Y, Gd, et Tb) sont des inhibiteurs cathodiques, plusieurs études suggèrent que le cérium serait le plus efficace des terres rares pour protéger l'aluminium contre la corrosion [90]. Le cérium est également le plus abondant dans la nature, donc moins couteux, et il est le seul élément parmi les terres rares à avoir deux états d'oxydation stables (Ce(III) et Ce(IV)) en solution aqueuse et formant un hydroxyde insoluble dans l'eau. Le cérium a donc été choisi pour former des couches de conversion, abrégées CeCC pour "Cerium Conversion Coating".

I.IV.6.1. Mécanisme de formation, composition et structure des CeCC

Les couches de conversion au cérium sont formées par simple immersion dans une solution acide (pH=2) contenant un sel de Ce(III), généralement CeCl3, et du peroxyde d'hydrogène. Ces solutions peuvent également contenir d'autres éléments chimiques servant d'accélérateurs, tels que NaClO4 [128], ZnCl2 [104] ou Cu(glycinate)2 [129]. La couche de CeCC formée est une couche d'oxyde mixte d'aluminium et de Ce(III)/Ce(IV) hydratée [90,128–130], le cérium étant principalement présent sous la forme Ce(IV) [128,129].

Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer la formation des CeCC, et sont détaillé ci-dessous: [129,130]

- La réduction de l'oxygène dissout à la surface de l'alliage provoque une augmentation locale du pH, qui permet la précipitation de Ce(OH)3 à la surface de l'alliage. Ce(OH)3 s'oxyde ensuite pour former CeO2 [131,132].

- Le Ce3+ s'oxyde en Ce4+ dans la solution, et l'augmentation locale du pH provoquée par la réduction d’O2 à la surface de l'alliage entraîne la précipitation de Ce(IV) sous forme de CeO2 [133].

D'après la revue de Harvey, le deuxième mécanisme semble être le mieux accepté, avec l'oxydation du cérium précédant sa précipitation [90].

Les premières couches de conversion au cérium étaient formées après plusieurs jours d'immersion dans une solution contenant uniquement CeCl3. L'ajout de peroxyde d'hydrogène a été proposé et breveté par Wilson et Hinton [134] pour accélérer la formation de la couche de conversion, passant ainsi d'un temps d'immersion de quelques jours à 10 minutes. L'accélération produite par le peroxyde d'hydrogène s'explique de deux manières : D'une part la réduction de H2O2 à la surface de l'alliage, provoque une augmentation rapide du pH qui entraîne la précipitation de l'oxyde/hydroxyde de cérium; d'autre part H2O2 peut également oxyder les ions Ce3+ en Ce4+ en solution.

Il est généralement admis que les particules intermétalliques cathodiques jouent un rôle essentiel dans la nucléation des couches de CeCC [90]. Plusieurs travaux ont montré une précipitation préférentielle du CeCC au niveau des particules intermétalliques [133,135] et ont suggéré que la formation de la couche de conversion commence au niveau des cathodes présentes à la surface de l'alliage, et continue via un mécanisme de "island growth". Les travaux de Campestrini et al. [129] suggèrent qu'une redéposition de cuivre à la surface est une condition nécessaire pour former une couche épaisse de CeCC. Leurs travaux montrent également que ce dépôt de cuivre diminue l'adhérence de la couche de conversion à l'alliage d'aluminium.

Les couches de CeCC sont amorphes et constituées de sphères de 5 à 500 nm de diamètre qui s'agglomèrent pour former la couche de conversion. Les couches de CeCC ont été décrites comme présentant des fissures de type "cracked mud". Ces fissures sont dues au séchage de la couche de conversion qui a été largement observé par MEB mais aussi par microscope optique [90].

I.IV.6.2. Résistance à la corrosion des CeCC

Les résultats obtenus par différents auteurs montrent que les couches de conversion CeCC ne fonctionnent pas comme des couches barrières, mais apportent une protection essentiellement cathodique, l'oxyde de cérium formant un précipité insoluble sur les sites cathodiques de la surface et empêchant les réactions de réduction de l'oxygène au niveau des particules intermétalliques [90,130,133].

traitement ont été étudiés pour renforcer les couches de CeCC, à base d'eau chaude, de silicate ou de phosphate.

Un possible effet self-healing a également été discuté dans la littérature. Selon Hinton et al. [136] et Dabala et al.[137] le cérium n'est pas libéré de la couche de CeCC, et aucun effet self-healing du cérium n'est observé. En revanche, les résultats de Palomino et al. [138] suggèrent que le cérium est capable de se libérer d'une couche de CeCC et de se déposer sur les particules intermétalliques d'un alliage d'aluminium exposé dans la même solution de NaCl. Les preuves d'un effet self-healing du cérium sont donc limitées, même si la libération de Ce(III) a été observée dans le cas d'hydrotalcites, bentonites et nanoparticules [90,139].

Pour améliorer la résistance à la corrosion de ces couches de conversion, certains auteurs ont étudié un post-traitement contenant des phosphates pour renforcer la couche de CeCC [140]. D'après leurs résultats, le post-traitement à base de phosphate permet de réduire le nombre de microfissures formées sur la couche de CeCC. Cela est mis en évidence sur la Figure I-16, qui montre les images MEB d'une couche de CeCC sans post-traitement présentant des microfissures (Figure I-16 a) et celle d'une couche de CeCC après le post-traitement au phosphate sur laquelle les microfissures sont à peine visibles (Figure I-16 b).

Figure I-16 Images MEB présentant la morphologie d'une couche de CeCC sans post-traitement (a) et après post-post-traitement au phosphate (b). Figure de Zhang et al. [140].

Les couches ayant subi un post-traitement au phosphate sont plus résistantes à la corrosion en milieu NaCl que les CeCC sans post-traitement. L'amélioration de la résistance à la corrosion est attribuée à la diminution de la fissuration des CeCC ainsi qu'à la transformation d'hydroxydes de cérium en CePO4 [140].