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Chapitre III. Prétraitements

III.IV. 3. Enrichissement en cuivre

Afin d'étudier la répartition du cuivre en profondeur dans l'échantillon désoxydé et de déterminer s'il est présent dans la couche d'oxyde ou à l'interface oxyde/substrat, une analyse ToF-SIMS a été réalisée. Le profil en profondeur des ions négatifs obtenu est présenté sur la Figure III-12. L'intensité de chaque signal est représentée en fonction de la profondeur (en nanomètre) calculée à partir des temps de décapage enregistrés lors de l'analyse.

Figure III-12 : Profil en profondeur des ions négatifs obtenu par analyse ToF-SIMS d'un échantillon de AA 2024-T3 désoxydé.

Le profil est décomposé en plusieurs zones, la couche d'oxyde formée à la surface de l'échantillon, le substrat métallique et une zone interfaciale entre ces deux zones. La couche d'oxyde est définie par les paliers d'intensité des ions 18O- et AlO2- et le substrat métallique est défini par le palier d'intensité de l'ion Al2-, caractéristique de la présence d'aluminium métallique.

Les signaux de différents ions contenant du cuivre sont utilisés pour étudier la répartition du cuivre dans l'échantillon. Les signaux des ions Cu- et CuO2- présentent des allures différentes, le signal de l'ion CuO2- présente un maximum d'intensité dans partie de l'oxyde proche de la surface (3 premiers nanomètres), alors que le signal de l'ion Cu- présente deux pics d'intensité. Le premier pic d'intensité sur le profil de l'ion Cu- correspond au pic de CuO2- et est donc attribué à un cuivre oxydé, alors que le deuxième pic, proche de l'interface oxyde/métal ne suit pas le signal de CuO2- et correspondrait à un cuivre sous forme métallique. Cela suggère une quantité plus importante de cuivre oxydé dans la partie de la couche d'oxyde plus proche de la surface et un léger enrichissement en cuivre à l'interface métal/oxyde. De nombreux travaux ont mis en évidence la présence d'un enrichissement en cuivre à l'interface entre la couche d'oxyde et le substrat métallique sur des alliages d'aluminium ayant subi un traitement de désoxydation [16,201,216,224–226] comme illustré par exemple sur l'image TEM de Liu et al. (Figure III-13 (a)) [224] et le profil XPS en profondeur de Vander Kloet et al. (Figure III-13 (b)) [216].

Figure III-13 : Résultats présentés dans la littérature, mettant en évidence l'enrichissement un cuivre entre la couche d'oxyde et le métal sur des échantillons désoxydés. (a) Image MEB d'un alliage Al-1,3at%Cu après 900 secondes d'immersion dans une solution de HNO3 dilué, d'après Liu et al. [224]. (b) Profil XPS en profondeur sur un échantillon de AA 2024-T3 désoxydé dans

une solution de Sanchem 1000, d'après Vander Kloet et al. [216].

Dans la littérature, une explication a été proposée pour cet enrichissement en cuivre à l'interface entre la couche d'oxyde et le métal. Lors de la désoxydation, un état stationnaire est atteint entre la dissolution de la matrice d'aluminium et la formation de la couche d'oxyde. Lorsque l'attaque du substrat métallique est importante, la dissolution préférentielle de l'aluminium par rapport aux éléments d'alliage moins solubles entraîne un enrichissement de ces éléments d'alliages (particulièrement le cuivre) à l'interface entre la couche d'oxyde et le métal [16,215]. Plusieurs

la résistance à la corrosion des couches de conversion chromatées formées sur ces surfaces [227,228].

D'après les résultats présentés sur la Figure III-12 discutés ci-dessus, les conditions de désoxydation utilisées dans le cadre de ces travaux de thèse (Socosurf A1858/A1806, 50°C, 5 minutes) engendrent un faible enrichissement en cuivre à l'interface entre la couche d'oxyde et le métal. Cela s'explique probablement par le temps d'immersion assez court ainsi que par la vitesse d'attaque relativement faible du bain de Socosurf A1858/A1806. Les conditions de désoxydation utilisées ici sont donc relativement douces par rapport aux conditions de désoxydation plus agressives (temps long et vitesse d'attaque élevé) décrites dans la littérature et provoquant un enrichissement en cuivre à l'interface oxyde/métal. En effet, la vitesse d'attaque du bain de Socosurf A1858/A1806 est comprise entre 3,5 et 4 µm/heure, ce qui est plus faible que la vitesse de 7,4 µm/h reportée pour le désoxydant Turco NCB (Fe(III)/HF/HNO3) et plus élevé que celle de 1,9 µm/h reportée pour le désoxydant Sanchem 1000 (HNO3/NaBrO3) [149]. Harvey et al. [215] ont étudié l'effet d'une désoxydation dans une solution de HNO3/NaBrO3 sur la surface de l'alliage AA 2024-T3 pour différents temps d'immersion et différentes températures, leurs résultats sont présentés sur la Figure III-14. Leurs résultats mettent en évidence qu'une désoxydation à faible température (20°C) retire les particules intermétalliques présentes en surface de l'alliage mais a peu d'effet sur la couche d'oxyde, puisqu'aucun enrichissement en cuivre n'est observé à l'interface oxyde/métal et la surface n'est pas rugueuse. En revanche, une désoxydation à plus haute température et/ou à des temps plus longs provoque une attaque plus importante du métal entrainant un enrichissement en cuivre important à l'interface entre la couche d'oxyde et le métal ainsi qu'un aspect de surface caractéristique, très rugueux, appelé "scalloped structure", en anglais. L'enrichissement en cuivre et l'aspect très rugueux de la surface sont clairement visible sur les images de la deuxième colonne de la Figure III-14 [215].

Figure III-14 : Résultats de Harvey et al. présentant (a) des images EELS (O bleu, Al vert et Cu rouge) et (b) des images MEB de surfaces de AA 2024-T3 ayant subi des désoxydation dans une

solution de HNO3/NaBrO3 pendant 1 minute à 20°C (1ere colonne) ou pendant 10 minutes à 60°C (2ème colonne) [215].

L'image MEB de notre surface désoxydée présentée sur la Figure III-8 (a) ne montrait pas cette structure très rugueuse de la surface. Cela confirme donc l'hypothèse selon laquelle les conditions de désoxydation utilisées ici sont assez peu agressives et explique pourquoi l'enrichissement en cuivre à l'interface entre l'oxyde et le métal est limité (Figure III-12).

III.V. Conclusions

Les résultats présentés dans ce chapitre ont permis de caractériser l'état de la surface de l'alliage AA 2024-T3 après chaque étape de prétraitement. Nous avons constaté que la surface à l'état de réception (ayant subi un traitement thermique T3 et un laminage à froid) contient de l'oxyde de magnésium, qui est formé lors du traitement thermique que subit l'alliage lors de sa fabrication. Le polissage, nécessaire pour pouvoir utiliser de façon quantitative les méthodes d'analyse telles que l'AFM et le ToF-SIMS, retire cette couche enrichie en oxyde de magnésium et la couche d'oxyde qui se forme est composée d'oxyde et d'hydroxyde d'aluminium avec une faible quantité de cuivre (0,5 % at.).

La surface dégraissée est riche en cuivre (5,7 % at.), et l'analyse XPS révèle la présence d'oxyde

(a)

(b)

la fois à une redéposition du cuivre sur toute la surface de l'échantillon et au cuivre de la couche d'oxyde formée localement au-dessus des particules intermétalliques. L'analyse AFM a également mis en évidence la protubérance de ces particules intermétalliques à la surface de l'alliage, comme cela a été observé dans la littérature après des traitements dans une solution de soude. La désoxydation permet de retirer cette couche riche en cuivre formée lors du dégraissage et de retirer un grand nombre de particules intermétalliques présentes à la surface de l'alliage. Bien que le désoxydant utilisé ici contienne un sel de fer, aucun dépôt de fer n'a été observé sur la surface. Un faible enrichissement en cuivre à l'interface entre la couche d'oxyde et le métal a été observé. Cela est attribué à une attaque relativement douce de la surface lors du traitement de effectué. Afin de valider cette explication, il serait intéressant de réaliser une désoxydation pendant un temps plus long, pour voir si on observe un enrichissement en cuivre à l'interface oxyde/métal. Si cet enrichissement est observé, il serait également intéressant d'analyser les couches de TCP formées sur de telles surfaces, afin de d'étudier le potentiel impact de cet enrichissement en cuivre sur la formation de la couche de TCP.