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La LOLF : matrice des démarches globales de modernisation ?

Conduire le changement

SERVICE Missions/objectifs

7.2.4. La LOLF : matrice des démarches globales de modernisation ?

ƒ Les principes

Appliquée depuis le 1er janvier 2006, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, fixe le cadre de la nouvelle constitution financière de l’Etat et vise à satisfaire deux objectifs principaux :

‚ réformer le cadre de la gestion publique pour transformer la culture des moyens en une culture des résultats par une recherche de l’efficacité ;

‚ renforcer la transparence des informations budgétaires et la portée de l’autorisation parlementaire.

Meilleure lisibilité de l’action publique, meilleure gestion de l’argent publique, responsabilisation. Ces problématiques sont sans conteste d’actualité dans les collectivités territoriales.

ƒ La LOLF est-elle adaptée et adaptable au contexte des collectivités territoriales ? Dans leur rapport « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances : réussir la LOLF, clé d'une gestion publique responsable et efficace », remis au gouvernement en septembre 2005, les parlementaires Alain Lambert et Didier Migaud jugent nécessaire d' « inciter les collectivités territoriales à développer un processus de performance ».

Mais dans quelle mesure ce processus doit-il s’inspirer de la LOLF ? La performance d’un État, structure vaste mais « unique », s’évalue-t-elle selon les mêmes critères que celle des collectivités territoriales, dans toute leur diversité ?

‚ La segmentation stratégique proposée par la LOLF est-elle transposable aux collectivités territoriales ?

Une structuration de la présentation budgétaire en missions/programmes/actions représente un effort considérable pour les collectivités, en terme de retraitement des données budgétaires, et présente une difficulté variable selon le niveau de collectivité auquel on s’adresse : si les grandes collectivités disposent a priori de moyens plus importants pour effectuer ce retraitement, la multiplicité de ces missions et leur enchevêtrement complique considérablement la tâche ; à l’inverse, le découpage stratégique au niveau d’une petite collectivité semble plus aisé, mais constitue une entreprise qu’elle n’a pas forcément les moyens humains ou matériels d’effectuer.

En tout état de cause, une telle structuration ne pourrait se faire qu’à titre indicatif (ce que proposent d’ailleurs MM. Lambert et Migaud), sauf à refondre entièrement les instructions comptables actuelles.

Toutefois certaines collectivités se sont déjà résolument engagées dans cette voix, au prix d’un travail en profondeur avec élus et fonctionnaires pour « remettre à plat » les missions qu’elles assurent.

Dans ces collectivités, les élus ont été mis à contribution pour réfléchir au service public local et en déterminer les finalités, donnant ainsi une réponse à la question : « que faisons nous et pourquoi ? ». Ainsi se dessine progressivement la véritable stratégie de la collectivité.

De leur côté, les services ont été amenés à réfléchir, à un niveau plus opérationnel, à leur action, à la lumière du découpage en missions proposé par les élus. Cela permet de mettre en regard les moyens mis en œuvre et les objectifs affichés, mais aussi de mettre de la cohérence dans les différentes actions menées, en faisant ressortir clairement à quel but elles participent.

Il existe cependant une difficulté fondamentale dans cet exercice, tenant au fait que la

« répartition » des moyens humains et financiers entre les différentes actions ou les différents programmes s’avère un exercice particulièrement complexe. Il pose en effet la question du coût complet d’une action ou d’un programme, dont la détermination pose de nombreuses difficultés.

‚ La LOLF est-elle une « révolution » par rapport aux pratiques actuelles de collectivités ?

Il existe déjà dans les collectivités des outils qui orientent les données budgétaires et comptables dans le sens d’une structuration telle qu’elle existe dans la LOLF. La présentation fonctionnelle introduite par la M14 est de ceux-là. D’un strict point de vue comptable,

certains rappellent même que les possibilités offertes par la M12 étaient déjà très intéressantes, et permettaient un pilotage assez fin des dépenses publiques.

Même du point de vue de la logique de performance introduite par le LOLF, qui établit des objectifs, et contrôle les résultats au moyen d’indicateurs, les collectivités ne sont pas entièrement dépourvues. En effet, certaines collectivités ont d’ores et déjà développé des pratiques de gestion tout à fait conformes avec ce qu’est aujourd’hui « l’esprit » de la LOLF, à savoir une structuration de leurs actions par politiques publiques, avec définition d’objectifs et suivi de réalisation.

En réalité, et même si l’affirmation peut sembler banale, la LOLF ne constitue pas une

« révolution » à proprement parler. Elle est assise sur des principes dont chacun s’accorde à dire qu’ils sont vertueux et pertinents, mais qui ne sont pas totalement étrangers à la gestion publique locale telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.

‚ Les finalités de la LOLF répondent-elles aux besoins des collectivités territoriales ?

- D’un point de vue gestionnaire, la LOLF est un outil de maîtrise des dépenses de personnel de l’État

Au-delà des finalités de transparence et de meilleure contrôle démocratique propres à la LOLF, celle-ci a pour effet de responsabiliser les gestionnaires de programme sur l’utilisation des moyens qui sont mis à leur disposition.

La LOLF a été créé pour un État dont la priorité est aujourd’hui de réduire une dette publique qui obère tous les jours davantage ses capacités financières. Les dépenses de personnel étant le poste de dépense les plus important, c’est à leur maîtrise qu’incitent les principes contenus dans la LOLF, par le biais notamment de la « fongibilité asymétrique ».

En effet la LOLF consiste pour le Parlement à voter des programmes au sein desquels les crédits sont fongibles par nature de dépenses, dans la limite du plafond du programme, exception faite des crédits de personnel, dont le montant est limitatif par programme. Le gestionnaire peut donc choisir de privilégier, par exemple, l’investissement en y consacrant des crédits initialement réservés aux dépenses de personnel. A l’inverse, l’abondement des dépenses de personnel par les crédits d’autre nature est impossible. On introduit ainsi un mécanisme de « cliquet » qui, sur le long terme, va permettre une réduction des dépenses de personnel au sein du programme.

Parallèlement à cette limitation de crédits par programme, chaque ministère arrête un plafond d’autorisation d’emplois exprimé en Équivalent Temps Plein Travaillé (ETPT), et qui se trouve décliné par programme, par Budget Opérationnel de Programme (BOP) et par catégories d’emplois.

- Les collectivités territoriales peuvent-elles s’assigner les mêmes objectifs ? Indéniablement, la maîtrise des dépenses de personnel sont un enjeu de taille pour les collectivités territoriales. Pourtant, d’un point de plus large, la situation des finances publiques locales est dans une situation tout autre que celle de l’État.

Tout d’abord l’obligation légale d’adopter des budgets en équilibre qui est faite aux collectivités (qui est en soi un principe de bonne gestion publique) empêche les finances publiques locales d’être dans une situation aussi délicate que celles de l’État.

Par ailleurs, les collectivités locales sont aujourd’hui le premier investisseur public en France.

Si demain elles devaient adopter les contraintes financières de la LOLF, seraient-elles en mesure de poursuivre cet effort d’investissement ?

‚ Les risques de la logique LOLF pour les collectivités territoriales - La fascination pour l’outil risque de faire oublier son but

L’intérêt que suscite la LOLF, la séduction qu’elle peut exercer ici ou là dans le monde territorial réside dans son caractère systématique. Elle constitue un corpus standardisé d’application uniforme au niveau de l’État. La tentation est donc grande pour les collectivités territoriales d’en faire usage comme d’une boîte à outils qui fournirait « clef-en-main » une stratégie de performance.

Or, ce que montrent les expériences les plus abouties de mise en œuvre de démarches globales de changement, c’est la nécessité absolue d’une définition préalable par la collectivité elle-même d’une stratégie de performance, avant toute mise en marche d’outils de type LOLF.

Le plus difficile est donc de se garder de la fascination, ou de l’effet de mode que peut exercer la LOLF pour privilégier la réflexion de fond sur les missions et les finalités du service public local, afin de déterminer dans un deuxième temps, le type de démarche le plus adapté à la collectivité. Autrement dit avant de prendre l’outil, il faut définir ce à quoi il va servir.

- Les risques inhérents à un processus de mesure de la performance

Le cycle de la performance, tel qu’il est exposé notamment dans la LOLF, associe définition d’une stratégie, fixation d’objectifs, mise en place d’outils de mesure et évaluation des résultats. Au sein de ce processus, l’une des difficultés principales rencontrées par les services de l’État réside dans la détermination des indicateurs de performance. A la difficulté de disposer de l’information nécessaire à la fabrication de l’indicateur s’ajoute celle de sa pertinence au regard de l’objectif.

Ce risque a été signalé par Jean Arthuis dans son rapport du 2 mars 2005 au titre significatif :

« LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance ? ». Il semble en effet que la lourde tâche de définition des indicateurs de performance dans les services de l’État ait pu susciter une certaine myopie, poussant les agents à se focaliser sur les indicateurs plus que sur la mise en place d’un processus de performance.

Rien n’indique que la mise en place d’outils de mesure de la performance ne produise pas de tels biais dans les collectivités territoriales. Pourtant, de manière paradoxale, il semble que la plus grande proximité, à l’échelon local, entre le niveau de l’autorisation budgétaire et le niveau opérationnel pourrait conduire à une définition plus juste du « bon » indicateur, la proximité favorisant des rapports de confiance qui peuvent enlever aux indicateurs leur caractère d’outil de contrôle.

Enfin, il ne faut pas négliger, dans la constitution de ce système de mesure de la performance, l’important travail de reparamétrage du système d’information qu’il implique. (cf. fiche

« Systèmes d’information).

- Les risques de la « standardisation » des démarches globales de performance par le biais de la LOLF

Prendre exemple sur la LOLF pour bâtir des indicateurs de performance ne suscite pas a priori de problèmes particuliers pour les collectivités territoriales, du moins cela ne pose-t-il pas de problèmes différents de ceux que peuvent rencontrer les services de l’État dans l’élaboration de leurs propres indicateurs.

En revanche, la standardisation, sous l’impulsion de l’État, d’indicateurs à toutes les collectivités, même réunies en sous-groupes (en fonction de la strate de population par exemple), pourrait s’avérer beaucoup plus problématique. Non pas parce qu’il inciterait les collectivités à se lancer dans une démarche de mesure de la performance, en tout point salutaire, mais parce qu’il serait vécu comme une réforme imposée « d’en haut », comme une contrainte. Or on peut légitimement penser que l’indicateur est d’autant plus pertinent qu’il est défini au plus prêt du terrain.

- Le risque d’insincérité

La mesure de la performance nécessite de la part de l’organisation qui la met en place d’être prête à se confronter à ses propres dysfonctionnements. Tout manque de transparence et toute insincérité dans le traitement des résultats auraient pour conséquence de décrédibiliser durablement le système de mesure.

Or, la mise en œuvre de la LOLF au sein des services de l’État a pu faire apparaître ici ou là, de la part des gestionnaires, la facilité de produire des indicateurs qui, à défaut d’être pertinents pour la mesure de la performance, présentent l’avantage d’être aisés à élaborer et à contrôler, permettant ainsi de donner une image de sa performance pas nécessairement conforme à la réalité mais « validée » par l’indicateur produit.

Si le même biais pourrait apparaître à l’échelon territorial, les conséquences en revanche, ne seraient pourtant pas les mêmes. En effet les résultats de la performance sont plus « visibles » à l’échelle d’une collectivité territoriale qu’à celle de l’État, du fait de la plus grande proximité de l’administration avec le citoyen et avec l’élu (de la majorité comme de l’opposition). De ce fait, on peut penser qu’un contrôle plus attentif sera porté à la production de ces indicateurs.

- Le risque d’une « bureaucratie » lolfienne

L’expérience de la mise en œuvre de la LOLF au niveau de l’État a montré qu’une telle entreprise ne pouvait être menée sans aide extérieure. La construction puis l'alimentation régulière des indicateurs a pu notamment susciter des coûts non négligeables. Pour une

« machine » aussi complexe que celle de l’État, l’appui d’experts semble indispensable, mais il fait aussi naître le risque d’une bureaucratie qui seule aurait la maîtrise de la « salle des machines », qui n’aurait qu’un lien distant avec le niveau d’exécution.

La taille plus modeste des collectivités territoriales leur éviterait-elle cet écueil ? Il est vrai qu’un système de pilotage de la performance mis en place à l’échelle d’une collectivité territoriale, s’il peut avoir besoin ponctuellement, à l’amorçage de la démarche, d’une aide extérieure, semble pouvoir être maîtrisé par la collectivité.

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7.3. Pistes de réflexion