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Les limites de la prospective

Améliorer le processus décisionnel

6.2.3. Les limites de la prospective

ƒ Le foisonnement de l’information

Si elle ouvre de nouvelles possibilités pour les démarches prospectives, la société de l’information dans laquelle évoluent aujourd’hui les collectivités rend aussi l’exercice plus difficile.

En effet, le recueil d’information n’est que la première étape, pas nécessairement la plus aisée d’ailleurs, des démarches prospectives. Mais, ce qui constitue véritablement la valeur de la démarche prospective est bien l’analyse que l’on en tire. Or l’information stratégique à retenir pour éclairer le choix des décideurs sur la stratégie à adopter se retrouve dilué dans le flot d’information générale. Il s’avère difficile de se retrouver dans un tel magma et d’y repérer les fameux « signaux faibles » qui révèlent les tendances de fond.

Par conséquent, toute la difficulté réside dans la capacité des collectivités à trier, analyser, et donner de la cohérence aux informations recueillies.

Par exemple, une collectivité qui souhaiterait définir une stratégie globale de long terme doit non seulement tenir compte des différents documents stratégiques élaborés pour chaque secteur, mais aussi du schéma de cohérence global qu’est le SCOT, avant d’élaborer sa démarche prospective.

Force est de constater que peu de collectivités parviennent aujourd’hui à tenir compte de l’ensemble des orientations retenues dans leurs documents stratégiques, et que la cohérence entre eux, même schématisée, n’est que rarement atteinte. Il semble en effet difficile d’avoir à l’esprit l’ensemble des données contenues dans ces documents au moment de l’élaboration d’une stratégie pour le futur de la collectivité territoriale. Il est donc fréquent que les démarches de prospective stratégique commencent par refaire le travail qui avait été effectué au cours de l’élaboration de ces documents.

Se pose également la question de la valeur de l’information dont peuvent disposer les collectivités pour leur prospective, notamment du fait que la plus grande partie de l’information provient d’acteurs extérieurs à la collectivité et dont elle est incapable de juger la qualité.

ƒ Le « citoyen expert »

L’association du citoyen aux démarches prospectives se développe dans les collectivités.

Cette démarche s’inscrit plus généralement dans le contexte du développement de la démocratie participative dans la société actuelle. Elle en partage de ce fait les inconvénients.

Les démarches prospectives visent à répondre, conformément aux ressources et aux orientations stratégiques de la collectivité territoriale, aux besoins des citoyens. En leur demandant leur avis, non seulement on obtient un ensemble d’une grande hétérogénéité dont il est impossible de faire la synthèse, mais en plus, sachant qu’on ne pourra pas les satisfaire

tous, on crée nécessairement une frustration chez les participants, qui ont l’impression d’avoir été écoutés mais pas entendus.

Dans les observations que nous avons réalisées dans les collectivités, on a pu remarquer que celles dont les démarches de démocratie participative semblaient les plus efficaces étaient celles où les « règles du jeu » de la décision publique étaient clairement affichées, à savoir : concertation avec les citoyens dans un premier temps, synthèse et analyse par les services ensuite, puis décision par les élus en dernière instance.

Autrement dit, les démarches de démocratie participative ne sont efficaces que dans la mesure où elles s’inscrivent dans le cadre de la démocratie représentative, où la décision finale appartient aux représentants élus.

ƒ Un problème de responsabilité ?

Une des limites fortes des démarches prospectives tient à ce que les individus qui décident des orientations retenues pour filtrer les besoins à satisfaire ne sont pas ceux qui auront à les mettre en œuvre, et a fortiori, à en subir les conséquences.

Autant les décideurs locaux peuvent être tenus pour responsables des décisions qu’ils prennent pendant leur mandature, autant les orientations stratégiques choisies semblent difficilement contestables dans la mesure où, quand bien même elles ne seraient pas remises en cause par leurs successeurs, leurs effets ne se produisent que très en aval du moment de la décision.

Cette situation « d’irresponsabilité » en quelque sorte, présente certains avantages, et notamment celui de faire de la prospective un enjeu non partisan, qui offre la possibilité d’un débat de fond parmi les élus. De l’aveu de ces derniers, les discussions qu’elle suscite se révèlent particulièrement intéressantes.

ƒ Difficultés propres à la GPEC

La plupart des grandes collectivités se sont aujourd’hui engagées dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, si bien qu’il est possible de tirer les premiers enseignements sur les difficultés de sa mise en œuvre.

La première de ces difficultés est l’ampleur de la démarche, et surtout de l’étape initiale de la cartographie des métiers et des compétences de la collectivité. Non seulement ce travail est long et minutieux, mais en plus il est nécessaire de le mettre à jour en permanence. Par voie de conséquence, le temps consacré à la partie proprement prospective de la GPEC est souvent réduite à la portion congrue. On a même pu constater que certaines collectivités avaient purement et simplement abandonné leur GPEC faute d’avoir pu s’y retrouver dans « l’usine à gaz » qu’elles avaient bâtie.

La leçon à tirer de ces expériences est que la GPEC est une démarche qui mérite qu’on y consacre spécifiquement des agents, et qui ne doit pas être considérée comme une tâche supplémentaire gérable à effectifs constants.

De même que dans les démarches globales de modernisation de type LOLF, la fabrication des indicateurs de performance est une tâche compliquée qui accapare beaucoup la disponibilité des services, de même la fabrication et la mise à jour des fiches métiers et du référentiel de la

collectivité tendent à focaliser l’attention et à faire perdre de vue la finalité de la démarche.

L’utilité s’efface derrière l’outil.

Toujours pour garder la comparaison avec la LOLF, la GPEC a aussi tendance à apparaître comme une panacée qui pourrait résoudre les problèmes de ressources humaines rencontrés par les collectivités. Il ne faut pourtant pas oublier que la GPEC est aussi un instrument de régulation des dépenses de personnel et de contrôle de la masse salariale, poste de dépenses le plus important pour une collectivité.

Prévoir les compétences nécessaires à la collectivité de demain, cela signifie, en filigrane, déterminer celles qui ne le seront plus, et donc envisager des non remplacements de poste et des reclassements.

Faire le bilan de compétences de chaque agent, c’est aussi faire apparaître des compétences non exploitées chez ses collaborateurs qui ne pourront pas forcément l’être, faute de poste disponible dans la collectivité. La GPEC peut donc indirectement créer des frustrations chez les agents.

Enfin, la configuration optimale des ressources humaines d’une collectivité que vise la GPEC est en butte à un certain nombre de problèmes contre lesquels celle-ci est impuissante, comme par exemple les différences de statut entre les agents, les modifications apportées par la récente réforme sur l’âge du départ en retraite ou encore le manque d’attractivité du secteur public par rapport au secteur privé sur les compétences rares.

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6.3. Pistes de réflexion

6.3.1. Les collectivités doivent-elles renforcer et structurer la fonction