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L’évaluation des politiques publiques locales

Mesurer pour piloter

1.3. Pistes de réflexion

3.1.2. L’évaluation des politiques publiques locales

Appliquée au domaine des collectivités territoriales, l’évaluation est généralement entendue comme la démarche qui consiste pour la collectivité à exercer un regard critique, rétrospectif, sur les politiques qu’elle a conduites. Telle est en tout cas la mission confiée aux services chargés de l’évaluation dans les organigrammes des collectivités.

« L’évaluation » pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics signifie donc avant tout évaluation des politiques publiques locales. Des trois formes d’évaluation évoquées ci-dessus, on se situe donc plutôt dans une évaluation a posteriori.

ƒ Les facteurs de développement de l’évaluation dans les collectivités territoriales

‚ L’influence de l’État

- Essor de l’évaluation des politiques publiques en France

Le développement de l’évaluation des politiques publiques locales a été favorisé par l’émergence des dispositifs d’évaluation au niveau de l’Etat, à la suite des rapports Deleau11 (1986), Viveret12(1989) ou encore du décret du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation des politiques publiques. A l’échelle des territoires, les politiques contractuelles et partenariales furent le champ d’expérimentation privilégié de l’évaluation avec notamment les Contrats de Plan État-Région (CPER) et les politiques structurelles de l’Union Européenne. L’évaluation s’est donc développée d’abord par obligation.

- Les CPER : premiers pas vers l’évaluation des politiques publiques locales

En effet, l’évaluation des CPER est devenue une obligation pour les préfets de région à partir de la génération 1994-1999. Cette obligation a par la suite été rappelée dans la circulaire du 31 juillet 1998 sur les contrats de plan, puis précisée dans celle du 25 août 2000. Les évaluations sont réalisées conjointement par les services de l’État (Secrétariat Général aux Affaires Régionales) et par les Conseils régionaux.

- L’influence de l’Union Européenne sur le développement de l’évaluation Pour ce qui concerne l’évaluation des politiques structurelles de l’Union Européenne, les règles ont été fixées par le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant disposition générale sur les fonds structurels, qui institue non seulement une évaluation finale (rétrospective) mais encore une évaluation ex ante et une évaluation à mi-parcours. Bien que les responsables de ces évaluations soient les services de l’Etat (préfectures de Région avec le

11 Michel Déleau, « Évaluer les politiques publiques. Méthodes, déontologie, organisation ». Edition de la Documentation Française, 1986.

soutien de la DATAR), les collectivités territoriales sont concernées au premier chef par ces politiques.

- La LOLF : une systématisation de l’évaluation qui influence les collectivités

Plus récemment, la logique de performance que l’Etat met en place grâce à la nouvelle Loi Organique sur les Lois de Finances (LOLF) est évidemment un élément de contexte favorable au développement de l’évaluation dans les administrations.

Mais cette fois, il s’agit plus de l’évaluation comme pratique quotidienne et systématique que de l’évaluation des politiques publiques. Avec la LOLF, on évalue des résultats par comparaison avec des objectifs préalablement fixés, au moyen d’indicateurs de performance.

Plus que d’évaluation des politiques publiques à proprement parler, la LOLF propose un type d’évaluation fondé sur la segmentation stratégique des activités telle qu’elle apparaît désormais dans le budget de l’Etat (structuration en missions/programmes/actions).

- La loi du 13 août 2004 et l’évaluation des expérimentations

Enfin la récente loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales fait de l’évaluation un corollaire nécessaire de l’expérimentation. Cette évaluation a une importance déterminante, car c’est en fonction de ses conclusions que l’expérimentation sera ou non généralisée.

Si l’on peut regretter que la loi du 13 août 2004 est privilégiée une expérimentation très encadrée plutôt que de laisser une liberté d’innovation plus grande aux collectivités, on note toutefois qu’elle accorde à l’évaluation une place qui ne peut que la renforcer comme pratique systématique dans les territoires.

‚ La collectivité et son environnement - Environnement concurrentiel

- Une attente d’éléments de comparaison de la part des acteurs

L’évaluation tend également à se développer du fait de la pression de l’environnement concurrentiel qui entoure aujourd’hui les collectivités. La pression se fait aujourd’hui de plus en plus forte sur les collectivités pour qu’elles fournissent aux acteurs socio-économiques (investisseurs, entreprises, ménages, etc.) des éléments de comparaison tangibles, susceptibles d’être pris en compte dans leur choix de localisation.

L’une des fonctions assignée à l’évaluation est de répondre à cette demande, en fournissant des données plus objectives à ces acteurs que celles fournies par la seule rumeur ou par les classements souvent contestés qui paraissent régulièrement sur les performances comparées des collectivités.

- L’évaluation comme outil de communication de la collectivité

D’une certaine manière l’évaluation permet de reprendre la main sur la communication externe de la collectivité, sur la qualité perçue de ses services par le grand public, avec deux défauts majeurs néanmoins : la suspicion de manque d’objectivité quand l’évaluation est faite par la collectivité territoriale elle-même, et l’absence de comparabilité des évaluations entre collectivités.

- Environnement idéologique : rendre des comptes au citoyen

L’essor de l’évaluation des politiques publiques locales est une manifestation supplémentaire de la prise en compte croissante des exigences des citoyens à l’égard des autorités publiques.

Parce que l’évaluation des politiques publiques est (du moins en principe) une démarche vouée à être rendue publique, elle est une manière pour la collectivité de rendre compte de son action auprès des citoyens, à la fois conçus comme consommateurs exigeant un niveau satisfaisant de service public et comme contribuables exigeant une bonne utilisation de leur contribution publique.

Au moyen de l’évaluation, la collectivité territoriale accepte de donner des informations sur la manière dont elle gère et utilise l’argent public et d’être jugée par les citoyens. Elle est donc à la fois un geste de transparence de la part de l’autorité publique et un élément de choix pour le citoyen.

- Environnement sous l’angle du développement durable

La sensibilité accrue à la thématique du développement durable au sein des collectivités territoriales, due à la fois à la généralisation de cette préoccupation dans la société et à l’élargissement des compétences des collectivités dans ces domaines, favorise aussi l’essor de l’évaluation. Ici la dimension retenue est plus celle de l’impact des actions de la collectivité sur son environnement, au sens large du terme.

Dans une démarche de développement durable, l’évaluation a pour enjeu la mesure des effets de long terme d’une politique sur le territoire et ses habitants. A cet égard, l’évaluation permet non seulement de répondre à une attente des citoyens mais aussi de diffuser la culture du développement durable au sein de la collectivité.

ƒ Les finalités de l’évaluation des politiques publiques locales

Rappelons tout d’abord les conclusions du Petit guide de l'évaluation élaboré par le Conseil scientifique de l'évaluation au début des années 1990. Il en distingue quatre :

« a) une finalité « déontologique » : rendre des comptes aux responsables politiques et aux citoyens sur la manière dont une politique a été mise en oeuvre et sur les résultats qu'elle a obtenus. Cette dimension recouvre donc à la fois l'amélioration de l'« imputabilité » des systèmes d'action publique (notion correspondant au terme anglais accountability, au sens de capacité à rendre des comptes sur son action à une autorité de niveau supérieur ou à un public démocratique), la finalité informative et la finalité « démocratique » de l'évaluation.

b) une finalité gestionnaire : répartir plus rationnellement les ressources humaines et financières entre différentes actions, améliorer la gestion des services chargés de les mettre en oeuvre.

c) une finalité décisionnelle : préparer des décisions concernant la poursuite, l'arrêt ou la refonte d'une politique.

d) une finalité d'apprentissage et de mobilisation : contribuer à la formation et à la mobilisation des agents publics et de leurs partenaires en les aidant à comprendre les processus auxquels ils participent et à s'en approprier les objectifs.

En outre, sans que l'on puisse parler de finalité, l'un des rôles manifestes de l'évaluation est de favoriser les convergences de vue et la coopération entre des acteurs politiques ou administratifs autonomes engagés conjointement dans la conduite d'une action. »

Au regard de ces différentes finalités, et suivant l’analyse de Serge Arnaud et Nicolas Boudeville dans Évaluer des politiques et programmes publics, l’évaluation peut servir :

- d’aide à la décision publique : non seulement l’évaluation permet de mieux connaître les activités de la collectivités, ce qui est en soi un facteur de facilitation du pilotage, mais encore elle débouche sur des conclusions et parfois de préconisations qui pourront éclairer les choix futurs des dirigeants territoriaux sur les politiques menées.

- d’outil de gestion économique : l’un des buts de l’évaluation est aussi d’identifier les gaspillages qui accompagnent certaines politiques publiques, ou plutôt de distinguer les dépenses publiques inutiles, ou qui sortent de l’objet initial de la politique considérée.

- d’outil de management : l’évaluation permet d’objectiver les politiques, et par conséquent de faire voir aux managers les améliorations à apporter aux fonctionnement de leurs services pour produire mieux et à meilleur coût.

- de moyen de communication et de légitimation de l’action publique : l’évaluation sert aussi bien à la collectivité elle-même pour faire le point sur ses actions qu’aux citoyens à qui la collectivité territoriale expose de façon argumentée et preuves à l’appui les résultats de son action.

- d’outil de formation : non seulement la collectivité apprend sur elle-même, mais encore l’évaluation lui permet-elle de confronter ses méthodes et son fonctionnement à d’autres pratiques dont elles pourra s’inspirer.

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3.2. Bilan des observations