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Avant d’administrer le traitement au patient, il est nécessaire de le planifier à l’aide de res- sources informatiques afin de prédire, d’optimiser et asservir l’administration de la dose, par la ligne médicale, au plan de traitement rendu spécifique à la maladie du patient. Le logiciel de planification de traitement (TPS) permet la réalisation virtuelle de la balistique de traite- ment à l’aide d’algorithmes modélisant les dépôts de dose de la ligne médicale sur les images volumétriques du patient (anatomie). Les objectifs sont d’assurer la couverture du volume cible à la dose prescrite et de minimiser la dose aux tissus sains. Cet outil est indispensable pour évaluer, contrôler et réduire la dose reçue par les OAR afin de ne pas dépasser les limites de doses de ces organes pour les maintenir, autant que faire se peut, dans un état viable et fonctionnel.

0.3.1 Simulation de référence : simulation Monte Carlo

Dans un milieu hétérogène, un nombre suffisant d’histoires indépendantes de particules trans- portées par techniques Monte Carlo fournit une approximation de la solution à l’équation li- néaire de transport de particules de Boltzmann [110–112]. L’exactitude des simulations Monte

Carlo dépend des sections efficaces d’interaction, des incertitudes géométriques et de l’implé- mentation du processus de transport. Ces simulations sont généralement plus exactes que les algorithmes de calcul de dose déterministes purs, dérivés de noyaux (kernels) de dose issus de simulations Monte Carlo, et qui traitent la présence d’hétérogénéités en introduisant des techniques correctives, rajoutant des incertitudes additionnelles. Les algorithmes Monte Carlo sont donc considérés comme des techniques de calcul de dose de référence. Bien que les mé- thodes Monte Carlo permettent de réduire les incertitudes sur l’estimation des parcours des protons [113] ; leur utilisation se limite généralement à un usage en recherche du fait de temps de calcul important. Elles sont maintenant utilisées pour évaluer les algorithmes cliniques (fais- ceau pinceau) de calcul de dose et pour caractériser une ligne médicale de faisceau.

0.3.2 Algorithmes Monte Carlo de références

Les techniques Monte Carlo sont considérées comme une référence d’exactitude pour les cal- culs de dose en protonthérapie et plusieurs logiciels sont utilisés à cette fin : Geant4 [114], MCNP [115, 116], SHIELD-HIT [117] et FLUKA [118]. Parmi ceux-ci, Geant4 a suscité un vif intérêt auprès d’une communauté d’utilisateurs de plus en plus nombreux en hadronthé- rapie. De plus, Geant4 est à la base de projets dérivés tels que Topas [119] et GATE [120]. Par ailleurs, EGSnrc modélise le transport des photons, des électrons et des positons, mais pas celui des protons [121]. C’est un code de référence en radiothérapie conventionnelle et en métrologie. Les travaux de Kawrakow et al. pour EGSnrc ont été le point de départ du nouveau formalisme présenté au chapitre 2. Ces codes s’exécutent sur processeurs centraux mais les temps de calcul sont trop longs pour être adaptés au flot clinique. Dans ce travail, Geant4 (version 10.4) a été adopté comme le code de référence sur lequel les résultats seront comparés.

0.3.3 Algorithme du faisceau pinceau

Actuellement, les techniques analytiques sont utilisées en routine clinique car elles permettent une évaluation rapide des distributions de dose. En hadronthérapie, l’algorithme clinique de calcul de dose le plus utilisé est appelé faisceau pinceau (Pencil beam) et il a été basé sur les algorithmes de tracé de rayon (Ray tracing) qui négligeaient les hétérogénéités au sein du patient, conduisant à des résultats trompeurs [122]. Le faisceau pinceau consiste à subdiviser le faisceau initial en faisceaux infinitésimaux et à superposer leurs contributions. Le nombre de faisceaux pinceaux est un compromis à trouver entre la précision souhaitée et le temps de calcul. Cette méthode est utilisée en routine clinique en protonthérapie et carbonethérapie puisqu’elle a démontré sa supériorité devant les autres algorithmes analytiques dans sa prise en compte des hétérogénéités [123–126]. L’algorithme du faisceau pinceau est basé sur un noyau de dose dans l’eau (kernel) obtenu par une simulation Monte Carlo. En présence d’hétérogénéités sur le parcours du faisceau, le noyau est mis à l’échelle et une longueur équivalente d’eau est calculée pour tenir compte de la différence de portée dans la matière des protons [127].

Figure 0.16 – Illustration de la portée de prescription R80mesuré (gel) et calculé (TPS) [128].

0.3.4 Portée de prescription R90 et R80

Les protons ont une portée finie dans la matière avec un dépôt d’énergie maximale dans la partie distale de leur parcours. En protonthérapie, la prescription se fait sur la portée : la portée de prescription. Pour des raisons historiques et dans la plupart des centres de protonthérapie, la prescription est faite sur la position la plus distale atteignant l’isodose de 90% de la dose prescrite : le R90. Ceci tend à évoluer vers le R80: la position la plus distale atteignant l’isodose de 80% comme illustré figure0.16. Le R80a plus de sens physique que le R90car il correspond à une atténuation en fluence particulaire de 50% du faisceau proton initial. De plus, il possède l’avantage d’être indépendant de la dispersion énergétique du faisceau [113].

0.3.5 Incertitudes sur la portée de prescription : limitations du faisceau pinceau

Les incertitudes sur la portée estimée des protons entre les algorithmes cliniques et la référence Monte Carlo ont été mises en évidence [123–125,127,129,130]. L’estimation des incertitudes sur la portée est une tâche complexe car de sources nombreuses et parfois corrélées. Paga- netti posa les premiers jalons dans un article de revue scientifique, en ne considérant pas le mouvement des organes et les artéfacts liés à l’imagerie tomodensitométrique [113].

Figure 0.17 – Comparaison des distributions de doses dans une géométrie complexe avec une inhomogénéité latérale locale entre un calcul de dose réalisé avec un algorithme faisceau pinceau (TPS XiO, image de gauche) et une simulation Monte Carlo (image de droite), extrait de Paganetti et al. [113,130].

Source d’incertitude sur la portée Incertitude de portée Incertitude de portée de prescription dans le patient avec faisceau pinceau avec Monte Carlo

inhomogénéités complexes -0.7% ±0.1%

inhomogénéités latérales locales ±2.5% ±0.1%

Tableau 0.1 – Incertitudes de portées liées à la technique de calcul de dose : avec l’algorithme clinique du faisceau pinceau et avec la technique Monte Carlo, extrait partiel de Paganetti et al. [113].

Les incertitudes indépendantes du calcul de dose sont de l’ordre de 1,2 mm (mise en service, reproductibilité du faisceau, montage patient) [113]. Une source d’incertitude est aussi liée au passage à la dose biologique avec le RBE (0,8%). Cette composante n’est pas intégrée dans les incertitudes relatives au calcul de dose sur la portée de prescription. Outre les composantes d’incertitudes liées à l’imagerie tomodensitométrique : acquisition, étalonnage, conversion du nombre CT (unité Hounsfield) en tissu, taille de la grille ; une composante majeure est l’incer- titude liée à la valeur du potentiel moyen d’excitation (§1.4.3) du matériau de l’ordre de ±1,5% et à celle liée aux inhomogénéités. Deux types d’inhomogénéités sont à distinguer : celles dites complexes et celles dites latérales locales, comme explicité au tableau 0.1. Les algorithmes analytiques basés sur des longueurs de parcours équivalents à l’eau ne tiennent pas compte de la position de l’inhomogénéité : c’est la composante d’inhomogénéité complexe estimée à -0,7% [113], contre ±0,1% pour les simulations Monte Carlo. De plus, les algorithmes ana- lytiques, tel le faisceau pinceau, échouent en présence d’inhomogénéités latérales locales à cheval sur le faisceau pinceau [113, 125, 129] induisant une incertitude sur la portée estimée à ±2,5% contre ±0,1% pour les simulations Monte Carlo. Cette composante d’incertitude

affecte généralement des volumes limités comme indiqué sur la figure 0.17. Elle dépend for- tement de la présence d’inhomogénéités latérales locales dans le champ d’irradiation, et on peut difficilement établir une marge générique. L’incertitude peut être réduite en subdivisant le faisceau pinceau en sous faisceaux pinceaux de plus petite taille, augmentant d’autant le temps de calcul et témoignant toujours de différences notables dans les cas de géométries complexes [113,125,129].

Figure 0.18 – Marges sur la portée de prescription en protonthérapie et incertitudes. Les lignes pointillées correspondent aux marges cliniques usuelles : 3,5% + 1 mm au Massachusetts General Hospital de Boston, 3,5% + 3 mm au MD Anderson de Houston et au centre de l’université de Loma Linda, 2,5% + 1,5 mm au centre de l’université de Pennsylvanie et à celui de l’université de Floride. Ces centres peuvent appliquer des marges plus importantes pour des cas de traitements complexes. La ligne en tirets 2,7% + 1,2 mm correspond à l’estimation de l’incertitude sur la portée sans l’utilisation des calculs de dose Monte Carlo et la ligne pleine 4,6% + 1,2 mm en rajoutant la présence d’inhomogénéités latérales locales. La ligne en tirets et pointillés 2,4% + 1,2 mm correspond à l’incertitude sur la portée avec l’utilisation des calculs de dose par techniques Monte Carlo. Ce graphique est extrait de Paganetti et al. [113].

L’estimation de l’incertitude sur la portée des protons pour les simulations Monte Carlo est considérée à 2,4% + 1,2 mm, 2,7% + 1,2 mm pour le faisceau pinceau sans inhomogénéités latérales locales et à 4,6% + 1,2 mm en présence d’inhomogénéités latérales locales comme illustré à la figure 0.17. La figure 0.18 représente ces incertitudes et les marges cliniques des centres en protonthérapie aux États-Unis. Par ailleurs, il est important de noter que l’incerti- tude induite par la taille de grille de l’imagerie tomodensitométrique peut être de l’ordre de 5% aux interfaces d’inhomogénéités (poumon et os) par effet de moyenne des densités [113]. Dans les autres cas, cette incertitude est estimée à 0,3% [113] et cette valeur a été considérée dans

les incertitudes données précédemment.