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4.3 Les modèles Geant4 d’interactions nucléaires pour la protonthérapie

4.3.1 Le modèle Geant4 de cascades intranucléaires binaires

Le modèle de cascades intranucléaires binaires (BIC) combine des éléments de dynamiques quantiques moléculaires (QMD) et de cascades classiques [239]. Dans le champ coulombien du noyau, la propagation des particules est réalisée, afin de simuler les interactions nucléaires inélastiques des protons, des neutrons, des pions et des ions légers, pour des énergies du projectile comprises entre 100 MeV et 10 GeV. Le nom de ce modèle provient du fait que seules les collisions entre le projectile et un nucléon sont considérées (entre deux hadrons). Néanmoins, les particules secondaires issues d’une collision binaire sont également autorisées à interagir dans d’autres collisions binaires, induisant, dés lors, des cascades binaires.

Les sections efficaces d’interactions binaires sont utilisées pour sélectionner les collisions. Quand elles sont disponibles, elles sont issues des données expérimentales du « Particle Data Group Collection » [240]. Les baryons sont des fermions ; lors d’interactions, ils sont donc soumis au principe d’exclusion de Pauli qui interdit les interactions dont les produits de l’in- teraction se trouvent dans un état occupé [133]. La cascade intranucléaire se termine quand l’énergie moyenne, ou les énergies des particules primaires et secondaires, sont en dessous de certains seuils. Tant que des particules possèdent une énergie minimale de 75 MeV la cascade binaire se poursuit. Si l’énergie moyenne par particule est inférieure à 15 MeV, la cascade s’arrête. Les fragments nucléaires, issus de BIC, forment un état exciton qui sert de donnée d’entrée pour le modèle pré-équilibre, nommé modèle pré-composé. Les noyaux qui en sont issus sont ensuite gérés par le modèle d’équilibre dit de désexcitation (Figure 4.1).

D’un point de vue chronologique et énergétique, voici comment sont invoqués les différents modèles afin d’atteindre l’équilibre :

1. le modèle de cascades intranucléaires binaires (validité au-dessus de quelques dizaines de MeV : 100 MeV, Emoyen= 15MeV et Emin= 75MeV,

2. le modèle de pré-équilibre invoqué par BIC : le modèle pré-composé (10 MeV à 170 MeV), 3. le modèle de désexcitation qui regroupe quatre sous-modèles (évaporation, désintégration

de Fermi, multi-fragments, évaporation pour les photons).

a) b)

c) d)

Figure 4.1 – Séquence schématique d’interactions nucléaires non-élastiques, extrait de Wright et al. [241] : a) entrée du hadron dans le noyau, b) réactions intra-nucléaires binaires, c) réactions pré-équilibres avec états particules-trous excités engendrant l’émission d’hadrons, d) désexcitation du noyau.

Modélisation du noyau Le noyau correspond à une sphère radialement isotrope dans laquelle les nucléons sont distribués selon la fonction densité de probabilité de l’oscillateur harmonique du modèle en couches pour A < 17 [133,237,241] :

ρ(ri) = πR2− 3 2 e− r2i R2 avec R = 0.8133A 2 3 fm2. (4.1)

Pour A > 16 la distribution suit la fonction de densité de probabilité de Woods-Saxon : ρ(ri) = ρ0 1 + eri−Rα avec ρ0 ≈ 3 4πR3(1 + 0.5452π2 R2 )−1 et R = 1.16(1− 1.16A −2 3 )A 1 3. (4.2) Ensuite, les quantités de mouvements de chaque nucléon sont tirées aléatoirement, uniformé- ment entre 0 et la quantité de mouvement maximal du nucléon Pmax

F (r) qui est déterminée suivant l’approximation locale de Thomas-Fermi [242] :

PFmax(r) = h 2πc 3π

2ρ(r)13

. (4.3)

La somme des quantités de mouvements de tous les nucléons se doit d’être nulle. Cette pro- cédure donne des configurations spéciales pour le noyau d’hydrogène (p = 0) et pour le noyau de deutérium 2H dont le neutron et le proton ont des quantités de mouvements de mêmes amplitudes, mais de sens opposés. L’énergie par nucléon est dérivée de :

e = E

A = mN+

B(A, Z)

A , (4.4)

où mN est la masse du nucléon, et B(A, Z) est l’énergie de liaison du noyau.

L’effet de l’interaction élastique nucléaire collective sur les particules primaires et secondaires est approché par un potentiel nucléaire dit également potentiel optique [241]. Pour un projectile proton ou neutron, ce potentiel est décrit par la quantité de mouvement local de Fermi PF :

V (r) = P 2 F(r)

2m , (4.5)

où m est la masse de la particule. Une simplification de l’approche QMD est ici faite puisque ce potentiel est supposé stationnaire [237].

Principe d’exclusion de Pauli

Suivant l’hypothèse d’un gaz de Fermi complètement dégénéré, les niveaux d’énergie sont remplis à partir du niveau le plus bas. L’énergie minimum, permise pour les produits de la collision, correspond au niveau le plus bas non occupé du système qui est, de fait, l’énergie de Fermi de la région d’impact EF. En pratique, le principe d’exclusion de Pauli est pris en considération, en acceptant les nucléons secondaires ayant une énergie strictement supérieure à l’énergie de Fermi de la région correspondante [133]. Autrement dit, tous les nucléons doivent avoir une quantité de mouvement supérieure à la quantité de mouvement de Fermi PF.

Mécanismes de collision et de transport

Pour la particule primaire, un paramètre d’impact est choisi au hasard, dans un disque, à l’extérieur du noyau, perpendiculaire à un vecteur passant par le centre du noyau d’un sys- tème de coordonnées parallèle à la direction de la quantité de mouvement. En utilisant une

trajectoire en ligne droite, toutes les distances minimales dmin

i , lors du passage du projectile, sont calculées pour chaque nucléon du noyau i, ainsi que les temps de vol correspondants ti. Dans ce calcul, les mouvements des nucléons de la cible sont ignorés [133]. La section efficace σi de l’interaction avec les nucléons cibles est calculée. Le projectile est susceptible d’interagir avec un nucléon quand dmin

i < pσi

π. Toutes les possibilités de collisions sont ensuite sauve- gardées par ordre croissant de temps de vol ti. Si aucune collision n’est produite, un nouveau paramètre d’impact est choisi aléatoirement [133].

À l’intérieur du noyau, une méthode d’intégration de Runge-Kutta est utilisée pour résoudre les équations du mouvement de la particule incidente et des particules secondaires provenant de la cascade [133]. Ces particules sont soumises au champ nucléaire et les particules chargées ont des trajectoires incurvées. La diffusion nucléon-nucléon est gérée par la formation d’une résonance dans le canal temporel (t) et d’une décroissance [241]. Les sections efficaces de dif- fusion proton-proton sont dérivées en supposant l’invariance de l’isospin et par l’utilisation des coefficients de Clebsch-Gordan correspondants [133]. La diffusion méson-nucléon, excep- tion faite pour l’absorption, est modélisée suivant l’excitation d’une résonance dans le canal d’espace (s) [241]. s et t réfèrent aux variables de Mandelstamm. Les sections efficaces suivent ici la forme de Breit-Wigner [133]. Les collisions élastiques nucléon sur nucléon sont modé- lisées et les sections efficaces différentielles proviennent de la base de données : « Scattering Analysis Interactive Dial-in » (SAID) [243]. L’angle de déviation du nucléon, dans l’état final, est calculé analytiquement. La décroissance des résonances est réalisée à partir des facteurs de branchements [240], et la masse de l’état de résonance est assignée en l’échantillonnant au moment de sa création, suivant la forme de Breit-Wigner [133].

Les ions légers sont la particule alpha (He2+), l’isotope de l’hélium (3He), le tritium (3H ou T) et le deutérium (2Hou D). Pour les ions légers, leurs nucléons vont réaliser librement leurs cascades intranucléaires. Les nucléons qui n’ont pas interagi sont regroupés pour former un fragment secondaire [237]. L’énergie de ce fragment est calculée en tenant compte de l’énergie initiale de l’ion incident et de ses nucléons qui ont interagi [133].

Le modèle BIC donne de bons résultats en protonthérapie pour la modélisation de lignes médicales et les calculs de doses associés [205].

Il faut noter l’émergence relativement récente d’un modèle QMD qui modélise les collisions ion-ion avec la classe G4QMD de Geant4 [244]. À l’origine, ce modèle a été développé par l’Institut de recherche sur l’énergie atomique du Japon et il est nommé JQMD [245–247]. Geant4 est un logiciel extrêmement modulaire : on peut assigner à un type d’hadrons un modèle de cascades correspondant. Ainsi, pour des applications de carbonethérapie on peut, par exemple, utiliser le modèle BIC pour les ions légers et assigner le modèle d’interaction JQMD pour les ions plus lourds. En réalité, on peut même utiliser le modèle qu’on souhaite pour chaque fragment. Le modèle QMD permet d’outrepasser le champ restreint d’application

du modèle BIC aux ions légers [248]. De plus, les calculs de doses en carbonethérapie sont précis [249]. Par ailleurs, dans le cadre du transport d’ions carbone pour la carbonethérapie, le rapport 78 de l’ICRU est à considérer [250].