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0.2 Traitements en protonthérapie

0.2.2 Indications thérapeutiques

Les indications de la protonthérapie demeurent actuellement limitées car cette technique n’est pas encore très répandue et les coûts associés sont supérieurs, en moyenne quatre fois plus pour l’investissement et 3,2 fois plus par séance, par rapport aux techniques conventionnelles [16]. Néanmoins, les études cliniques témoignent de l’intérêt des protons dans le cas des tumeurs radiorésistantes qui requièrent l’escalade des doses rendue complexe à cause d’OAR adjacents, et pour une préservation maximale de la toxicité de l’irradiation [46].

Cancers pédiatriques Une irradiation avec les techniques conventionnelles de radiothéra- pie peut être accompagnée d’effets secondaires et tardifs qui seront plus préjudiciables aux organismes en pleine croissance. La protonthérapie permet une meilleure conformité des doses au volume cible tout en épargnant davantage les tissus sains [47]. Elle est donc indiquée pour les cas de cancers pédiatriques [48] dont les plus fréquents sont :

- les médulloblastomes et les rétinoblastomes [49–51],

- les craniopharyngiomes, les épendymomes, certains gliomes [50], - les neuroblastomes [52],

- les sarcomes des tissus mous et les sarcomes d’Ewing qui sont des tumeurs radiorésis- tantes [53],

- les lymphomes [54].

Par ailleurs, il faut souligner que l’évaluation des bienfaits pédiatriques de la protonthérapie est sujette à controverse de par le manque de connaissances et de cadre théorique sur les effets tardifs et les doses biologiques. En effet, l’histogramme dose-volume pour la protonthérapie peut signifier quelque chose de sensiblement différent par rapport à l’histogramme dose-volume pour la radiothérapie par faisceaux de photons [55]. Seules les données de résultats cliniques réels, combinées avec une meilleure compréhension des différences entre la radiobiologie des protons et des photons aideront à réduire davantage les effets secondaires chez les enfants, et à exploiter le plein potentiel curatif de ces modalités [55]. Toutefois, les cancers pédia- triques peuvent préférentiellement être traités par protonthérapie pour limiter l’émergence de second cancer radio-induit [56–61]. De plus, la prise en charge de ces complications est dis- pendieuse et la protonthérapie pourrait s’avérer moins onéreuse qu’elle ne le paraît pour la cancérologie pédiatrique et des jeunes adultes. Des études médico-économiques plus étayées sont requises [16].

Mélanome de l’œil Il est avantageux de traiter le mélanome de l’œil (uvéal) ainsi que les dégénérescences maculaires et l’hémangiome choroïdien par protonthérapie pour les cas où la curiethérapie ne peut pas être employée [48], car les résultats sont comparables à une chirurgie [62] et le patient a une probabilité de garder une bonne acuité visuelle même dans le

cas de tumeurs situées à proximité du nerf optique [63,64]. De plus, on constate un fort taux de survie (80%) même pour les cas récurrents de mélanome [46,65].

Cancers du système nerveux central (encéphale et moelle épinière) La protonthé- rapie est appropriée pour traiter les gliomes, les médulloblastomes et certains types de méta- stases [66]. Les gliomes sont des tumeurs le plus souvent malignes qui sont classés par grades selon la nature des cellules cancéreuses. Les gliomes proviennent de la glie puis s’étendent en infiltrant et en comprimant le tissu cérébral sain. Les médulloblastomes sont des tumeurs malignes de la fosse postérieure de l’encéphale qui sont plus fréquentes chez l’enfant. Les cra- niopharyngiomes et les rhabdomyosarcomes sont également traités par protonthérapie. Ce sont respectivement des tumeurs de la région de l’hypophyse et des cellules mésenchymateuses. Les tumeurs de la base du crâne peuvent être traitées par protonthérapie [46,67] :

- les chordomes sont des tumeurs rares à malignité locale engendrant la compression des organes avoisinants et qui sont responsables de troubles neurologiques.

- les chondrosarcomes sont des tumeurs radiorésistantes qui nécessitent des doses d’irra- diation élevées que la radiothérapie conventionnelle seule ne permet pas de traiter. Il est également possible de traiter par protonthérapie les tumeurs cérébrales bénignes et certaines malformations artério-veineuses cérébrales [68]. Cette radiochirurgie est actuellement en net recul et des alternatives non irradiantes sont maintenant privilégiées [46].

Tumeurs de la tête et du cou La grande proximité des OAR tels le cerveau, les yeux, les nerfs optiques, la glande parotide, le tronc cérébral et la moelle épinière, rend la protonthérapie adéquate pour les traitements des tumeurs de la sphère ORL. Néanmoins, la radiothérapie conventionnelle par modulation d’intensité est la plus souvent utilisée bien qu’elle conduise à des effets secondaires déterministes plus préjudiciables pour le patient [69]. La protonthérapie est applicable pour les cas suivants :

- les tumeurs des sinus [70],

- les cancers de la bouche et du pharynx [20], - les tumeurs des glandes salivaires et du larynx.

- les carcinomes adénoïdes kystiques avec un taux de contrôle local proche de 80% [46], les sarcomes, les mélanomes et esthésioneuroblastomes [48,71,72],

- les carcinomes du nasopharynx [73].

Cancer du poumon Les tumeurs bronchiques de moindre volume, non à petites cellules, de stades T1 et T2, peuvent être efficacement traitées par résection chirurgicale ainsi que par radiothérapie [74]. La protonthérapie peut aussi être évoquée pour des tumeurs allant jusqu’à un stade 3 (T3,T4 et N0 à N3) si la chirurgie est impossible (tumeur adjacente à l’artère

pulmonaire) [75–77]. Le contrôle local dépend de la dose déposée dans la tumeur avec un bé- néfice constaté pour l’hypofractionnement [78]. La radiothérapie est devenue incontournable pour lutter contre les carcinomes pulmonaires. Cependant l’irradiation est limitée par des dommages possibles à certaines structures sensibles induisant des risques de myélite, de pneu- mopathie radique et d’œsophagite. Dans ce contexte, les protons procurent certains avantages supérieurs à la radiothérapie stéréotaxique conventionnelle :

- obtenir de meilleures distributions de doses [79], - mieux préserver les tissus sains environnants [75,77],

- permettre l’escalade de dose dans le volume cible en minimisant les effets secondaires post-irradiation [80],

- obtenir des résultats similaires à la chirurgie et la radiothérapie stéréotaxique conven- tionnelle pour les tumeurs traitées précocement [76],

- une réduction de la toxicité muqueuse [46].

Cancer de la prostate La protonthérapie est envisagée pour les tumeurs de la prostate localisées à plus étendues (T1-T3b), sans adénopathies régionales (N0) et non métastatiques (M0) [81]. Elle est parfois utilisée en radiothérapie adjuvante après une prostatectomie. Tou- tefois, la protonthérapie de la prostate est sujette à controverse, en l’état actuel de la science, sans avantage curatif clairement établi et pour des coûts de traitements élevés [48, 82, 83]. Elle est réservée aux patients capables de financer par eux-mêmes ce traitement. De nombreux travaux ont été publiés évaluant les résultats de ce traitement sur des milliers de patients ; ils démontrent que les taux de survie ne sont pas meilleurs qu’en radiothérapie conventionnelle pour des prescriptions de doses identiques [84–86]. Néanmoins, les OAR, tels le rectum et la vessie, sont nettement moins exposés et les effets secondaires sont également moindres, tout en maintenant une excellente couverture du volume cible [87–90]. La curiethérapie préserve davantage les tissus sains et les OAR que la radiothérapie externe [91].

Autres indications La protonthérapie est également utilisée pour les cancers du pan- créas [46,92,93], les lymphomes [94,95], les carcinomes de l’œsophage, les carcinomes hépa- tocellulaires et les carcinomes rectaux si la chirurgie est impossible [46,96,97].

Conclusion Pour les cancers du poumon, de la tête et du cou, gastro-intestinaux et pédia- triques n’affectant pas le système nerveux central, les données actuelles ne permettent pas une recommandation ferme de la protonthérapie. Il faudrait auparavant mettre en œuvre davan- tage d’essais cliniques [98]. De plus, dans le cadre du cancer de la prostate et des carcinomes hépatocellulaires, la protonthérapie est efficace mais elle n’est pas meilleure que les approches avec des photons [98]. Toutefois, la littérature témoigne de la supériorité de la protonthéra- pie pour les cancers pédiatriques du système nerveux central et les irradiations craniospinales bien que des études additionnelles soient nécessaires pour aboutir à une recommandation

systématique [16, 98]. Enfin, pour les mélanomes oculaires volumineux et les chordomes, la société américaine de radio-oncologie (ASTRO) estime que la protonthérapie est supérieure à la radiothérapie conventionnelle [98]. Par ailleurs, elle encourage grandement la recherche cli- nique en protonthérapie afin d’obtenir davantage de données évaluatives et d’élargir les essais thérapeutiques [98].

Les avantages majeurs de la protonthérapie sont de permettre l’escalade des doses en rédui- sant le nombre de faisceaux d’entrée tout en améliorant significativement la préservation des tissus sains environnants. L’ASTRO est, quant à elle, optimiste par rapport au développement planétaire potentiel de cette technique, notamment grâce à l’emploi des méthodes actives de balayage de faisceaux de protons qui accélèrent les procédures de traitement et permettent la modulation d’intensité [98]. Preuve du développement significatif de l’hadronthérapie dans le monde, les nombres totaux de patients traités depuis 1954 par protonthérapie et carbone- thérapie ont respectivement progressé de 40% et 73% entre 2012 et 2015 [17]. La place des protons dans l’arsenal de lutte contre le cancer s’élargit tout comme leurs indications théra- peutiques [46]. Signes de l’intérêt grandissant de la protonthérapie, les cas de traitements des cancers de l’œil, de la prostate, du poumon, du cerveau et du système nerveux pédiatrique font l’objet de recommandations explicites émanant de la commission internationale des unités et mesures radiologiques (ICRU) sur leur gestion et sur les protocoles à mettre en place [44].