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La localisation et le type d’habitation : la différence d’accessibilité

5. Résultats de l’enquête

5.1 Les facteurs qui participent à la construction des pratiques alimentaires

5.1.3 La localisation et le type d’habitation : la différence d’accessibilité

Le centre-ville de La Havane et sa périphérie diffèrent en ce qui concerne l’accessibilité et la disponibilité des produits alimentaires. Aussi, certaines municipalités semblent plus privilégiées que d’autres. Que ce soit en milieu très urbanisé ou plutôt périurbain, le type d’habitation compte également dans l’équation de la sécurité alimentaire, puisqu’il peut offrir l’opportunité de cultiver certaines choses pour l’autoconsommation de la maisonnée.

Milieu urbain et périurbain

Même si aucun des participants ne provenait des municipalités de Playa et Miramar, plusieurs ont souligné que les magasins en devises et les marchés agricoles avaient une plus grande variété et qualité dans ces municipalités plus favorisées, qui se trouvent à l’ouest du centre-ville de La Havane (Figure 6, zone 2). Le plus grand choix alimentaire peut notamment s’expliquer par le fait que la population étant mieux nantie, les produits dispendieux ont plus de chance d’être écoulés que dans des quartiers plutôt mixtes ou défavorisés. Il faut également souligner que Playa et Miramar accueillent bon nombre d’ambassades étrangères et d’hôtels de luxe, d’où la nécessité d’offrir une plus grande variété. Une participante soulignait d’ailleurs que les petits points de vente de quartier s’adaptent à leur clientèle et au pouvoir d’achat de celle-ci.

dos, solamente nos da para comprar la comida y poder comer bien, pero solamente si no pudiéramos salir a paladares o algo así.

Elena : Ça dépend d’où est situé le point de vente. Ce n’est pas la même chose quand il est situé dans la zone de Playa, c’est une zone où il y a plus d’argent, ou Miramar, comparé à un point de vente qui est situé dans le Calvario, un quartier de Arroyo-Naranjo. C’est parce que les gens ont un peu moins de ressources, donc les oignons par exemple, les acheter à Miramar peut coûter presque le double de ce que ça coûte à d’autres endroits.47

Il n’en reste pas moins que le milieu urbain en général offre beaucoup plus de choix (Figure 6, zone 1) que les quartiers en périphérie (Figure 5, zone 2 et 3) qui ne possèdent souvent que quelques petits points de vente ou même aucun, alors qu’il y a plusieurs centres commerciaux en milieu urbain, où la stabilité de l’offre n’est pourtant pas garantie. La mobilité sur le territoire est donc nécessaire dans la recherche d’une alimentation variée intégrant des produits importés ou locaux de meilleure qualité. Si les quartiers plus favorisés du centre-ville possèdent une meilleure offre, les municipalités périphériques ont peu de garanties concernant l’accessibilité à des produits variés. Olivia et Andrés, des participants provenant d’un petit quartier particulièrement isolé (Figure 6, zone 2), soulignaient qu’ils devaient faire pratiquement tous leurs achats en dehors de leur quartier, car il n’y avait pas de variété près de chez eux. Un petit point de vente de fruits et légumes était présent à l’entrée du quartier, mais ils critiquaient les prix excessivement élevés qui étaient notamment dus à leur monopole et préféraient acheter à l’extérieur.

Plusieurs facteurs font en sorte que l’accessibilité est facilitée ou que la disponibilité est stable. Par exemple, en milieu urbain, il est fréquent de rencontrer des carretilleros, des vendeurs ambulants de fruits et légumes qui se déplacent sur le territoire et offrent des produits frais dans les quartiers particulièrement urbains comme le Vedado, Habana Vieja ou Habana Centro (Figure 6, zone 1). Ce type de vente est moins fréquent dans les quartiers périphériques, quoique présent. Ces derniers sont plus souvent des vendeurs au noir qui ont un surplus de production ou qui dédient leur travail à la revente. La ligne entre les deux est toutefois floue, mais les acheteurs ne sont pas

47 Elena : Depende de donde esté ubicado este punto de venta. No es lo mismo cuando está ubicado en la

zona de Playa, que es una zona de más dinero, Miramar y eso, que uno que esté ubicado en el Calvario, un pueblo de Arroyo-Naranjo. Porque la gente tiene un poco más de bajo recurso, entonces la cebolla por ejemplo comprarla en Miramar puede salir casi el doble que lo que te cuesta en otro lugar.

préoccupés par le fait d’une possession de permis ou non et ne savent pas toujours identifier les ventes pas la gauche ou la droite.

Il faut également rappeler que les aliments produits en milieu rural ne sont pas toujours facilement acheminés vers les milieux urbains ou périphériques, notamment par manque de carburant ou de camion pour effectuer le transport. L’agriculture urbaine peut pallier jusqu’à un certain point à l’apport en produits agricoles, mais il n’en reste pas moins que l’élevage d’animaux est pratiqué en milieu rural. Les milieux urbains et périurbains dépendent donc également de la stabilité des approvisionnements depuis la campagne. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a donc une grande diversité sur les territoires qui dépendent en quelque sorte les uns des autres.

Figure 6 — Carte de la province de La Havane et zone d’accessibilité aux marchés alimentaires

(Source : Google Map, 2017)

Maison et logement

Le type d’habitation et sa situation urbaine ou périphérique influent également sur l’alimentation des familles. En effet, les maisons possédant un petit ou grand terrain en périphérie offrent souvent la possibilité d’avoir un potager ou des arbres fruitiers, ce qui favorise une meilleure sécurité alimentaire (Figure 7). Les participants possédant des

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arbres sur leur terrain mentionnaient posséder ces types de fruits : goyave, mangue, banane, avocat, chirimoya, etc. D’autres cultivaient des fines herbes, telles que le basilic fin vert, l’origan (orégano de la tierra), la coriandre longue (culantro), etc. Certains légumes étaient cultivés, tels que le piment (ají cachucha), le poivron, la tomate, etc. Les maisons possédant un plus grand terrain pouvaient même élever des vaches à lait, des lapins et des poules, comme c’est le cas de Laura et Maria qui vivaient en périphérie (Figure 6, zone 3). Cependant, la majorité des participants qui possédait une quelconque sorte de culture avait surtout des herbes. Il faut aussi noter que les mois de juin à septembre sont particulièrement chauds et que très peu de cultures résistent à la chaleur, si ce n’est les mangues et les avocats, rendant difficile l’agriculture toute l’année.

Figure 7 — Petit jardin, municipalité périurbaine (zone 2)

(Photo Eugénie Jacques, 2016)

Les familles vivant en milieu urbain ou encore dans des appartements n’ayant pas accès à la terre ont très peu d’opportunité pour cultiver des aliments, si ce n’est que quelques pots de fines herbes placés sur le balcon (Figure 8). Il faut toutefois souligner que les résidents au rez-de-chaussée des blocs appartement qui possèdent des arbres fruitiers sont enclins à partager leur récolte avec les voisins, ce genre d’entraide étant commune entre les membres des communautés urbaines comme périurbaines.

Figure 8 — Centre historique, peu de végétation

(Photo Eugénie Jacques, 2014)