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5. Résultats de l’enquête

5.1 Les facteurs qui participent à la construction des pratiques alimentaires

5.1.5 Connaissances en nutrition et problèmes de santé

Les maladies et problèmes de santé non-transmissibles des pays développés se retrouvent également à Cuba (diabètes, hypertension, maladies cérébrales et cardiovasculaires, obésité, cancer)53 et celles-ci demandent souvent des changements de diètes vers des aliments plus sains (faibles en gras, sel, sucre, glucide). Des connaissances en nutrition semblent se développer au contact des médecins lorsque les individus sont touchés par des problèmes de santé, ce qui force à adopter de saines habitudes. La transmission de programmes de cuisine à la télévision aide également à diffuser de meilleures pratiques, cependant, ils sont également considérés comme élitistes puisque les aliments utilisés ne sont pas toujours accessibles aux Cubains moyens. Veronica a longtemps œuvré dans le domaine de la sécurité alimentaire et souligne qu’il existe les ressources nécessaires pour être informé en matière de saines habitudes de vie. Or, tous ces projets manqueraient peut-être d’intégration selon elle, ce qui pourrait expliquer la difficulté d’atteindre les citoyens. Malgré l’accessibilité des connaissances en nutrition, il semblerait que faire le choix de manger sainement va de pair avec l’apparition de problèmes de santé et que les changements sont justifiés que lorsque des répercussions concrètes peuvent avoir lieu. Ce témoignage souligne cette idée.

Eugénie : Pour toi, qu’est-ce que c’est qu’avoir une bonne santé alimentaire? Laura : Au quotidien, je crois que tu dois manger des plats principaux quotidiennement. Je ne sais pas, parce que je n’ai jamais eu de problème de santé. Ma belle-mère est diabétique avec pression et ce sont des choses qui nécessitent une diète balancée. Ils lui expliquent comment ça doit être, comment déjeuner, prendre une collation.54

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Une étude sur la corrélation entre la variation du poids et l’incidence des maladies non-transmissibles a d’ailleurs été réalisée (Franco et al., 2013). Lors de la période spéciale, les pénuries alimentaires ainsi que l’augmentation de l’activité physique, qui était due au manque de carburant pour le transport ainsi que le retour au travail manuel, ces changements ont entrainé un bilan énergétique négatif engendrant une perte moyenne de poids de 4 à 5 kilos. Cela aurait eu un effet bénéfique sur les cas de maladies non - transmissibles qui ont également diminué entre 1991 et 1996. Or, dès la reprise économique des années 2000, le taux de mortalité qui est dû entre autres aux maladies cardiovasculaires, au diabète et aux accidents vasculaires cérébraux a augmenté et les cas d’obésité ont excédé les niveaux d’avant-crise.

54 Eugénie : Para ti como es tener una buena salud en la alimentación? Laura : Diario, me imagino que

debes comer platos fuertes diario. No sé, a ver, nunca he tenido problema de salud. Mi suegra sí es diabética y presión y son cosas que eso sí le dan una dieta balanceada. Le explican cómo debe ser, como desayunar, merendar.

Faire des choix sains ne semble toutefois pas toujours aisé. Certains participants affirment que l’instabilité de la production agricole ou encore le changement des saisons ne permet pas toujours de maintenir de saines habitudes. Les prix élevés sont également un facteur important, comme le rapporte cette participante.

Eugénie : Qu’est-ce que c’est pour toi un repas balancé?

Juliana : Le Cubain normalement mange du riz et des haricots. Et un peu de viande.

Eugénie : Mais pour toi, balancé, c’est ça?

Juliana : Non, précisément parce que nous n’avons pas beaucoup d’offre non plus. Comme je te disais, nous avons très limitée, non seulement l’offre, mais aussi les habitudes, qui sont très limités. Parce que les produits se raréfient, parce qu’il n’y a pas les choses. C’est pourquoi en soi le Cubain ne mange pas très balancé. C’est par manque de ressource.55

D’autres soulignent que connaitre les bonnes pratiques ne suffit pas à réellement réaliser des changements concrets, car certaines pratiques sont ancrées dans les traditions alimentaires cubaines. La friture, par exemple, est une méthode de cuisson particulièrement aimée des Cubains, même si tous les participants ont souligné son côté nocif pour la santé. Voici le témoignage d’un participant.

Gilberto : Ma sœur et moi essayons que la nourriture soit le plus santé possible, on fait moins de friture et on bout plus, les tubercules. Mon neveu me dit « y a-t-il un malade dans la maison », remarque comme il fait des associations, il dit « ça ressemble à de la nourriture d’hôpital ». Parce que si ce n’est pas frit pour un Cubain, c’est qu’il y a un problème et que le médecin t’a dit de ne pas manger de gras.56

Le sucre est également un élément clé dans l’alimentation des Cubains puisqu’il est la principale production nationale et qu’il est distribué en grande quantité à tous les citoyens. Cette participante souligne son importance dans son alimentation quotidienne.

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Eugénie : Qué es para ti una comida balanceada? Juliana : Mira el cubano normalmente come arroz y

frijoles. Y algo de carne. Eugénie : Pero para ti balanceado es eso? Juliana : No, precisamente porque no tenemos muchas ofertas tampoco. Como te estaba diciendo que tenemos muy limitada, no solo las ofertas, pero también los hábitos, tenemos muy limitado. Porque escasean los productos, porque no hay las cosas. Entonces, en sí el cubano no come muy balanceado. Es por la falta de recurso.

56 Gilberto: Mi hermana y yo tratamos de que la comida sea lo más saludable y se fríe menos y se hierve

más, las viandas. Mi sobrino dice, “hay algún enfermo en la casa”, fíjate como se asocia, dice “esto parece comida de hospital”. Porque si no es frito para un cubano, tiene algún problema que el médico te dijo de no comer grasa.

Gabriela : Bon, le sucré ne me manque jamais, pouding, gâteau, maintenant j’ai de la marmelade de goyave, un dessert de papaye et un pouding de faits, si tu veux en goûter un! Parce qu’on aime ça, je sais que c’est nocif, mais ils m’ont élevé comme ça depuis que je suis petite, ils m’ont enseigné à manger des desserts, et j’essaie de toujours avoir un dessert de noix de coco, de ces desserts maison. Je suis du type à faire beaucoup de desserts maison. Avant, je les achetais en cannes, mais plus maintenant parce que c’est très cher.57

Cela indique que l’importance des préférences est primordiale dans les choix alimentaires, et les participants semblaient tous conscients de cette idée. Les témoignages de ces participants illustrent le fait que les connaissances en nutrition ne vont pas nécessairement avec des habitudes alimentaires saines, sauf en cas de problème de santé.