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Les limites de l’économie créative dans les modèles factoriel et néo factoriel

SECTION II. LES ECHANGES DES BIENS LIES A L’INDUSTRIE CREATIVE

LA SPECIALISATION INTERNATIONALE

3. Une économie créative basée sur les modèles factoriel et néo-factoriel

3.2. Les limites de l’économie créative dans les modèles factoriel et néo factoriel

Les travaux de Florida sur la classe créative ont été critiqués, surtout concernant l’identification des personnes créatives comme une classe, ainsi que les différents indicateurs utilisés pour mesurer le degré de la créativité.

La définition de la classe créative

Les activités de la classe créative définie par Florida présentent une disparité dans leurs natures telles que les arts de la scène et l’innovation technologique, qui seront incluses dans une seule classe. Dans un tel cas, il est possible d’affirmer que cette classe est composée de plusieurs fonctions de classes différentes avec des intérêts opposés275, le seul point commun est l’existence de la créativité comme moteur de croissance. Pour cela, il existe une incertitude sur l’inclusion d’une large proportion de la population active dans la classe créative, ainsi le fonctionnement de la classe dans le contexte de qualification et de spécialisation internationale dans les différents secteurs est remis en question.

La théorie de Florida est différente des autres, parce que le chercheur fait valoir que le talent gère la croissance économique. L'auteur présente les 3T (technologie, le talent et la tolérance) comme théorie à la base de toute croissance économique. Dans un sens, il va encore plus loin en ajoutant le troisième T pour la tolérance, afin d'attirer les ressources humaines nécessaires. Florida a été critiqué pour son travail, par exemple, pour la gamme de catégories professionnelles utilisées dans la définition de la classe créative considérée trop large. Dans le même temps, le concept d'entrepreneurs créatifs et des villes créatives émerge pour décrire le succès talentueux des personnes qui peuvent transformer leurs idées créatives en produits ou services fournis au public. Dans ce même sens, la créativité a été

155 considérée comme concept qui porte trop de confusion, surtout pour la mesure du capital humain et la déconstruction de la classe créative276. En examinant les

professions créatives structurant cette classe, Markusen montre que l’existence d’une composition à partir d’importants groupes occupationnels, contenant pour certains un grand nombre de professions, ne fournit pas la précision et la pertinence de cette mesure de la créativité.

En outre, les estimations des chercheurs sur la classe créative ne sont pas les mêmes, ce qui a été souligné en 2005 par Franke et Verhagen. Par exemple, l’estimation de la classe créative aux Pays-Bas présente des résultats très différents ; Florida estime que cette classe compte entre 30 et 40% de la population néerlandaise active. Tandis que Franke et Verhagen fournissent des chiffres variant entre moins de 2% dans le cas d’une définition étroite de la créativité et 13% dans le sens le plus large277. Ce grand décalage dans les chiffres provient du fait que Florida inclut les travailleurs de haute technologie dans la classe créative, un point pour laquelle sa théorie a été critiquée le plus. Les critiques portaient sur la présence des travailleurs dans des secteurs tels que l’artisanat, le design, les fêtes, qui malgré la créativité qu’ils possèdent, ne disposent pas tous d’une qualification très élevée.

La croissance économique n’est pas simple

Sur ce point, la simplification des mécanismes - décrivant la croissance économique, ainsi que la vision de la causalité créée entre les emplois et les individus - a porté les critiques en matière d’études empiriques qui sont jugées relativement faible pour prouver un rôle concret de la classe créative dans la croissance économique278. En effet, l’écart statistique existant entre les différentes

276 MARKUSEN, A. (2006). Urban development and the politics of a creative class: evidence from a study of

artists, Environment and planning A, vol. 38, n° 10, p. 1921-1940.

277 FRANKE, S. et VERHAGEN, E. (2005). Creativity and the city: how the creative economy changes the

city, dans VAN DEN BERG, M. (2012). Femininity as a city marketing strategy: Gender bending Rotterdam, Urban Studies, vol. 49, n° 1, p. 153-168.

278 CHANTELOT, S. (2009). La thèse de la «classe créative»: entre limites et développements, Géographie,

économie, société, vol. 11, n° 4, p. 315-334, [en ligne], consulté le 30 mars 2016, http://www.cairn.

156 villes américaines au niveau des concentrations de la classe créative est relativement léger pour avoir une signification au niveau économique national aux Etats-Unis. De plus, une forte accumulation de la classe créative ne signifie pas forcément le déclenchement d’un dynamisme au niveau urbain279, qui sera

susceptible d’attirer des touristes et participer ainsi au développement régional et national. Par ailleurs, Sheamur souligne qu’une généralisation de la relation créée par Florida pour expliquer l’attraction de la classe créative dans certaines villes, ou ce qu’il a nommé la causalité avec des emplois qui suivent le talent, n’est pas tout à fait réaliste280. En fait, il constate que l’attraction par certaines villes est due initialement à la différence de salaires avec leurs villes actuelles, ce qui souligne que l’existence d’un environnement créatif favorable n’a pas vraiment d’effet sur le choix de la ville d’installation de cette classe créative. Dans ce cas, la pertinence de la classe créative évaluée en capital humain, qui sert de variable pour expliquer la croissance économique est faible. De plus, la spécialisation par la qualification est limitée, car cette classe ne peut rien apporter économiquement sans qu’elle soit fondée sur le talent. Glaeser et Saiz détrônent l’investissement à long terme dans l’éducation et l’amélioration du système universitaire, ou en autre sens un investissement dans le capital humain qui sera plus rentable de point de vue économique281.

Les questions de diversité et de qualification

Il existe une minorité et des groupes contre-culture défendus par Florida, en tant que créateurs de la diversité risquent d'être dépassés par la marchandisation et l'embourgeoisement. Bien que les transformations urbaines apportent des avantages évidents, les producteurs de la diversité - en essayant de remplir leur

279 STORPER, M. et SCOTT, A.J. (2009). Rethinking human capital, creativity and urban growth, Journal of

economic geography, vol. 9, n° 2, p. 147-167, [en ligne], consulté le 15 avril 2015, https://hal.archives-

ouvertes.fr/hal-01022655/document.

280 SHEARMUR, R. (2005). L’aristocratie mobile du savoir et son tapis rouge, dans PILATI, T. et

TREMBLAY, D.G. (2007). Le développement socio-économique de Montréal: la cité créative et la carrière artistique comme facteurs d'attraction?, Canadian Journal of Regional Science, vol. 30, n° 3, p. 475-496.

281 GLAESER, E.L. et SAIZ, A. (2004). The rise of the skilled city, Brookings-Wharton Papers on Urban

157 rôle - restent confrontés à certains problèmes dus à leur présence plus fragile et provisoire dans les espaces urbains282.

D’une part, la nouvelle identité urbaine exige un bon niveau de capital culturel, ce qui n’est pas le cas pour des personnes pauvres ou défavorisées qui seront incapables de se conformer au nouveau mode de vie. Néanmoins, l'identification d'une classe créative responsable d'une croissance importante de la consommation créative peut être critiquée pour sa dépendance d'un capital créatif importé, ce qui limitera l'accessibilité pour les personnes moins mobiles ou ceux n'ayant pas les moyens financiers. Ainsi, il ne faut pas se limiter sur le capital exogène, d’où l’intérêt de mener des stratégies incitant au développement du capital créatif endogène. D’autre part, certains secteurs tels que l’artisanat, la gastronomie, la danse ou les concerts etc. sont considérés comme secteurs créatifs, et ne nécessitent pas vraiment une main d’œuvre qualifiée, ce qui limite la théorie de la classe créative concernant la haute qualification des emplois.

Par ailleurs, au niveau du commerce international, l’échange doit assurer une égalisation des revenus, sauf qu’ils existent certaines contraintes liées aux coûts de transports par exemple. Ces coûts et malgré leur baisse remarquable qui a facilité la diminution des coûts des biens créatifs, restent importants dans plusieurs secteurs empêchant ainsi l’égalisation des prix des biens créatifs échangés. Cela est dû aussi aux droits de douane, qui constituent toujours une barrière, malgré l’ouverture du commerce. A cela s’ajoute, l’imperfection de la concurrence, la rigidité sur le marché et un accès limité à la technologie pour certains pays283.

L’ouverture au commerce entre pays ayant des abondances différentes en facteurs, aura tendance à exercer une pression sur les rémunérations des facteurs qui tendront vers l’égalisation. Ceci sera vrai dans les situations caractérisées par un

282 HOWELL, O. (2005). The “Creative Class” and the Gentrifying City: Skateboarding in Philadelphia's

Love Park, Journal of architectural education, vol. 59, n° 2, p. 32-42, [en ligne], consulté le 26 février 2015, https://www.scribd.com/document/271949975/Creative-Class-and-the-Gentrifying-City.

158 commerce de type Heckscher-Ohlin : échange de biens relativement homogènes entre pays à dotations factorielles très différentes, ce qui n’ai pas malheureusement le cas dans le domaine créatif284.

L’importance de la théorie de la classe créative comme composante de l’économie créative se manifeste par la création d’une opportunité de spécialisation internationale sur le marché international, particulièrement en matière d’abondance des facteurs. En fait, cette théorie est censée donner des explications concernant le rôle du la main d’œuvre qualifiée dans l’économie créative ce qui n’est pas toujours le cas.

SECTION II. L’ECONOMIE CREATIVE DANS L’APPROCHE