• Aucun résultat trouvé

Analyse de l’approche ricardienne

SECTION II. L’ECONOMIE CREATIVE DANS L’APPROCHE RICARDIENNE

1. Analyse de l’approche ricardienne

Pour mieux répondre à notre problématique, l’analyse de l’approche de Ricardo portera sur l’étude de la théorie des coûts comparatifs, ainsi que sur l’apparition d’un avantage comparatif dans le secteur des services et dans le secteur touristique.

1.1. La théorie des coûts comparatifs et la créativité

La participation d’un pays aux échanges révèle l’existence ou non d’avantages comparatifs. Le principe de l’avantage comparatif n’est pas en soi statique ou dynamique, mais c’est seulement le caractère statique ou dynamique des facteurs

159 sous-jacents déterminants les avantages comparatifs, qui détermine la situation d’un pays285.

En se basant sur ces principes généraux de l’avantage comparatif, l’objectif serait d’éclaircir certains éléments conduisant à une meilleure compréhension de l’application de cette théorie dans le domaine de l’économie créative. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de rappeler l’approche des avantages comparatifs d’un point de vue théorique. Ensuite, nous développerons le concept de la division internationale basée sur l’économie créative, tout en liant les différents aspects de cette économie à la théorie.

L’accumulation du capital culturel et du capital créatif favorisera l’attractivité de la classe créative qui sera un atout dans la formation d’un avantage compétitif. En effet, la connectivité des villes entre elles crée un grand réseau de créativité ou ce que l’on appelle le cluster créatif, qui servira à l’augmentation de l’attractivité touristique286. En se basant sur les caractéristiques de l’offre au niveau de l’avantage relatif, le prix relatif287 constitue donc le facteur crucial permettant de

répondre à la question quel pays est relativement plus avantageux par rapport à tel produit et donc les différentes conditions d’échange entre les pays. Le rapport d’échange dans le commerce international est attribué à une spécialisation basée sur l’avantage comparatif, ce qui montrera les flux dans les échanges commerciaux mondiaux bénéficiant ainsi des gains de cet échange.

A travers l’approche ricardienne, l’objectif sera de s’intéresser à l’une des références fondamentales pour la théorie du commerce international, en l’occurrence, la loi des avantages comparatifs - ou ce qui revient au même, le principe des coûts comparatifs - de Ricardo (1817)288. Cette théorie soutient

285 SAHLI, M. (1999). Tourisme et spécialisation internationale, Thèse de doctorat inédite, l’Université de

Grenoble.

286 VELLAS, F. (2007), Op.cit., p. 56.

287 AUBIN, C. et NOREL, P. (2000). Economie internationale, Paris, Edition du seuil, p. 25.

288 SIHABTOUR, C. (2012). Technologie et spécialisation internationale touristique, Thèse de doctorat

160 précisément que l’échange international et la spécialisation internationale sont basés sur les avantages comparatifs.

Chaque pays, vis-à-vis de ses partenaires, a par conséquent intérêt à se spécialiser dans la production du bien pour laquelle il a un avantage comparatif le plus élevé, ou le désavantage comparatif le moins important. Formulé autrement, il est dans l’intérêt d’un pays, que sa spécialisation porte sur un bien pour lequel le coût relatif de production est plus faible qu’à l’étranger. La théorie des avantages comparatifs rompt avec le concept restrictif des avantages absolus d’Adam Smith, qui énonçait que les pays, pour participer aux échanges internationaux, devaient avoir des avantages absolus dans au moins un produit, sinon ils ne pouvaient pas se spécialiser dans une production et ni prendre part au commerce international. Cependant, la théorie des avantages comparatifs permettra de comprendre les échanges existant entre les pays ne disposant pas nécessairement d’avantages absolus respectifs. Le modèle de base de Ricardo indique que, même un pays qui n’a pas d’avantage absolu peut participer à l’échange, car la condition nécessaire et suffisante pour qu’il y ait échange international est l’existence d’une différence de coûts comparatifs, définie à partir des rapports de coûts relatifs internes289.

Ricardo démontre que toutes les nations, quels que soient leurs coûts de production, peuvent se spécialiser et participer à l’échange international en exportant le produits pour la fabrication desquels elles ont le désavantage le moins grand ou le plus grand avantage comparatif. Ainsi, il développe la loi de l’avantage comparatif : avec deux pays et deux produits, en se fondant sur l’avantage relatif et non absolu, l’intérêt que revêtent pour les deux pays, la spécialisation et l’échange de leur production respective. La condition nécessaire et suffisante pour qu’il y ait échange international est qu’il existe entre les pays une différence de coûts comparés définie à partir des coûts relatifs internes290.

289 SIHABTOUR, C. (2012), Op.cit.

290 RICARDO, D. (1817). On the principles of political economy and taxation, London, Everyman Library

edition, p. 72, [en ligne], consulté le 19 mai 2015, http://virtualpanic.com/anonymousftplistings/ebooks/ ECONOMICS/Principles%20of%20Political%20Economy%20and%20Taxation,%202006.pdf.

161 Ricardo est resté assez discret sur les facteurs qui créent les différences internationales de coûts comparés. Il mentionne que chaque pays possède une production qui s’accorde le mieux avec son climat, sa situation, et ses autres avantages naturels ou artificiels. Ainsi, une grande part de la compétitivité tient à des facteurs naturels : qualité du sol, climat, sites touristiques, plages, mais aussi à la qualité intrinsèque de la main d’œuvre. Toutefois, l’auteur évoque également les avantages artificiels, et les avantages tenant à la supériorité des instruments. Dans ce cas, certains déterminants des avantages comparatifs seraient construits291.

1.2. L’avantage comparatif dans le secteur des services et du tourisme

Le coût relatif de production est un facteur crucial, car les pays auront intérêt à se spécialiser dans la production de biens ou de services ayant un coût moins cher qu’à l’étranger. En général, cette analyse prend en compte surtout des facteurs qualitatifs tels que le rapport qualité/prix, qui joue un rôle essentiel dans la comparaison. La théorie des coûts comparatifs permet de montrer qu’un pays est en mesure de produire la totalité des biens et services qu’il consomme, et cela aux meilleurs coûts relatifs par rapport aux autres pays. Il est cependant dans son intérêt de limiter sa production aux seuls biens et services dont le coût de la production est relativement le plus faible, comparé aux coûts étrangers, en échangeant la part non consommée de ces biens contre ceux dont le coût de production est relativement plus élevé et qui sont produits à l’étranger292.

Cette théorie implique une spécialisation internationale des pays dans la production et l’exportation de biens et services, pour lesquels ils sont les plus performants. Cependant, cette spécialisation est rarement totale, car l’analyse des échanges commerciaux internationaux indique seulement une tendance à la spécialisation en fonction des coûts comparatifs. Il en est de même dans le domaine du tourisme international où, malgré des différences importantes de

291 RICARDO, D. (1817), Op.cit. 292 VELLAS, F. (2007), Op.cit., p. 62.

162 coûts, la spécialisation des pays, par types de produit touristique, demeure difficile à déterminer à partir des seules différences de prix. Toutefois, les coûts comparatifs peuvent être considérés comme un des facteurs déterminants de la répartition de l’évolution du tourisme international. Le modèle des coûts comparatifs considéré à partir de l’exemple de Ricardo (Portugal, Grande- Bretagne) permet d’expliquer les échanges bilatéraux de produits touristiques à partir des différences de coûts comparatifs. C’est à partir de la comparaison des techniques de production dans chaque pays pour chaque bien, qu’il est possible de déterminer l’avantage relatif de chacun des deux pays293.

Dès lors, la question qui se pose est celle de leur genèse en tourisme. Qu’est-ce qui fait qu’un pays dispose de meilleurs instruments qu’un autre pour se spécialiser dans le tourisme ?

En dépit des difficultés d’application de l’approche ricardienne pour expliquer la spécialisation touristique des pays, les apports de Lassudrie-Duchene en 1982 et 1985 en matière de division internationale des processus productifs nous semblent constituer le cadre d’analyse idéal pour expliquer la spécialisation touristique des pays. En effet, si on considère l’industrie des voyages comme étant la combinaison de plusieurs segments touristiques finis, indépendants technologiquement, et séparables les uns des autres dans leur fabrication, mais fonctionnellement interdépendants pour constituer le produit-composite touristique, il convient, à notre sens, d’appliquer la division internationale des processus productifs (DIPPT) à la spécialisation internationale des pays. Il existe un principe de segmentation de la production touristique internationale et de hiérarchie des pays dans la chaîne des avantages comparatifs touristiques. Cette segmentation de la production touristique sera à la base de plusieurs types d’échanges internationaux qui prendront la forme soit d’échanges de produits finaux ou bien encore d’échanges de produits finaux contre segments touristiques. Si les segments échangés sont issus de l’industrie des voyages, la division

163 internationale des processus productifs donnera lieu à un échange international « intra-branche ». Par contre, si les segments touristiques sont échangés contre d’autres produits ou segments classés dans des branches différentes, il s’agira alors d’échanges « interbranches » 294.

Cette division internationale des processus productifs touristiques revêt un caractère nouveau car elle intègre, en plus des facteurs de production traditionnels, à savoir le travail et le capital qu’on retrouve chez tous les auteurs en économie internationale, un autre facteur intensif en ressources touristiques naturelles, en patrimoine historique, artistique et culturel qui représente le facteur inamovible. En même temps, le facteur dont la distribution internationale est la plus hétérogène. Ce nouveau facteur de production engendre une dimension nouvelle absente de la théorie standard de Ricardo, à savoir la mobilité internationale des consommateurs. Cette nouvelle caractéristique sera à la base

d’un certain nombre de développements théoriques qui seront abordés ultérieurement295. La segmentation internationale de la production touristique ne

constitue pas seulement un cadre d’analyse théorique, mais recouvre la réalité d’un grand nombre de pays. Le tourisme est donc par essence une industrie d’assemblage. Les puissants voyagistes de l’Europe du Nord, les méga- transporteurs de l’Amérique du Nord et les complexes hôteliers de l’Europe du Sud et des pays de la Méditerranée (Maroc, Tunisie, Egypte…) ne sont qu’un simple reflet de cette DIPPT.