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Les limites de l’économie créative dans l’approche ricardienne

SECTION II. L’ECONOMIE CREATIVE DANS L’APPROCHE RICARDIENNE

2. Une économie créative basée sur l’approche ricardienne

2.2. Les limites de l’économie créative dans l’approche ricardienne

Par ailleurs, les différentes définitions du tourisme créatif possèdent des éléments en commun tels que : la participation, l’authenticité de l’expérience qui permettront aux touristes de développer leur potentiel et leurs compétences créatives par un contact avec la population locale et sa culture. Dans ce contexte, le touriste constitue l’acteur principal par son rôle de cocréateur de l’expérience en développant les compétences créatives (cf. annexe 6). Par conséquent, le domaine de tourisme créatif actuel est en plein essor et tente de s’adapter à une diversité de styles et de produits406, afin de répondre au maximum aux nouveaux

besoins ainsi qu’aux goûts des consommateurs créatifs.

405 CRACOLICI, M.F., NIJKAMP, P. et RIETVELD, P. (2008). Assessment of tourism competitiveness by

analysing destination efficiency, Tourism Economics, vol. 14, n° 2, p. 325-342.

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La formation des clusters de compétitivité n’est pas automatique

Le tourisme créatif prend une nouvelle dimension avec une tension à impliquer plusieurs éléments de la vie quotidienne et la culture intangible, en intégrant la communauté cible407. La créativité a été intégrée dans le tourisme sous différents

forme via la population créative, les produits, les processus et les espaces. Cette vague créative est conduite par des forces reliées à la production et à la consommation, incluant la croissance de l’expérience économique, le besoin de revaloriser la culture et la fragmentation de la demande. Toutefois, les résultats peuvent dépendre de la capacité des producteurs et des consommateurs à maintenir l’intégration de la connaissance créative, qui continue d’une part à stimuler les touristes et les résidents pour cocréer la connaissance et les compétences, et continue d’autre part à augmenter l’attractivité.

La possibilité de maintenir le même niveau de connaissance créative n’est pas évidente surtout pour certains pays n’ayant pas les mêmes capacités au niveau la production et la consommation de la créativité408. Certaines destinations comme

Singapour essayent d’offrir des avantages favorisant l’attraction tels que l’environnement de business incluant une stabilité politique, une baisse des taxes et des formations gratuites pour les travailleurs dans le domaine créatif. Un rôle de la diversité dans une ville dans l’attraction d’une classe créative a été souligné, avec plus de tolérance pour la diversité409.

Au niveau régional, il a été remarqué qu’une région au potentiel intrinsèquement attrayante est visitée par un nombre plus limité de touristes lorsque l’usage des ressources touristiques n’est pas optimal410. En d’autres termes, les capacités

d’organisation permettent à des régions de mieux tirer parti de leurs atouts hérités

407 RUSSO, A.P. (2002), Op.cit. 408 CLOKE, P. (2007), Op.cit.

409 ECONOMIC REVIEW COMMITTEE (2002), Op.cit.

410 BELLINI, E., GASPARINO, U., DEL CORPO, B. et al. (2007). Impact of cultural tourism upon urban

economies: an econometric exercise, Milano, Fondazione Eni Enrico Mattei, [en ligne], consulté le 24

189 et créés, pour renforcer leur attractivité aux yeux des touristes. Sur ce point, d’autres problèmes limitant l’attractivité peuvent être soulevés tels que l’accessibilité, la stabilité politique et l’absence de la promotion. Ces contraintes remettent en question l’attractivité des villes, mais aussi la formation des clusters créatifs important à la spécialisation ; facteur clé dans la création d’un avantage comparatif et compétitif dans les villes.

Des infrastructures non favorables aux investissements

Selon Howkins, l’essor de la créativité au niveau local exige un environnement propice à son développement. Même si on assiste à une croissance marquée au niveau de la création et de la différenciation des produits, l’exploitation ainsi que la distribution et le commerce restent toujours nécessaire au maintien d’une demande suffisamment élevée411. Ainsi, un cadre institutionnel favorable est requis au niveau national pour garantir la protection de la propriété créative, tout en permettant une meilleure exploitation, distribution et commercialisation de la créativité. En présence d’une forte interdépendance entre les différentes industries créatives, l'effet de regroupement résultant de la taille des industries serait considérable412.

Par ailleurs, Howkins souligne que la créativité nécessite une concentration en termes de coordination entre les agences et dans les ressources recherchées, ainsi le développement des infrastructures créatives exige la coopération entre les investisseurs413. Ce développement n’est pas au même niveau dans tous les pays,

notamment dans les PMA, réduisant ainsi les investissements, la concentration des industries dans la ville créative, l’attractivité des lieux et probablement une perte de la compétitivité dans la production créative.

411 HOWKINS, J. (2002), Op.cit., p. 65.

412 HENG, T. M., CHOO, A. et HO, T. (2003). Economic contributions of Singapore's creative industries, [en

ligne], consulté le 26 février 2016, http://www. mica. gov. sg/MTI% 20Creative% 20Industries. Pdf.

190 Dans cette perspective, il est important de souligner le rôle remarquable de l’artisanat dans le développement des expériences authentiques pour les touristes dans certains pays comme la Nouvelle Zélande, la Grèce, la Finlande et le Portugal414. Des compétences locales spécifiques sont considérées comme source

de développement du tourisme créatif. Par exemple, le développement de l’artisanat en Namibie, a montré que les communautés locales d’artisanat ont développé le tourisme créatif par le transfert des compétences de design415 et de la

production de l’artisanat aux touristes416. L’une des forces du secteur d’artisanat,

est la capacité des travailleurs dans ce domaine à employer leur créativité dans le but de franchir le problème des ressources limitées à leur disposition, mais aussi de réussir à créer et attirer des consommateurs potentiels417. Malgré l’amélioration de l’attractivité par le développement du tourisme créatif, la formation des clusters créatifs dans les villes n’est pas envisageable à court terme.

Or, la compétitivité ne provient pas juste de l’abondance des industries créatives dans des clusters, mais aussi de la présence de compétences en affaires chez les entreprises qui commercent, en particulier au niveau des débouchés commerciales internationales comme c’est le cas dans la « Fringe City »418 au Royaume Uni419.

Sur ce point, nous pouvons évoquer le rôle de la promotion et du marketing dans la compétitivité et la concurrence. Néanmoins, la disponibilité de l’espace de travail a été réduite, ce qui a poussée de nombreuses entreprises à se déplacer ces dernières années, conduisant à la fragmentation de l'amas et la dilution beaucoup

414 RICHARDS, G. (2005). Textile tourists in the European periphery: New markets for disadvantaged

areas?, Tourism Review International, vol. 8, n° 4, p. 323-338.

415 Les compétences restent toujours insuffisantes dans les disciplines de l'artisanat à cause de l’absence d’une

innovation continue au niveau de la production.

416 MIETTINEN, S. (2008). Creative tourism as a tool for local empowerment, From cultural tourism to

creative tourism-Part, vol. 4, p. 60-69.

417 FILLIS, I. (2009). Entrepreneurial crafts and the tourism industry, dans ATELJEVIC, J. et PAGE, S.J.

(2009). Tourism and entrepreneurship: International perspectives, Advances in Tourism Research, Oxford UK and Burlington MA Elsevier, Butterworth-Heinemann, p. 133-149.

418 La zone de « Fringe City » à Londres comporte six clusters créatifs stimulant le développement

économique et l’inclusion sociale.

419 SHAW, S.J. et MACLEOD, N.E. (2000). Creativity and conflict: cultural tourism in London’s city fringe,

191 de ses avantages pour ceux qui restent. En outre, il ne faut pas minimiser le rôle des dépenses publiques dans le domaine des médias, des arts et de la culture et dans des projets tels que les lieux de la scène, les réseaux informatiques et les musées qui sont le pilier physique pour les industries créatives420.

Les villes créatives sont majoritairement des villes industrielles

Les lieux dotés d’avantages peuvent être les meilleurs endroits pour créer un avantage comparatif au niveau de l’économie créative. Certaines villes comme Londres, Rotterdam ou Shanghai, à la tête de l’ancienne économie industrielle, sont aussi en stade avancé dans le développement de l’économie créative, au moins dans une partie grâce à leur approvisionnement abondant de leurs espaces créatifs421. La présence de la créativité seule, ne suffit pas pour expliquer l’attractivité de certaines villes et par la suite le développement d’un tourisme créatif. Pour cela, il est jugé nécessaire d’attribuer une importance particulière aux infrastructures favorisant le développement des espaces créatifs et l’attraction de la classe créative.

Afin d’apporter plus d’appui sur ce point, des travaux européens testant la théorie de Florida ont montré en effet, que les villes placées en haut de la hiérarchie urbaine ont plus de chance de développer une économie créative422. Par

conséquent, les métropoles qui ont une longue tradition dans le commerce, la culture et les services aux entreprises, s’adaptent plus rapidement à l’économie créative émergente que les régions urbaines. En effet, les régions urbaines doivent reconstruire leur tissu économique après une longue période de spécialisation dans la production de masse423 avant de pouvoir développer une véritable économie

créative.

420 HENG, T. M., CHOO, A. et HO, T. (2003), Op.cit. 421 RICHARDS, G. (2011), Op.cit.

422 LIEFOOGHE, C. (2010). Économie créative et développement des territoires: enjeux et perspectives de

recherche, Innovations, n° 1, p. 181-197.

423 BONTJE, M. et MUSTERD, S. (2009). Creative industries, creative class and competitiveness: Expert

192 La dynamique observée à New York ou Los Angeles sert de modèle explicite, aux politiques de villes qui n’ont pas la même masse critique en termes de tissu économique, de marché du travail et d’animation culturelle424. Ces villes

constituent des métropoles assez avancées économiquement, alors que d’autres plus modestes cherchent à devenir des villes créatives, malgré le retard aux différents niveaux de développement créatif. Cette forme de développement inégal entre les villes est donc repérable à l’échelle de la hiérarchie urbaine, et empêche toute tentative de production et de développement créatif au niveau territorial, ainsi que toute forme de compétitivité et de spécialisation.

L’étude des clusters créatifs montre d’ailleurs que l’économie créative, bien que récente, ne constitue pas en soi une solution pour le développement économique des territoires. Dans un pays comme le Royaume Uni, où l’économie créative est considérée au plus haut niveau politique moteur de développement économique et territorial, la difficulté des clusters créatifs à se structurer et à rester compétitifs en dépit de politiques publiques dédiées a été signalée, notamment dans la « Fringe

City » à Londres425.

424HAMDOUCH, A. et D’OVIDIO, M. (2009). Is there an “alchemy” of territorial creative dynamics. dans :

Expected and unexpected creative cities, ESDP Conference: Contemporary society and cultural shifts in

public policy, Universidade de Aveiro, juin 2009, p. 22-23.

425 BAGWELL S., FOORD, J. et EVANS G. (2009). City Growth Strategy and Creative Clusters in London’s

City Fringe: from cultural quarter to creative sub-regions?, 3rd RSA Research Seminar on Creative

193 CONCLUSION DU CHAPITRE I

L’étude de l’économie créative a souligné qu’elle constitue un cadre favorable à l’application des déterminants d’échange liés à l’offre par une spécialisation internationale basée sur les modèles factoriel et néo-factoriel. Le capital culturel et la classe créative se sont révélés être des facteurs essentiels à l’essor de l’économie créative et à la spécialisation internationale, même si l’abondance en travail qualifié ne s’est pas révélée être indispensable au développement de l’économie créative dans certains secteurs.

Les villes créatives ayant une grande concentration en industries créatives se transforment en territoire de production et de consommation de la créativité, ainsi qu’une amélioration de l’attractivité touristique. Cela révèle l’importance des offres compétitives dans la création des biens et des services créatifs attirant les consommateurs. Cette compétitivité garantit les meilleurs prix dans la production créative et ainsi rejoint l’approche ricardienne quant à la spécialisation internationale par les coûts comparés.

La compétitivité dans le secteur créatif provient d’un regroupement des industries créatives sous forme de clusters et idéalement en HUB créatifs, ce qui stimule l’attraction de la classe créative et l’innovation dans les secteurs, facteurs clés de production dans les différents secteurs créatifs.

Les limites de l’économie créative dans les déterminants de l’offre de la spécialisation internationale proviennent de la faible abondance de la main d’œuvre non qualifiée dans les PMA, des faibles ressources et du niveau économique qui constitue un facteur important dans le développement des industries créatives sur un territoire. Malgré ces limites, les opportunités offertes par le tourisme, facilitent le développement des nouvelles formes de production et de consommation culturelle sans besoin d’un investissement dans la technologie ou dans la qualification de la main d’œuvre.

195 CHAPITRE II. ECONOMIE CREATIVE ET THEORIES DE LA