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1.3 Evaluation de l'imprécision géométrique des données géographiques

2.1.2 Limites des modèles d'évaluation existants

Nous allons voir dans cette section que les modèles d'estimation de l'imprécision des me-sures géométriques existants ne permettent pas de modéliser l'impact de tous les processus de production, mais également certains impacts classiques impliqués par le processus d'abs-traction.

2.1.2.1 Limites relatives à l'impact du processus de production

La majorité des modèles développés en recherche ces dernières années ont pour vocation de modéliser l'imprécision géométrique des objets vectoriels en termes de positionnement. Beaucoup plus rares sont ceux qui ont étudié l'impact de ces imprécisions géométriques sur des mesures de surface ou de longueur, comme Chrisman et Yandell (1988), Kiiveri

(1997), ou Goodchild(2004), qui ont cherché à les formaliser par application d'un modèle de propagation d'erreurs de positionnement. Ces modèles sont généralement basés sur une probabilité de distribution des erreurs de position suivant une loi normale, indépendante en x et y. Les approches par simulations, relativement simples à mettre en ÷uvre, peuvent ainsi être utilisées pour modéliser certaines sources d'erreurs aectant la géométrie des objets géographiques, comme par exemple les erreurs de pointé (Bolstad et al., 1990) ou encore les imprécisions d'acquisition par relevés GNSS (De Bruin et al., 2008). Il a déjà été montré que l'utilisation de ces approches par simulations ore une possibilité intéres-sante an d'estimer l'impact de ces erreurs sur des mesures de longueur ou de surface, en exploitant un grand nombre d'objets simulés.

Cependant, comme nous l'avons évoqué auparavant, l'impact des processus de production sur la géométrie des objets vectoriels peut se manifester sous des formes très variées, et leur modélisation ne se limite pas à l'application d'un bruit aléatoire sur les sommets de la géométrie. En eet, l'impact de la généralisation cartographique peut se manifester par des modications de forme importantes (et de manière hétérogène), générant des erreurs de mesure considérables. Par exemple, en zones de montagne, les processus de généralisation cartographique peuvent mener à la suppression de virages sur des objets routiers an de faciliter la lecture de la carte (Mustière,2001). On comprend bien par ce type d'exemple que les approches par simulations ne s'avèrent pas adaptées pour modéliser l'impact de toutes les erreurs potentiellement aectées par les processus de production, en particulier le processus de généralisation cartographique.

La gure 2.4permet d'illustrer ce propos. Elle montre que l'application d'un modèle d'er-reurs aléatoires sur une route généralisée au 1 :100.000 ne permet pas de modéliser l'im-précision géométrique, tant en termes de positionnement que de mesure de longueur, par rapport à sa référence topographique. En eet, jamais les routes simulées (en traits bleus ns) ne ressemblent à la réalité (en rouge).

Egalement, il est dicilement concevable d'appliquer un même modèle d'erreur par si-mulations sur des objets saisis manuellement par un opérateur (dans le cadre de relevés photogrammétriques par exemple) et sur des objets saisis par acquisitions GNSS. En eet, les erreurs impliquées par chacun des deux processus de saisie ont des causes et des eets totalement diérents. Les regrouper dans un même modèle par pragmatisme peut ainsi s'avérer dangereux.

Figure 2.4  Inadéquation d'une approche par simulations pour modéliser l'impact de la généralisation cartographique

Pour illustrer ce propos, la gure 2.5 présente le résultat d'une étude de comparaison des traces saisies par trois récepteurs GPS diérents, mais équipés de la même puce (Ray

(2009), voir égalementRay et al.(2010)).

Cette gure montre que les traces produites par les trois récepteurs GPS présentent toutes des erreurs, dont certaines n'auraient pas été générées avec un processus de restitution manuel par un opérateur de saisie. Ceci démontre bien que la modélisation des impacts de l'erreur de saisie par un opérateur-restituteur ou par un récepteur GPS ne peuvent être envisagée de manière identique.

Figure 2.5  Comparaison des traces de trois récepteurs GPS (GlobalSat BT-338 en rouge, Emtac BTGPS S3 en bleu, et Royaltek RBT-2110 en vert), d'après Ray(2009)

2.1. Besoins et moyens actuels d'évaluation de l'imprécision géométrique Chaque processus de production nécessite donc un modèle d'erreur qui lui est propre, modélisant l'erreur associée (et son impact sur les mesures géométriques) en fonction des spécicités du processus impliqué. Nous considérons donc qu'il n'existe pas de modèle d'erreur universel sur les données géographiques.

Mais au delà de l'impact des processus de production, les diérents modèles d'erreur dé-veloppés en recherche ces dernières années ne prennent pas non-plus en compte certains impacts impliqués par le processus d'abstraction du monde réel.

2.1.2.2 Limites impliquées par le processus d'abstraction

Au delà de l'impact des processus de production, les mesures géométriques de longueur et de surface calculées à l'aide de logiciels SIG classiques sont soumises à d'autres eets qui ne sont généralement pas abordés dans les modèles exposés précédemment. On peut notamment en retenir trois, impliquées par le processus d'abstraction du monde réel, à savoir les impacts :

 de la projection cartographique,  de la non-prise en compte du terrain,  de l'approximation polygonale des courbes.

Impact de la projection cartographique En règle générale, la géométrie des objets vectoriels est saisie en coordonnées planes, comme nous avons pu le voir dans les extraits de spécications. De la même manière, les mesures de longueur et de surface sont réalisées par commodité dans un plan, suite à une projection de l'ellipsoïde terrestre (qui consti-tue déjà une approximation de la surface de la Terre). Comme la projection d'une surface courbe dans un plan ne peut se faire sans générer des déformations, les objets géogra-phiques en sont impactés, tout comme les mesures géométriques de longueur et de surface (cf. gure 2.6). Ces impacts se ressentent particulièrement sur les objets géographiques de grandes dimensions. Ainsi, l'impact de la projection cartographique doit être pris en compte dans l'estimation de l'imprécision des mesures géométriques, ce qui n'est pas le cas dans les modèles présentés précédemment.

Figure 2.6  Impact de trois projections cartographiques sur les Etats-Unis, d'aprèsDana

Impact de la non-prise en compte du terrain Bien que paraissant évidente, la non-prise en compte du terrain peut s'avérer particulièrement génératrice d'erreurs en termes de mesures de longueur ou de surface. Pourtant, de nombreuses bases de données géographiques ne disposent pas de coordonnées tridimensionnelles sur la géométrie des objets géographiques (principalement du fait des moyens nanciers qu'implique leur saisie). Ceci engendre une sous-estimation systématique des mesures géométriques, en particulier dans les zones où les pentes sont importantes (cf. gure2.7).

Figure 2.7  Représentation 2D et 2D5 d'une limite communale

Ainsi, la prise en compte du relief sur la géométrie des objets vectoriels s'avère indispen-sable pour pouvoir modéliser de manière réaliste l'imprécision des mesures de longueur et de surface. Malgré cela, la majorité des modèles présentés précédemment ne prennent géné-ralement pas en compte cette composante, et ne proposent que des modèles d'imprécision basés sur des mesures réalisées en deux dimensions.

Impact de l'approximation polygonale des courbes Dans une base de données géographiques, la géométrie des objets vectoriels est généralement représentée par une succession de segments de droites. Cependant dans la réalité, les entités du monde réel peuvent présenter des formes courbes (cf. gure 2.8).

2.1. Besoins et moyens actuels d'évaluation de l'imprécision géométrique L'approximation polygonale de la géométrie de ces objets a dans ce cas pour conséquence de sous-estimer systématiquement les longueurs calculées. Les modèles présentés précé-demment ne prennent pas non-plus en compte l'impact de l'approximation polygonale sur les mesures géométriques de longueur ou de surface.

Bilan Nous venons de présenter trois sources potentielles d'erreurs sur les mesures géo-métriques de longueur et de surface. Ces sources d'erreurs peuvent être considérées comme liées au processus d'abstraction du monde réel qui dénit les règles de représentation des objets d'une base de données géographiques. En eet, ce sont dans les spécications que sont décidés dans quel système de coordonnées est saisie la géométrie des objets ou si une information d'altitude doit être saisie ou non. L'impact de l'approximation polygo-nale est quant à lui inhérent à la représentation en mode vectoriel dans la majorité des logiciels SIG. An d'estimer l'imprécision des mesures géométriques calculées à partir de la géométrie des objets vectoriels, il convient de prendre en compte l'impact de ces règles de représentation, du fait des conséquences que nous venons d'évoquer.

Nous voyons donc bien, à travers ce constat, que les mesures géométriques de longueur et de surface sont impactées par diérentes contributions qui ne se limitent pas aux proces-sus de production. Les diérents modèles développés ces dernières années en recherche ne prennent pas en compte toutes les causes des erreurs de mesure. Ces modèles se contentent généralement de modéliser une erreur globale, sans chercher à identier les diérents im-pacts impliqués dans l'erreur nale. Cependant, ces modèles "globaux" ne sont valables que dans des conditions identiques à celles dans lesquelles ils ont été élaborés. Si une cause d'erreur supplémentaire est intégrée sur les objets traités, ces modèles ne sont donc a priori plus valables. Cela conrme l'idée que la modélisation de l'imprécision des mesures géomé-triques de longueur et de surface est complexe, puisqu'elle nécessite d'intégrer les impacts de processus hétérogènes aectant la géométrie des objets.

Synthèse Section Cette section a permis de montrer que les modèles d'estima-tion de l'imprécision des mesures géographiques développés ces dernières années en recherche ne permettent pas de modéliser les impacts de tous les processus de production. Egalement ces modèles ne prennent pas en compte les impacts de règles de représentation, impliquées par le processus d'abstraction du monde réel, qui aectent les mesures géométriques de longueur et de surface.