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II.1. Conditions de culture

L’utilisation de cellules endothéliales primaires nous a permis de maintenir des caractéristiques cellulaires spécifiques et de nous rapprocher davantage de conditions physiologiques. Les HCAEC sont des cellules fragiles avec une viabilité réduite et un temps de doublement relativement long. Les contraintes imposées par ce type cellulaire nous ont donc obligé à nous adapter à des quantités de cellules, de protéines et d’ARN faibles et à réduire considérablement le nombre d’expériences pouvant être réalisées en parallèle.

Ce projet étant exploratoire et la réponse endothéliale à la température n’ayant jamais été étudiée auparavant, nous n’avions aucune idée de la spécificité de cette réponse. C’est pourquoi, afin d’éviter tout biais pouvant être induits par des cellules endothéliales différentes, nous avons choisi d’utiliser uniquement les HCAEC. Seules quelques expériences ont été réalisées avec des cellules endothéliales immortalisées (Telo-HAEC), après de nombreuses comparaisons d’expression génique avec les cellules primaires.

In vivo, ces cellules sont constamment soumises à un flux sanguin où des forces de cisaillement sont

appliquées à leur surface. Afin de nous rapprocher le plus possible d’un environnement physiologique pour les HCAEC, certaines expériences ont donc été réalisées en condition de flux. Le système de culture en flux utilisé nous a permis de régler précisément les valeurs des forces de cisaillement que nous souhaitions appliquer à la surface endothéliale. Lors de nos expériences, 10 dyn.cm² ont été appliqués, correspondant à la valeur retrouvée communément au sein des artères (Resnick et al., 2003) et utilisée dans de nombreuses études (Topper and Gimbrone, 1999; Cicha et al., 2008, 2009; Urschel et al., 2010). Un des autres avantages de ce système est de pouvoir perfuser des cellules ou des molécules à la surface des tapis endothéliaux comme nous l’avons fait dans nos expériences avec la mise en circulation des THP-1 DsRed ou avec le traitement à l’IL1β.

Malgré les nombreux avantages que confère ce système, des difficultés ont tout de même été rencontrées, principalement d’ordre technique. Lorsque l’on cultive les HCAEC en flux, une faible quantité de cellules est disponible au sein de chaque canal. La faible quantité de matériel biologique récupérée (ARN et protéines) est donc utilisée en quasi-totalité et est bien souvent insuffisante pour réaliser les expériences dans des conditions optimales. De plus, ce système requiert l’utilisation d’une unité fluidique par condition, limitant grandement le nombre de conditions pouvant être testées de front et rendant impossible les analyses cinétiques. Toutes ces contraintes, combinées à celle de l’utilisation des HCAEC, sont les raisons pour lesquelles nous n’avons pas pu effectuer toutes les

Page | 148 expériences souhaitées en condition de flux.

II.2. Mesure de la température à l’échelle tissulaire et cellulaire

Un des objectifs de mon travail de thèse était d’évaluer si des modifications de forces de cisaillement, induites notamment au sein des vaisseaux à géométrie complexe, pouvaient induire une modulation locale de la température.

Comme première approche, nous nous sommes placés dans des conditions ex vivo, en utilisant des bifurcations faites à façon ou commercialisées. Nos données ont montré une augmentation locale de la température au sein des bifurcations, en comparaison avec les zones laminaires. Ces données ont été acquises en simplifiant à l’extrême le système vasculaire puisqu’elles ont été réalisées avec une solution aqueuse, dans un « vaisseau » rigide, sans pression pulsée. Nos premiers résultats rejoignent ceux de plusieurs études où il a été rapporté qu’une perturbation hémodynamique peut augmenter le transfert thermique entre le sang et la paroi vasculaire (Wei and Luo, 2003; Attia et al., 2012), moduler localement la dissipation de la chaleur (Diamantopoulos et al., 2003; Stefanadis et al., 2003) et entrainer une modulation locale de la température (Diamantopoulos et al., 2003). Pour se rapprocher des conditions physiologiques et affiner nos résultats, il serait nécessaire de reproduire ces expériences avec du sang ou avec une solution ayant des propriétés similaires. En effet, il a été montré que les forces de frictions générées par les éléments figurés du sang peuvent entrainer une modulation thermique des vaisseaux (Amiri and Khonsari, 2010). La viscosité du sang doit également jouer un rôle non négligeable dans cette modulation thermique.

Nos données pourraient également être complétées par une technique de mesure de température plus précise que la caméra thermique : l’imagerie par résonnance magnétique. Des séquences d’acquisition sont actuellement mises au point par l’unité Inserm (U1148). Ses premiers résultats ex

vivo ont montré une distribution hétérogène de la température au sein du vaisseau, caractérisée par

la présence de points chauds au niveau de la bifurcation. Ces mêmes séquences d’acquisition IRM ont été utilisées in vivo chez la souris, et les premières données semblent montrer une augmentation locale de la température autour du sinus carotidien, où se développe couramment l’athérosclérose. De nombreuses mises au point sont encore nécessaires pour s’assurer de la fiabilité des données générées et des performances de cette technique pour mesurer précisément la température des tissus vasculaires in vivo. Il n’en reste pas moins que ces résultats sont très encourageants et pourraient modifier considérablement notre compréhension de l’homéostasie de la température au sein des organes/tissus sains et malades.

Page | 149 Dans une approche complémentaire, nous nous sommes placés dans des conditions in vitro pour déterminer, à l’aide d’une sonde thermique, la température des HCAEC au sein d’un canal comprenant une bifurcation. Malheureusement, l’incorporation de cette sonde au sein des HCAEC a été très compliquée à mettre au point. Le fait de devoir utiliser la sonde avec des solutions de glucose ou de KCl a grandement fragilisé les cellules (HCAEC comme Telo-HAEC), réduisant leur viabilité et ne permettant pas toujours de terminer les expériences dans des conditions optimales de culture. La substitution de ces solutions par du milieu de culture complet n’étaient pas davantage favorable puisque cela empêchait l’incorporation de la sonde thermique au niveau du cytosol.

De plus, malgré l’utilisation d’équipements très sensibles, il a été difficile de détecter une fluorescence homogène et reproductible sur l’ensemble du tapis cellulaire, rendant compliquée l’interprétation des résultats. Lorsque certaines cellules réussissaient à incorporer correctement la sonde, l’amplitude de l’intensité de fluorescence obtenue en réponse à une gamme de température était très faible et permettait rarement de distinguer une variation thermique de l’ordre de 1°C. Cette sonde est pourtant décrite comme ayant une forte résolution, pouvant détecter des variations thermiques de l’ordre de 0,01°C (Uchiyama et al., 2015), et ce, sur une gamme de température s’échelonnant de 25 à 45°C.

Enfin, de nombreuses difficultés ont également été rencontrées en condition de flux. Par exemple, l’incorporation de la sonde, pourtant réalisée en condition statique, n’était plus observable en condition de flux. Les cellules étaient davantage fragilisées et se décollaient constamment des canaux laminaires. La gamme de température appliquée sur les rares cellules restantes ne permettait pas d’obtenir une augmentation du ratio de fluorescence. Cette sonde thermique n’a donc pas pu être utilisée en flux malgré l’ensemble des mises au point effectuées.

Il existe néanmoins d’autres sondes thermiques (Okabe et al., 2018) qu’il serait intéressant de tester. Certaines sont sans doute moins toxiques, et d’autres spécifiques d’un seul type d’organelle, permettant donc de réaliser des mesures de températures à l’échelle subcellulaire. Cependant, il faudra s’assurer de leur fonctionnement en condition de flux.

II.3. HSP et CIRBP utilisés comme alternatives aux sondes

thermiques

Pour pallier ces problèmes de sonde thermique, nous nous sommes intéressés à l’expression de différentes protéines par les HCAEC cultivées dans des canaux comprenant une bifurcation : HSPA1A, dont l’expression augmente avec la température et CIRBP, dont l’expression diminue avec la température. Nous avons montré que l’expression de HSPA1A diminuait localement au sein des zones

Page | 150 de flux perturbé, en comparaison avec les zones de flux laminaire. A l’inverse, nous avons montré que l’expression de CIRPB augmentait. Cela va à l’encontre des résultats obtenus ex vivo mais peut s’expliquer par la structure des canaux utilisés. En effet, les canaux Ibidi® sont conçus de telle sorte que la section du canal laminaire principal est la même que la section de chacun des deux canaux après la bifurcation. Elle n’est pas divisée en deux, ne créant pas de « pression » supplémentaire au niveau de la bifurcation. Nous n’étions donc pas à même de détecter la moindre augmentation de température avec ces canaux. Cependant, leur design favorise la diminution de la vitesse du flux et donc possiblement la diminution de la température, ce qui serait parfaitement compatible avec la diminution de HSPA1A et l’augmentation de CIRBP que nous avons observé.

Afin d’éviter les problèmes liés à la configuration des canaux, nous avons effectué des expériences in

vivo chez la souris. Nous avons placé un manchon constrictif sur une des carotides de la souris afin de

créer des perturbations hémodynamiques en aval de ce manchon. Une analyse à l’échelle des segments artériels a montré une diminution de l’expression de CIRBP ainsi qu’une augmentation de celle des HSP, en comparaison avec les expressions de la carotide contrôle, suggérant une augmentation locale de la température. Néanmoins, malgré le fait que ces résultats corrèlent avec nos données obtenus ex vivo, il faut garder à l’esprit que les variations d’expression obtenues dans ces expériences in vivo ne sont pas spécifiques des cellules endothéliales. Elles peuvent être liées aux expressions des cellules musculaires lisses ou des fibroblastes également présents dans la paroi vasculaire analysée. Il est également possible que les mécanorécepteurs mobilisent les mêmes effecteurs moléculaires que la température.