• Aucun résultat trouvé

IV.2 Influence de la limitation en capacité

IV.2.2 Limitation de la lithiation

Comme cela a été vu dans le chapitre 3, le silicium cristallin et le silicium amorphe sont connus pour avoir des comportements différents au cours de la lithiation. La limitation de la capacité a donc été effectuée d’une part sur les nanofils cristallins d’origine, et d’autre part sur des nanofils préalablement amorphisés afin de comparer les deux comportements.

Les nanofils sont initialement cristallins avec une coquille amorphe plus ou moins épaisse (cf. chapitre 2) mais l’amorphisation du silicium peut être obtenue facilement en effectuant un premier cycle complet de lithiation/délithiation. En effet, comme présenté dans le chapitre précédent, le silicium reformé après complète délithiation de l’alliage LixSi présente une structure amorphe. Ce premier cycle a été effectué à faible régime (C/20) avec un potentiel de fin de lithiation de 20 mV. La capacité réversible délivrée est de 3475 mAh.g-1, valeur proche de la capacité théorique, ce qui permet de supposer qu’une large majorité du silicium a été lithiée puis amorphisée.

126

Figure 104 : Cyclage des électrodes de nanofils de silicium face à Li métal à C/5 : influence de la méthode de cyclage utilisée. Evolution de la capacité délithiée (a) et du potentiel de fin de lithiation

(b) en fonction du nombre de cycles.

La limitation de la lithiation a ainsi été effectuée i) dès le premier cycle (c-Si) et ii) à partir du deuxième cycle (a-Si). L’évolution des capacités délithiées au cours du cyclage est présentée sur la Figure 104a) et comparée avec celle du cyclage complet (sans limitation de la lithiation). La limitation de la capacité a permis dans les deux cas une nette augmentation de la rétention de capacité puisque 780 et 610 cycles à 900 mAh.g-1 sont respectivement obtenus en limitant la capacité dès le premier cycle et après un premier cycle d’amorphisation. Pour le cyclage complet de référence, la capacité chute rapidement et atteint une valeur inférieure à 900 mAh.g-1 dès le cycle 160. Même si la capacité délivrée au début du cyclage est nettement inférieure, la capacité cumulée délivrée par l’électrode au cours de son utilisation (c’est-à-dire pendant la phase du cyclage où la capacité reste supérieure ou égale à 900 mAh.g-1) passe de 284 mAh.g-1 dans le cas d’un cyclage complet, à 685 mAh.g-1 dans le cas d’un cyclage limité à 900 mAh.g-1

. L’amorphisation du silicium au premier cycle n’a en revanche pas permis d’améliorer la durée de vie puisque la perte de capacité est observée environ 170 cycles plus tôt que lorsque la limitation de la capacité est effectuée dès le premier cycle.

L’évolution du potentiel de fin de lithiation est présentée dans la Figure 104b. Dans les deux cas (nanofils initialement amorphisés ou non), une diminution progressive du potentiel de coupure est nécessaire pour atteindre la consigne de 900 mAh.g-1. Puis lorsque le potentiel limite de 20 mV est atteint, cette consigne ne peut plus être atteinte et la capacité commence à diminuer. Cependant, l’évolution du potentiel de coupure est différente pour les deux types de cyclage. Pour les nanofils initialement cristallins, ce dernier reste assez stable, autour de 120 mV, pendant les 500 premiers cycles, puis il diminue progressivement jusqu’à la limite de 20 mV. Au contraire, lorsque le silicium a été préalablement amorphisé, le premier palier de lithiation est plus haut, ce qui mène à un potentiel de coupure supérieur à 240 mV au début du cyclage, puis une brusque chute jusqu’à 75 mV suivie d’une diminution progressive jusqu’à 20 mV.

Deux phénomènes peuvent être invoqués pour expliquer la diminution du potentiel de coupure. Le premier est une augmentation de l’impédance de l’électrode qui entraîne un abaissement du plateau de lithiation et un relèvement du plateau de délithiation. Le second est une perte progressive de matériau actif qui nécessiterait de lithier plus fortement le matériau restant pour atteindre la consigne de capacité, et donc de descendre à des potentiels plus bas. Pour mieux comprendre l’évolution du potentiel de coupure dans notre cas, l’allure des courbes de charge/décharge est examinée. Ces courbes sont présentées sur la Figure 105 ci-dessous.

127

Figure 105 : Cyclage des nanofils de silicium à C/5 face à Li métal. Lithiation limitée à 900 mAh.g-1 dès le premier cycle (a,c,e) et après un premier cycle d’amorphisation du silicium (b,d,f). Evolution des courbes capacité-potentiel (a,b), des courbes de capacité incrémentale (c,d) et du potentiel moyen

de lithiation et délithiation (e,f).

Les Figure 105a) et b) représentent le potentiel de l’électrode en fonction de la capacité pour l’électrode cyclée en limitant la lithiation dès le premier cycle (Figure 105a) et pour l’électrode initialement amorphisée (Figure 105b). On observe sur ces deux graphes un décalage de toute la courbe de lithiation/délithiation vers les bas potentiels au cours du cyclage. Cependant, la polarisation, ou hysterèse, c’est-à-dire l’écart entre les plateaux de lithiation et de délithiation, schématisée par les flèches verticales, n’évolue pas de façon significative. Le potentiel moyen de la lithiation et de la délithiation a été calculé afin de pouvoir quantifier cette observation. Les résultats sont présentés sur les Figure 105e) et f). La polarisation, également présentée sur ces courbes, correspond à la différence entre le potentiel moyen de délithiation et le potentiel moyen de lithiation. Ces graphes confirment que

128

dans les deux cas il s’agit bien d’un décalage conjoint des potentiels moyens de lithiation et délithiation mais qu’il n’y a pas de variation significative de la polarisation qui reste comprise entre 0,36 V et 0,41 V dans le cas d’une limitation de capacité dès le premier cycle et entre 0,40 V et 0,45V dans le cas d’une limitation après un premier cycle complet.

L’évolution du potentiel des différentes étapes de la lithiation et de la délithiation ainsi que leurs contributions respectives peut être suivie plus facilement en traçant les courbes de capacité incrémentale, c’est-à-dire la dérivée de la capacité en fonction du potentiel. Sur ces courbes, un pic correspond à un plateau d’insertion ou d’extraction du lithium. Comme cela a déjà été présenté dans la littérature10,7, deux étapes de lithiation et de délithiation peuvent être identifiées pour le silicium. La première correspond à la conversion entre le silicium et un premier type d’alliages pauvres en lithium, contenant encore des clusters de silicium. La seconde étape correspond quant à elle à la conversion entre cet alliage pauvre en lithium et un alliage plus riche où les clusters de silicium ont été lithiés à leur tour. Les pics de potentiel de délithiation associés à ces deux étapes seront appelés D1 et D2 par la suite. Leur analyse nous donne plus d’information sur les différences de cyclage entre le silicium cristallin et le silicium amorphe.

Lorsque le cycle d’amorphisation a été effectué avant de limiter la capacité, seul un pic d’oxydation (D1) est observé jusqu’au cycle 200, c’est-à-dire tant que le potentiel de coupure reste supérieur à 120 mV. Ceci est caractéristique de la présence d’alliages faiblement lithiés10. Comme cela a été évoqué dans le chapitre 3, l’insertion du lithium se fait plus facilement dans le silicium amorphe que dans le silicium cristallin et il se forme ainsi une solution solide ayant un faible taux de lithium. Le potentiel du pic de délithiation est initialement de 0,6 V et diminue progressivement jusqu’au cycle 200 où il atteint la valeur de 0,48 V.

Puis, entre les cycles 200 et 610, l’émergence d’un second pic D2 entre 0,3V et 0,4 V marque l’apparition d’alliages plus fortement lithiés10. L’intensité de ce second pic augmente au cours du cyclage, tandis que celle du pic D1 diminue. La capacité totale étant constante, l’apparition du pic D2 associée à la diminution du pic D1, met en évidence le fait qu’il se forme moins d’alliage pauvre en lithium et de plus en plus d’alliage riche. Cela peut être expliqué par une perte progressive de matériau actif, qui se voit compensée par une augmentation du taux de lithium moyen dans l’alliage pour atteindre les 900 mAh.g-1. Quand le potentiel de coupure limite de 20 mV est atteint, après le cycle 610, la décroissance simultanée de l’intensité des deux pics suggère que le taux maximal de lithium a été atteint et que la perte de matériau actif ne peut plus être compensée, ce qui mène à une diminution de la capacité.

Cette hypothèse d’une perte progressive de matériau actif est cohérente avec l’évolution générale des courbes capacité-potentiel. En effet, une capacité donnée délivrée grâce à une grande quantité de silicium (en bleu sur la Figure 106) nécessitera un faible taux de lithiation de l’alliage Lix1Si. Quand, suite à des pertes de matériau, cette capacité doit au contraire être délivrée sur une petite quantité de silicium (en rouge sur la Figure 106), le taux de lithiation de l’alliage Lix3Si sera plus élevé, ce qui modifie l’allure de la courbe. Ainsi, comme illustré sur la Figure 106, une capacité constante qui correspond en réalité à une augmentation progressive du taux moyen de lithiation dans l’électrode se traduit par un décalage de toute la courbe vers les bas potentiels. C’est bien ce comportement qui est observé dans notre cas.

129

Figure 106 : Evolution de l’allure des courbes électrochimiques pour un cyclage limité en capacité avec une perte progressive de matériau actif.

Tout comme pour le pic D1 jusqu’au cycle 200, un décalage du potentiel du pic D2 est observé entre les cycles 200 et 610. La raison de ce décalage n’a pas été clairement définie mais une hypothèse probable est que plus le taux de lithium dans l’alliage augmente, plus le potentiel du pic associé diminue. Ainsi, jusqu’au cycle 200 le taux moyen de lithium dans la solution solide augmente progressivement pour compenser les pertes de matière. Puis, au-delà d’une certaine richesse en lithium dans l’alliage, un nouveau mécanisme d’insertion entre en jeu et entraîne l’apparition de nouveaux alliages et donc du second pic de délithiation. Le potentiel du second pic diminue à son tour progressivement au fur et à mesure que le taux de lithium augmente jusqu’à atteindre sa valeur limite de 0,3 V.

Le comportement est un peu différent pour du silicium initialement cristallin. En effet, dans ce cas, le pic D2 est présent dès le début du cyclage, même s’il est de faible intensité. Cela signifie que des alliages riches en lithium sont également présents dès le début du cyclage. Comme le réseau du silicium cristallin est difficile à casser, il est probablement plus favorable de faire intervenir des alliages riches en lithium à partir de silicium amorphe que de lithier le cœur cristallin du nanofil qui n’a pas encore réagi. Ces deux phénomènes se produisent plus vraisemblablement simultanément. Jusqu’au cycle 450, l’intensité du pic D2 reste faible et quasiment constante. Les cycles sont par ailleurs superposables et le potentiel de fin de lithiation reste constant. On peut en déduire que c’est la même quantité de silicium actif qui est impliquée à chaque cycle. Il s’agit vraisemblablement du silicium amorphe issu de la délithiation du cycle précédent, et d’une faible part du silicium cristallin se rajoutant à chaque cycle, qui permet de compenser les pertes progressives de matériau actif. Puis, après le cycle 450, lorsque toute la réserve de silicium cristallin a été consommée, l’évolution devient similaire à celle du cyclage précédent avec un décalage du pic D2 et une augmentation progressive de son intensité pour compenser la diminution de celle du pic D1 et atteindre la capacité imposée de 900 mAh.g-1.

Les deux processus de vieillissement déduits des courbes électrochimiques sont résumés sur le schéma de la Figure 107 ci-dessous.

130

Figure 107 : Schéma récapitulatif des mécanismes de vieillissement des électrodes lors de cyclages à C/5 avec limitation de la lithiation à 900 mAh.g-1.

Les nanofils de silicium sont initialement cristallins. Dans le premier cas, illustré ici en rouge, le cyclage est effectué en limitant la lithiation dès le premier cycle. Dans le second cas, illustré ici en bleu, un premier cycle d’amorphisation est préalablement effectué. Deux mécanismes de vieillissement sont alors observés pendant la première partie du cyclage, ne faisant intervenir que des alliages faiblement lithiés. Puis en fin de cyclage, le vieillissement devient similaire pour les deux types de cyclage. Sur ce schéma, la couleur des nanofils lithiés représentés et leur diamètre sont liés à leur taux moyen de lithium : plus le taux de lithium est élevé, plus le bleu est foncé et plus le diamètre est gros. La longueur des nanofils, quant à elle, est liée à la quantité de matériau actif disponible pour le cyclage dans l’électrode.