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I.2 Les batteries lithium-ion

I.2.3 Matériaux d’électrode

I.2.3.2 Electrode négative

Lithium

Le lithium apparaît comme l’un des matériaux d’anode les plus intéressants en raison de sa capacité spécifique très élevée et de son potentiel de travail très bas. L’inconvénient des électrodes de lithium métallique est que lors de la réduction des ions Li+ pendant la recharge, ces derniers peuvent se déposer de façon singulière. Il se forme ainsi progressivement ce que l’on appelle des dendrites qui posent un problème de sécurité car elles peuvent perforer le séparateur et entrer en contact avec l’électrode positive, provoquant par la même un court-circuit qui peut, entre autre, se manifester sous la forme d’un départ de flammes. Plusieurs incidents sont ainsi survenus avec des téléphones et des ordinateurs portables au début du développement des batteries au lithium, ce qui a mené au développement des batteries Li-ion qui ne contiennent plus de lithium sous forme métallique. Une autre possibilité pour s’affranchir des risques de court-circuit lié à la formation des dendrites, consiste à utiliser un électrolyte solide. Ces batteries sont appelées Lithium-Polymère. Leur inconvénient principal est qu’elles nécessitent de chauffer à des températures d’environ 70°C-80°C pour assurer une bonne conductivité ionique dans l’électrolyte solide.

Figure 12 : Formation des dendrites de lithium pour un accumulateur avec une électrode de lithium métallique et un électrolyte liquide1

Carbone

C’est la découverte de l’intercalation réversible du lithium dans le graphite29

qui a permis l’apparition des premières batteries lithium-ion dans les années 807,8

. Dans ce matériau, le lithium peut s’insérer entre les feuillets du graphite jusqu’à former le composé LiC6

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qui correspond à une capacité théorique de 372 mAh.g-1.

6 C + Li+ + e- ↔ LiC6

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Delacourt, C., Poizot, P., Levasseur, S. Masquelier, C., Size Effects on Carbon-Free LiFePO4 Powders – The Key to Superior Energy Density. Electrochem. Solid-State Lett., 9 (2006) A352-A355

28 Ravet, N., Besner, S., Simoneau, M., Vallée, A., Armand, M., Brevet d’invention, Hydro-Québec, (1999). 29

Guerard, D., Herold, A. Intercalation of lithium into graphite and other carbons. Carbon 13, 337-345 (1975).

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Un des principaux avantage du graphite est son potentiel de fonctionnement très bas, entre 0,2 et 0,05 V vs Li+/Li qui permet de former des batteries Li-ion ayant une grande différence de potentiel entre les deux électrodes et donc une grande densité d’énergie. De plus, le graphite présente une très bonne stabilité en cyclage, grâce notamment à la faible expansion volumique (~10 %) associée à l’insertion du lithium entre ses feuillets. Enfin, un dernier avantage non négligeable est que c’est un matériau abondant et peu cher.

Cependant, la capacité du graphite reste limitée à cause du faible nombre d’ions lithium pouvant s’intercaler dans la structure (cf. Figure 13). D’autres formes de carbone présentant une plus grande capacité ont été étudiées, comme par exemple les nanotubes de carbone dont la capacité peut atteindre les 1000 mAh.g-1 lorsqu’ils sont soumis à un traitement spécifique créant des défauts31. Cependant, leurs inconvénients sont qu’ils souffrent d’une large capacité irréversible au premier cycle et qu’ils ne sont pas aussi bon marché que le graphite.

Figure 13 : Schéma de l’intercalation du lithium entre les feuillets de graphite (composé LiC6) 32

Titanates

Le Li4Ti5O12 est un autre exemple de matériau d’intercalation étudié en tant qu’électrode négative de batterie lithium-ion. La réaction d’intercalation est la suivante :

Li4Ti5O12 + 3 Li +

+ 3e- ↔ Li7Ti5O12

Sa capacité est plus faible que celle du graphite (175 mAh.g-1) et son potentiel de fonctionnement est plus élevé (1,55 V vs Li+/Li) donc la densité d’énergie des batteries lithium-ion utilisant cette électrode de titanate est assez faible. Le fait que le potentiel de fonctionnement soit plus élevé peut malgré tout constituer un avantage intéressant. D’une part, cela permet de limiter les problèmes de dégradation de l’électrolyte à la surface des électrodes. D’autre part, ce potentiel est plus éloigné du potentiel de réduction du lithium métallique donc les risques de dépôt de lithium métallique (ou « lithium plating ») sont éloignés avec ce type d’électrode, ce qui améliore grandement la durée de vie.

Mais son principal avantage est que l’intercalation du lithium dans sa structure spinelle se fait quasiment sans variation de volume33. Il est ainsi souvent désigné comme « zero strain insertion material », ce qui permet de contribuer à une très bonne stabilité du cyclage. Sa conductivité électronique est faible mais différentes stratégies telles que du dopage par différents cations ou anions ou encore des modifications de surface ont permis d’améliorer significativement les performances à

31 Maurin, G., Bousquet, Ch., Henn, F., Bernier, P., Almairac, R., Simon, B., Electrochemical intercalation of

lithium into multiwall carbon nanotubes. Solid State Ionics 136–137, 1295-1299 (2000).

32 Casas, C. De & Li, W. A review of application of carbon nanotubes for lithium ion battery anode material. J.

Power Sources 208, 74–85 (2012).

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Aldon, L., Kubiak, P., Womes, M., Jumas, J.C., Olivier-Fourcade, J., Tirado, J.L., Corredor, J.I. & Perez Vicente, C. Chem. Mater. 16, 5721-5725 (2004).

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fort régime34, ce qui en fait aujourd’hui un bon candidat pour le développement de batteries lithium- ion à forte puissance.

Matériaux de conversion

Les deux types de composés évoqués précédemment (carbone et titanate) sont des composés d’intercalation, c’est-à-dire que le lithium vient s’insérer dans les sites vacants d’une structure cristalline. Les matériaux de conversion sont un autre type de matériau d’électrode négative3536. Parmi eux, on peut citer les oxydes de métaux de transition comme CoO, CuO et Fe2O3 qui ont été intensivement étudiés. En présence des ions Li+, la réaction de réduction suivante est observée :

MO + 2Li+ + 2e- ↔ M0 + Li2O où M=Co, Cu, Ni, Fe.

Dans cette réaction, l’oxyde est converti en métal, de nature et structure différente, d’où l’appellation de « réaction de convertion ». Elle conduit à des nanoparticules métalliques au sein d’une matrice amorphe de Li2O. Certains de ces matériaux peuvent avoir une capacité jusqu’à quatre fois supérieure à celle du graphite mais leur principal inconvénient réside dans le fait qu’ils possèdent une cinétique de réaction lente entraînant une forte polarisation du système et une faible efficacité énergétique37.

Alliages

Une autre possibilité pour l’insertion des ions lithium dans un matériau est la formation d’un alliage. De nombreux métaux et semi-conducteurs sont en effet réactifs avec le lithium, parmi lesquels on peut notamment citer le silicium, l’étain, l’aluminium ou encore le germanium. La formation de ces alliages lithiés par électrochimie a été démontrée dès les années 197038,39,40. Leur principal avantage est qu’ils peuvent généralement accueillir plus de lithium que les composés d’intercalation, ce qui leur confère une grande capacité spécifique théorique. Les matériaux cités présentent ainsi des capacités de 2 à 10 fois supérieures à celles du graphite, comme présenté dans le Tableau 2. Le plus intéressant à ce titre est le silicium qui a une capacité théorique de 4200 mAh.g-1. Leur potentiel de lithiation est en général légèrement supérieur à celui du graphite, ce qui pourrait réduire le risque de dépôt de lithium métallique à la surface de l’électrode mais il reste quand même en dessous de celui des électrodes de titanate et permet d’atteindre des tensions de cellules satisfaisantes.

Un inconvénient majeur de ces matériaux est que la formation des alliages s’accompagne de variations volumiques importantes qui créent de fortes contraintes mécaniques et réduisent considérablement la durée de vie des électrodes. L’exemple du silicium sera détaillé dans la suite de cette thèse (partie I.3).

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Yi, T.-F., Jiang, L.-J., Shu, J., Yue, C.-B., Zhu, R.-S. & Qiao, H.-B. Recent development and application of Li4Ti5O12 as anode material of lithium ion battery. J. Phys. Chem. Solids 71, 1236–1242 (2010).

35 Poizot, P., Laruelle, S., Grugeon, S., Dupont, L., Tarascon, J.M. Nano-sized transition-metal oxides as

negative-electrode materials for lithium-ion batteries. Nature, 407, 496-499 (2000).

36

Cabana, J., Monconduit, L., Larcher, D., Palacín, M.R. Beyond intercalation-based Li-ion batteries: the state of the art and challenges of electrode materials reacting through conversion reactions. Adv. Mater. 22 E170-E192 (2010).

37 Taberna, P.L., Mitra, S., Poizot, P., Simon, P., Tarascon, J.M. High rate capabilities Fe3O4-based Cu nano-

architectured electrodes for lithium-ion battery applications. Nat. Mater. 5, 567-573 (2006).

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Dey, A.N., Electrochemical Alloying of Lithium in Organic Electrolytes. J. Electrochem. Soc., 118, 1547- 1549 (1971).

39 Rao, B.M.L., Francis, R.W., Christopher, H.A., Size Effects in the Electrochemical Alloying and Cycling of

Electrodeposited Aluminum with Lithium. J. Electrochem. Soc., 124, 1490-1492 (1977).

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Matériaux Li C Li4Ti5O12 Si Sn Al Bi

Phase lithiée Li LiC6 Li7Ti5O12 Li4,4Si Li4,4Sn LiAl Li3Bi

Capacité spécifique (mAh.g-1) 3862 372 175 4200 994 993 385

Capacité volumique (mAh.cm-3) 2047 837 613 9786 7246 2681 3765

Changement volumique (%) 100 12 1 320 260 96 215

Potentiel 0 0,05 1,6 0,4 0,6 0,3 0,8

Tableau 2 : Comparaison de la composition de la phase lithiée, des capacités spécifiques et volumiques théoriques, des changements volumiques associés à la formation de la phase lithiée, et du

potentiel de travail de différents matériaux d’anode (D’après Zhang41 et Park et al.42).