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Lieux symboliques de la présence roumaine à Castellón de la Plana

Castellón de la Plana

1.4.2. Lieux symboliques de la présence roumaine à Castellón de la Plana

Nous nous proposons d’observer sur le terrain la présence roumaine à Castellón. Pour accéder à cette approche nous présentons des endroits fréquentés par les migrants roumains. Imaginons un itinéraire dans cette ville ayant pour objectif de surprendre tous les aspects d’organisation, de modélisation des espaces de vie et de construction des réseaux desRoumains à Castellón.

La figure suivante nous offre une image des principaux points de présence roumaine. Nous pouvons observer la multiplication des initiatives entrepreneuriales roumaines de tous les types : magasins alimentaires, cafétérias et restaurants, agences de voyage. Le facteur religieux est visible par les églises roumaines. Le monde associatif roumain est présent lui aussi. L’installation de différentes institutions roumaines a été favorisée. La plus importante, le Consulat roumain et le bureau représentant la Préfecture du Département roumain Dâmboviţa aident à la consolidation des relations entre la province de Castellón et celle de Dâmboviţa. Enfin une filiale de la Poste roumaine joue ici un rôle déterminant.

Dans la dispersion des signes de la présence roumaine à Castellón, roumaines, nous pouvons observer une délimitation claire entre le centre historique et le reste de la ville. La présence commerciale et associative roumaine se trouve à l’extérieur du centre historique de Castellón. Cela s’explique par le prix très élevé de l’immobilier et la faible disponibilité en location au centre ville.

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Carte 14. Une visualisation des initiatives associatives et entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana

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1.4.2.1. Le lieu du « premier pas » à Castellón de la Plana pour la majorité des Roumains

Le premier endroit où l’on aperçoit les Roumains à Castellón est la Gare Routière au moment de leur arrivée. La multitude des autobus et la diversité des compagnies plus ou moins connues transitent tous les jours pour y amener des Roumains et assurer un service régulier entre l’Espagne et la Roumanie. Les grands titres de journaux espagnols locaux mentionnent une multitude de bus roumains arrivant à Castellón chaque jour et desquels descendent une centaine de personnes144. Ces circulations sont devenues très visibles. Toutes les arrivées sont concentrées au même endroit, la gare routière aménagée récemment en 2000. Avant cette date, les bus arrivaient dans les parkings publics dispersés ou dans les aires de repos, ils étaient donc moins repérables.

L’amplification des trajets entre les deux pays à partir de 2002 à la suite de la suppression des visas Schengen pour les Roumains jusqu’à 2006 est manifeste. Puis l’apparition des compagnies aériennes à prix réduits détermine une concurrence accrue pour les compagnies de bus. On trouve des filiales des compagnies de bus installées à Castellón avec leurs propres agences de voyages. Elles font des offres substantielles. Certaines agences se sont spécialisées vers certaines zones géographiques en Roumanie. On peut donner l’exemple de l’agence Filadelfia145 qui offre ses services à la partie nord et ouest de la Roumanie tandis que d’autres comme Eurolines, Alsa, Atlassib, Saiz-Tour, Lucky Tour les offraient pour l’ensemble du pays.

Actuellement, la concurrence est rude entre les compagnies aériennes à bas coût : Blue Air (née en 2006), Wizz Air (2007), Click Air (2009), même Tarom. Cette dernière a commencé à baisser ses prix à la suite de la menace des autres compagnies aériennes, ce qui a entraîné une diminution de l’utilisation des bus pour les allers-retours. Le rapprochement de l’aéroport de Valencia favorise Castellón. Initialement les trajets en avion ne se faisaient qu’au départ de Barcelone ou Madrid, puis de Reus-Tarragona. Maintenant Valencia et bientôt Cabanes près de Castellón (à environ à 30 km) offrent des aéroports plus proches.

144« Seis autobuses conectan a diario Castellón y Rumania ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 24

Septembre 2004, Disponible sur :

< http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=124776 > (consulté le 14 Décembre, 2009)

145Toutes ces informations sur les compagnies de transports résultent de l’observation directe personnelle à la

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Le voyage en bus existe encore mais il concerne surtout ceux dont le projet migratoire a échoué. Ces migrants rentrent pour un long ou même définitif séjour en Roumanie et ils ont besoin d’un moyen de transport à prix réduit et permettant une grande quantité de bagages. Dans le même contexte, on observe aussi une diminution de la diversité de ces compagnies de transport : par exemple Filadelfia dont on a parlé antérieurement, a fermé ses portes moins d’un an après son ouverture et Lucky Tour a fermé la filiale de Castellón en gardant seulement celle de Valencia.

Dans cet enjeu des nouveaux moyens de transport sur le marché et de la crise économique de plus en plus grande, apparaissent d’autres stratégies en étroite liaison avec les compagnies de bus dont les trafics chutent. Ces dernières commencent à lancer des offres de transport dans l’autre sens : de Castellón à la Roumanie. Deux catégories de migrants roumains sont intéressés : ceux dont le projet migratoire s’est fracassé et qui veulent rentrer en négociant le prix du billet « aller » seulement et ceux qui envisagent leur retour sans date préétablie. Les sièges des compagnies de transport témoignent de l’échec ou de la réussite de la circulation migratoire. Depuis quelques mois, de gros chargements à destination de la Roumanie avec parfois des meubles ou des matelas se multiplient.

1.4.2.2. Stratégies circulatoires dans un contexte instable

Le choix du bus comme moyen de transport est directement lié au coût de la migration. Pendant les années 1999-2000 le billet d’avion coûtait le double du prix du bus et la nécessité de voyager d’un aéroport à l’autre rendait les voyages plus difficiles surtout dans la méconnaissance d’une langue internationale. Les trajectoires suivies par les migrants roumains à Castellón résultent de stratégies circulatoires, déterminées dans un premier temps par les transporteurs. En particulier, les chauffeurs avaient tout intérêt à bien organiser le trajet. Ils choisissaient la route la plus convenable, les heures de passage à la douane les plus favorables et aussi les routes les moins fréquentées pour entrer en Espagne. A travers l’Europe la route vers l’Espagne empruntait un itinéraire par la Roumanie, la Hongrie, L’Autriche l’Allemagne ou l’Italie, la France et enfin l’Espagne. Un total de 3500 km approximativement étaient parcourus en trois jours si tout allait bien, en changeant de chauffeurs deux ou trois fois.

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Compte tenu du coût et du temps du voyage, deux itinéraires différents sont proposés: le passage par l’Allemagne qui coûte moins cher car l’autoroute est gratuite mais qui est plus long et la route par l’Italie qui est plus chère mais plus courte.

Le choix était lié à chaque compagnie de transport. Nous pouvonsen témoigner grâce aux entretiens avec des personnes ayant suivi les différentes routes : « j’ai transité par la

Hongrie, l’Autriche, la France et finalement je suis arrivé en Espagne sans aucun problème aux douanes » ou « on est arrivé tous les trois (avec ma femme et mon enfant) en passant par l’Italie en mettant deux jours »146.

Les stratégies de transport se sont enrichies avec l’apparition d’entreprises de transport artisanales qui rendaient le même service que les compagnies de bus mais au moyen de fourgonnettes147 pouvant transporter personnes et plus de bagages. Ainsi, on pouvait voir dans la gare routière de Castellón148 un grand nombre de fourgons et de gens qui venaient ou qui rentraient, qui attendaient un colis ou qui en envoyaient à leurs familles. Parfois ils amenaient des personnes en Espagne et repartaient en Roumanie seulement avec des colis. Toutes ces transactions se faisaient en lien direct avec la région de provenance du chauffeur et de ses clients. Les réseaux entre les Roumains de Castellón et les proches restés en Roumanie soutenaient une personne qui assurait le transport. Le chauffeur pouvait être un migrant à Castellón ou un habitant de Roumanie qui se spécialisait dans cette fonction. Le bouche à oreille entre ses voisins en Roumanie ou à Castellón assurait le succès de l’expédition.

146Témoignages pendant l’observation du terrain 2004-2010, Castellón de la Plana

147On distingue le mot « fourgonnette » dans la terminologie française et celle espagnole. En français, la

fourgonnette est une petite camionnette conforme à la définition du Dictionnaire Hachette Encyclopédique illustré. En Espagne, c’est un minibus de neuf places qui peut arriver à destination dans un temps inférieur à celui d’un bus, avec un temps de pause plus court pour le chauffeur, parfois elle transporte en même temps des paquets et des courriers et en général, la fourgonnette appartient aux particuliers et non pas à une grande compagnie de transport.

148Observation directe personnelle, dans le travail de relevés, en passant régulièrement par la gare routière au

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Figure 5. Exemple d’offre de transport de personnes et/ou des colis en fourgonnette entre les deux pays Source: www. Romaninlume.ro, R. Bucur, 2010

Toutes ces stratégies on bien fonctionné de 2002 à 2007 même si elles existent encore mais en moindre mesure. Leur déclin s’explique aussi par un meilleur niveau de vie des Roumains de Castellón.Depuis 2006, l’économie plus favorable a encouragé beaucoup d’entre eux à s’acheter une voiture pour assurer leur propre voyage en Roumanie. Ils recourent alors aux services du transport des colis seulement à l’occasion des fêtes lorsque la famille est éclatée entre l’Espagne et la Roumanie.

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