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Une brève présentation des tendances migratoires de l’Europe Centrale et de l’Est avant et après la chute du Mur de Berlin

régime communiste

1.2.1. Une brève présentation des tendances migratoires de l’Europe Centrale et de l’Est avant et après la chute du Mur de Berlin

La situation de l’Europe Centrale et de l’Europe de l’Est après la deuxième Guerre Mondiale avec la construction du Mur de Berlin crée une frontière impossible à traverser. Le cloisonnement des citoyens des différents Pays de l’Est est total jusqu’à 1989. Les seules migrations susceptibles d’être développées sont d’ordre interne entre les pays du bloc communiste. Les mobilités à l’étranger sont réduites au minimum. Pour remarquer les faibles tendances migratoires de ces territoires dans cette période il faut rappeler les différentes étapes par lesquelles sont passés leurs peuples. En accord avec les recherches de Marek Okolski56 il est possible de définir quelques caractéristiques des régimes totalitaires des pays de cette partie de l’Europe.

Avec la séparation de l’Europe en deux, les pays des parties centrale et orientales ont souffert la mise en place d’économies planifiées, les cloisonnements des frontières et les interdictions de sorties à l’étranger, surtout vers l’Europe de l’Ouest. La situation économique basée sur un système protectionniste avait pour principe d’offrir un emploi à tous les citoyens en état de travailler et un salaire stable. À l’heure de la chute du communisme et de l’ouverture des frontières, les économies de ces pays se sont déstabilisées et elles sont entrées dans une période de transition donnant aux habitants la possibilité d’émigrer comme une grande ressource à la survie.

Concernant les possibilités de mobilité, on peut noter quelques différences entre les peuples du centre de l’Europe et ceux de l’est. Le degré de restrictions s’accentue en allant vers l’est. L’exemple des Polonais ou des Hongrois est significatif.

56OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ».

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Dans les années soixante « dès que les obstacles majeurs à la mobilité entre les pays du Pacte de Varsovie ont été surmontés »57 les habitants ont pu organiser un petit commerce transfrontalier avec l’Allemagne de l’Est (RDA).

Dans ce contexte, les frontières prennent un aspect dual, à la fois obstacle et ressource. Se développe alors « un tourisme » d’achats réservés surtout aux produits de consommation courante, revendus parfois aux ressortissants des autres pays socialistes plus à l’est. C’est aussi le cas de la Roumanie autour de la frontière avec la Hongrie et l’actuelle Serbie. Cette « libre circulation est-européenne»58 peut être considérée comme la seule possibilité de mobilité développée dans un territoire dirigé par des régimes restrictifs. Elle prend la forme d’une petite économie de bazar59 la vente des marchandises se faisant sur les trottoirs proches des gares ou devant des magasins fermés.

Après la chute du Mur de Berlin, quand les frontières ont été ouvertes, le panorama des migrations est-ouest s’est amplifié et les modalités de mobilités se sont diversifiées : des circulations transfrontalières à but commercial, des voyages touristiques organisés vers l’occident si attractif, des migrations temporaires de travail etc. Les craintes des pays occidentaux d’une migration massive de l’est européen n’étaient pas justifiées: « déjà dans les années 1992-1993 la migration a commencé à diminuer »60 et la migration définitive s’est transformée en migration temporaire grâce aux facilités de circulation.

En fonction de l’adaptation et de l’adoption de la politique de transition, des changements économiques et sociaux pour chaque pays situé à l’est du Mur de Berlin on observe des situations différentes dans le domaine des migrations. Dans l’ensemble les mouvements de populations de l’est vers l’ouest se diversifient. Par exemple, les Polonais émigraient en Autriche, Allemagne, Belgique, Italie et dans le même temps, leur pays recevait des immigrants d’Ukraine, de Russie. Pendant la période de transition entre 1988 et 199861, les pays changent de profil migratoire. C’est le cas de la République Tchèque et de la Hongrie qui deviennent des pays d’immigration, par contre, la Slovaquie garde un équilibre entre les arrivées et les sorties.

57ALLAN, William et BALA, Vladimir. « Mobilité internationale en Europe centrale touristes, commerçants

et migrants ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2002, Vol. 18, n°1, p. 37-65

58MOROKVASIC-MULLER, Mirijana. « La mobilité transnationale comme ressource: le cas des migrants

de l'Europe de l'Est ». Cultures et Conflits. 1999, n°33-34, p.1-13

59Idem, ibidem

60OKOLSKI, Marek. « Ultimas tendencias y principales temas de las migraciones internacionales:

perspectivas de Europa Central y del Este ». Revista Internacional de Ciencias Sociales. Septiembre 2000, n°165, p.78-92

61OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ».

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La Roumanie devient nettement un pays d’émigration, le premier sur la liste des pays émetteurs selon le rapport de l’OCDE62.

Le régime totalitaire de Ceauşescu a suivi le modèle staliniste du socialisme63 qui, au fur et à mesure, s’est transformé en dictature. Parmi les mesures prises pour limiter l’émigration: la fermeture des frontières et l’impossibilité d’avoir un passeport furent déterminantes. De plus, la disparition de la propriété privée, la création des coopératives agricoles par le regroupement des terres agricoles confisquées aux paysans, l’interdiction d’une économie de marché et la forte industrialisation impliquaient une puissante migration interne de main d’œuvre des villages aux villes. Tout était surveillé par la présence de la police politique (Securitate) qui développait un contrôle absolu sur les citoyens. La situation économique très dure surtout dans les années quatre-vingt avec un niveau de vie peu élevé, des salaires très bas, des produits de consommation rationnés et beaucoup d’exportation enfermaient la population dans la misère et l’immobilité.

La situation des mobilités au sein du régime de Ceauşescu était très compliquée et très limitative. Des contingents assez réduits de migration de travail et dans des conditions institutionnelles, très rigides étaient déterminés en accord avec les états récepteurs. Les formes de migration en dehors de ces cas étaient considérées comme anti- gouvernementales. C’était une « migration politique »64 et les personnes entraînées dans ces mobilités risquaient leur vie en franchissant clandestinement la frontière. Elles demandaient l’asile politique dès qu’elles arrivaient dans un territoire occidental.

La mobilité des étudiants qui voulaient perfectionner leurs études, s’orientait vers la France. À l’époque du communisme, les étudiants étaient plutôt envoyés en URSS. Notons que les migrations de travail à l’époque de Ceauşescu étaient très contrôlées par l’Etat. Il y avait des accords signés avec les pays recevant des travailleurs roumains ainsi avec les pays d’Afrique, du Moyen Orient65 et évidemment de Russie66. Une autre curiosité dans le régime de mobilités pendant cette période apparaît dans les migrations des communautés ethniques : les Juifs et les Allemands.

62ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. International

Migration Outlook. Annual Report 2006. Paris : OECD, 2006, p.328 in OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ». CIDOB D'Afers Internacionals. Diciembre 2008, n°84, p. 17

63MARCU, Silvia. « El proceso de transición política en Rumania: herencias y realidades postcomunistas ».

Revista Electrónica de Estudios Internacionales. 2003, n°7, p.1-41

64NEDELCU, Mihaela. Le migrant online : Nouveaux modèles migratoires à l'ère du numérique. Paris:

L'Harmattan, 2009.323 p (citation p.88)

65Idem, ibidem

66VIRUELA-MARTINEZ, Rafael. « El recurso de la emigración. Balance durante la transición en

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Le cas de la communauté juive roumaine, « l’Aliya roumaine »67 terme religieux qui désigné la montée, l’ascension68 faisait référence à l’immigration juive en Israël. Dans l’année 1930, elle comptait 756 930 personnes et arrivait en troisième rang après la Pologne et l’URSS. Les Juifs provenant des territoires d’ex-URSS comptant plus de 900 000 personnes représentent une des vagues migratoires les plus significatives pour la consolidation de l’Etat d’Israël. Entre 1970 et 1974, en arrivant à Vienne comme ville de triage, une partie des Juifs a choisi d’émigrer vers les Etats-Unis et le Canada. Les Juifs traditionalistes provenant de la Géorgie et des territoires de Caucase ont suivi la route vers Jérusalem. En 198869 les autorités soviétiques leur accordaient des visas seulement pour Bucarest. Avant même cet évènement, la Roumanie a constitué un point important d’émigration juive. À la fin de 1977, il ne reste que 24 667 Juifs70, car les autres ont poursuivi leur migration vers Israël. La présence juive en Roumanie s’étendait dans tout le pays mais avec des communautés plus concentrées au sud et à l’est. La politique de Ceausescu encourageait la migration de la communauté juive par un échange financier (entre 2000 et 50 000) dollars. Le paiement assuré par Israël variait « en fonction de l’âge, l’éducation et la profession de la personne autorisée à émigrer »71.

Les Aussiedlers, nommés ainsi par l’Allemagne dans la « Loi sur les réfugiés et les personnes déplacées »72 sont les immigrés d’origine allemande issus de Pologne, d’URSS et de la Roumanie s’installant en Allemagne. Ils ont réussi à retourner dans leur pays pendant les années 60 grâce à un accord de regroupement familial et par l’intermédiaire de la Croix Rouge. Vers les années soixante-dix, la politique de migration de Ceauşescu commence à prendre la même tournure que dans le cas de la communauté juive.

67DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une

intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 (citation p.64)

68BERTHOMIERE, William et CHIVALLON, Christine. « Les enjeux du retour en Israël ». Les diasporas

dans le monde contemporain, 2006, p. 317-336,url :

http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/18/57/74/PDF/WILLIAM_BERTHOMIERE_Les_enjeux_du_retou r_en_Israel_pour_HAL_SHS.pdf, consulté le 02.04.2010

69BERTHOMIERE, William et CHIVALLON, Christine. « Les enjeux du retour en Israël ». Les diasporas

dans le monde contemporain, 2006, p.317-336 (citation p.325) url :

http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/18/57/74/PDF/WILLIAM_BERTHOMIERE_Les_enjeux_du_retou r_en_Israel_pour_HAL_SHS.pdf, consulté le 02.04.2010

70CAZACU, Matei. « La disparition des Juifs de Roumanie ». In: Matériaux pour l'histoire de notre temps.

2003, N. 71.p.49-61 (citation p.60) url :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mat_07693206_2003_num_71_1_920, Consulté le 01 avril 2010

71Idem, ibidem

72POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. Paris: L'Harmattan,

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L’accord Ceauşescu-Schmidt73 entre la Roumanie et la République Fédérale d’Allemagne fixe une indemnité payée par l’état allemand pour chaque citoyen autorisé à sortir de Roumanie. Par cet accord « il a été convenu le départ vers l’Allemagne de 12 000 Roumains d’origine allemande contre une prime de 10 000 DM»74. A partir de cette période les migrations des Allemands qui habitent en Roumanie s’intensifient et continuent après 1989.

En fonction de la région historique roumaine où ils habitaient, les membres de la communauté allemande roumaine portaient des noms différents: les Souabes du Banat et des Maramures et les Saxons de Transylvanie. Au moment de leur retour en Allemagne ils ont aidé à établir des réseaux migratoires entre les deux pays. Pendant la dictature en Roumanie ces liaisons fonctionnaient essentiellement pour les informations administratives, « des stratégies de sorties » et comme support financier pour ceux qui se risquaient àretourneren Allemagne grâce aux accords bilatéraux. Après 1989 les relations se sont intensifiées et ces accords ont servi de support pour les migrations roumaines vers l’Allemagne.

Les Saxons de Transylvanie ont développé, après la chute de la dictature communiste, des mobilités qui font dire à Bénédicte Michalon que: « La circulation est l'occasion d'une ouverture de la migration saxonne à des migrants autres que saxons»75. Ils ouvrent la voie et les orientations des migrations roumaines après 1989.

Le peuple roumain ayant vécu dans l’impossibilité de sortir de son pays pendant la dictature et plongé dans une situation économique très précaire s’est orienté vers la solution qui semblait la plus efficace pour sa sauvegarde : la migration. Même si au début, les Roumains étaient motivés par la curiosité de découvrir un monde interdit jusque-là, les difficultés économiques de la Roumanie ont transformé cette curiosité initiale en nécessité vitale.

73DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une

intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 (citation p.67)

74Idem, Ibidem

75MICHALON, Bénédicte, « Circuler entre Roumanie et Allemagne », Balkanologie, Vol. VII, n° 1 | juin

2003, [En ligne], mis en ligne le 18 février 2009. URL : http://balkanologie.revues.org/index466.html. Consulté le 01 avril 2010

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