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Deuxième partie

2. Nouvelles configurations territoriales des migrants roumains à Castellón de la Plana roumains à Castellón de la Plana

2.1. Les réseaux comme stratégies de mobilité

2.1.2. Les familles et les amis sur le chemin des réseaux religieu

Si les réseaux adventistes ont ouvert la voie aux Roumains de Castellón, le facteur religieux a perdu de son importance quantitative en évoluant vers la construction de réseaux par la famille. Les relations familiales sont devenues des éléments clés pour l’extension de la présence roumaine dans cette ville. La population vient de toute la Roumanie mais avec une prédominance du département pionnier, Dâmboviţa et elle est majoritairement orthodoxe. La situation économique de Târgovişte, ville industrielle en déclin, provoquant beaucoup de licenciements, contribue à la décision des familles de migrer vers Castellón. L’esprit pionnier dans la migration vers la France à Nice186, des jeunes de Târgovişte peut constituer un indicateur de leur esprit ouvert à la construction des champs migratoires. Il s’agit des migrants roumains provenant de cette ville qui ont entrepris leur projet migratoire en France dans la région de Nice. Selon les recherches de Swanie Potot, une partie de ces migrants sont retournés en Roumanie et d’autres ont émigré vers l’Angleterre ou vers l’Espagne, quand les conditions de survie sont devenues plus difficiles.

185VLAICU, Patriciu. « Les cultes de Roumanie ». In : Représentation de l'Eglise Orthodoxe Roumaine

auprès des Institutions Européennes [En ligne], Disponible sur :

< http://www.orthodoxero.eu/pages/home/documents/les-cultes-de-roumanie.php> (consulté le 16 Juin, 2010)

186POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. L'Harmattan. Paris,

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Ainsi, à cause de la situation économique mauvaise et grâce aux réseaux construits sur une base religieuse et/ou familiale les populations roumaines en général et de Dâmboviţa en particulier se sont dirigées vers Castellón. Les enquêtes révèlent un nombre important de personnes mariées qui ont emmené leur famille à Castellón de la Plana.

Divorcés Célibataires

Mariés

En couple Séparés

Graphique 6. Les situations des ménages installés à Castellón de la Plana. Source : Enquêtes 2008-2009. R. Bucur, 2010

Les types de ménages seront analysés par la suite mais l’essentiel de ce graphique représente le nombre (majoritaire) des personnes mariées qui se sont installées à Castellón de la Plana, avec leurs familles. Parmi les personnes mariées on trouve un effectif de 47 couples sur 53 mariés qui ont des enfants et qui les ont emmenés avec eux pour vivre dans cette ville. Il y a aussi des familles qui ont des enfants en Roumanie et d’autres vivant alternativement dans les deux pays. Pour mieux comprendre la construction du champ migratoire entre les deux pays il est intéressant de savoir comment ces familles sont arrivées à Castellón. Etant donné la structure familiale de chaque enquête, il est intéressant de savoir les stratégies adoptées pour arriver en Espagne en fonction de la législation et aussi de reconnaître les routes et les moyens de transports choisis.

Grâce à des entretiens prolongés nous avons découvert qu’une majorité de personnes sont arrivées avant la suppression du visa Schengen pour les Roumains. Nous observons que la présence roumaine à Castellón s’est amplifiée à partir de 2002.

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La facilité pour entrer dans l’espace Schengen après le 1 janvier 2002 est offerte à la majorité des personnes de classe moyenne de Roumanie. Par contre, les personnes plus pauvres ne peuvent même pas avoir cette opportunité. Mais l’aspect temporel avant cet événement est important par l’originalité des stratégies utilisées. Divers cas se présentent sur les stratégies employées pour recevoir le visa grâce à des intermédiaires connaissant des personnes dans les institutions spécialisées dans les visas Schengen. Il est étonnant mais en même temps logique, d’observer une diminution du prix des visas à l’approche de l’année 2002. Les personnes qui négociaient les transactions des visas étaient conscientes des rumeurs sur leur suppression prochaine et de la disparition de ce marché. Un autre fait très particulier est la destination pour laquelle le visa était délivré et la destination réellede la trajectoire migratoire.

L’autre aspect très important dans le cas de la migration des familles est le déroulement du regroupement familial qui entraîne beaucoup de dépenses. Il y a des différences notables entre le coût de l’arrivée de la première personne du ménage et le coût du reste de la famille regroupée. Celui qui arrive le premier à Castellón a des contacts par ses voisins ou par la famille plus lointaine, comme des cousins. Il y a toujours quelqu’un pour loger le premier venu : « Ce qui comptait au début c’est que je connaissais quelqu’un

qui pouvait m’héberger. Après c’était le souci de trouver du travail, je suis parti à l’aventure, comme beaucoup d’autres. Je suis venu la première fois en 1999 chez un cousin qui était venu chez un ami qui nous a hébergés tous »187. Après « être installés » ils

font venir les membres de leur famille directe : conjoint, parents, enfants. Les personnes pionnières installées et interrogées sont logées chez des amis ou collègues de travail ou voisins. Ensuite ils forment leurs propres réseaux en amenant des membres de la famille. Le plus difficile est de regrouper les enfants : « pour les enfants il fallait payer plus cher

car le voyage d’un mineur non-accompagné comportait plus de risques par rapport aux douaniers. Pour mon fils qui est arrivé tout seul à 14 ans en 2001, j’ai dû payer 1500 dollars pour un visa vers l’Autriche valable une semaine. Le visa était celui des sportifs qui avaient une compétition, c’est ainsi qu’il a réussi à nous rejoindre »188.

187Témoignage d’une personne (le mari) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants

installés à Castellón de la Plana » provenant de la Munténie

188Témoignage d’une personne (la femme) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants

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La trajectoire familiale est d’abord masculine et puis les femmes et les enfants viennent quand la situation du père est stabilisée mais le mode de regroupement familial est d’ordre plutôt territorial.

Cet aspect veut expliquer qu’il ne s’agit par d’un regroupement d’ordre juridico- administratif, les épouses et les enfants entrent avec un visa acheté pour l’espace Schengen avec la destination de Castellón où ils retrouvent leurs maris ou leurs pères.

Voici un autre témoignage d’une femme dont la fille est venue pour quelques années vivre avec ses parents. Cette fille a décidé ensuite de retourner en Roumanie avec son mari (elle s’est mariée en Espagne avec un jeune roumain): « premièrement mon mari

est arrivé en Italie parce qu’il avait acheté un visa pour l’Italie ; il a payé 1000 dollars. Nous nous sommes procuré l’argent pour le visa par la vente d’une vieille maison. Il a reçu son visa directement dans le passeport de la personne qu’il a payée. Il a voyagé en Italie par le bus ; comme là-bas il n’a pas trouvé de travail il s’est dirigé vers l’Espagne avec un ami rencontré en Italie. Ce dernier connaissait quelqu’un à Castellón et c’est pourquoi il a choisi cette destination. Après quelques mois je suis arrivée à mon tour à Castellón, il m’avait envoyé de l’argent pour acheter aussi un visa pour l’Italie et je suis venue en bus. L’année suivante en 2001 nous avons réussi à faire venir notre fille en payant encore 1500 dollars pour son visa. C’était beaucoup plus difficile que pour ceux qui arrivent maintenant avec 100 euros ».

Ce qui est étonnant est aussi le fait que beaucoup de personnes se dirigent à Castellón alors que très peu peuvent avoir un visa Schengen pour l’Espagne. Parmi les entretiens approfondis réalisés avec les familles, nous avons rencontré seulement deux personnes qui sont entrées avec le visa espagnol. Une de ces personnes a témoigné : « je

suis venu en 1999 avec un visa pour l’Espagne pour lequel j’ai payé 1000 dollars. Je l’ai obtenu par une personne qui connaissait quelqu’un à l’Ambassade »189. Il y a d’autres cas

intéressants de personnes qui sont venues avec des visas Schengen pour des pays plus ou moins proches de l’Espagne comme la Belgique, la Grèce ou la France. « Je suis venu la

première fois en 1999 avec un visa pour la France (d’un mois) pour lequel j’ai payé 1200 dollars ; c’était une personne de la région qui avait sa femme en France. Celle-ci m’a envoyé une invitation pour obtenir le visa. Je suis parti avec d’autres amis en bus pour la France, et de Paris nous sommes arrivés en train à Barcelone et de là-bas, en bus à Castellón de la Plana. Après un mois, je suis retourné car je n’avais pas trouvé de travail.

189Témoignage d’une personne de la typologie « Famille installée à Castellón de la Plana avec le conjoint et

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Ma femme est partie en 2000 avec un visa français aussi, par l’intermédiaire de la même personne au même prix. Elle est partie avec un ami chez le beau-frère de cet ami.

Nous avions confiance en lui, nous le connaissions bien. Après avoir trouvé du travail elle m’a envoyé de l’argent pour que je revienne. Cette fois-ci j’ai réussi à partir grâce à une excursion comme membre de la compagnie d’assurance de Roumanie : l’Automobile Club Roumain et j’ai payé seulement 400 dollars pour le voyage »190.

190Témoignage d’une personne (le mari) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants

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Carte 15. Les stratégies des familles interrogées pour arriver à Castellón de la Plana avant 2002. Source : Les entretiens 2008-2009, R. Bucur, 2010

Les modes d’acquisition du visa Schengen varient considérablement d’une région à l’autre en Roumanie. Par exemple, les tactiques et le marché des visas fonctionnent plutôt dans les départements du sud de la Roumanie.

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À partir des entretiens avec des familles provenant du nord nous avons saisi l’utilité des relations transnationales qui ont participé à la construction de leur champ migratoire vers l’Espagne et ensuite Castellón : « mon mari est venu en Espagne en 2000 avec un visa

d’Allemagne. Il a reçu le visa car on a de la famille qui habite en Allemagne et qui nous a fait une invitation. D’abord mon mari est allé à Madrid chez son frère, il a travaillé très dur dans une carrière de pierre, puis à la cueillette des raisins grâce à l’aide du frère d’un collègue de travail roumain. Après trois mois de séjour en Espagne, moi aussi je me suis décidée à partir. J’avais entendu que le gouvernement voulait faire une loi de fermeture des frontières. Alors, j’ai demandé à mes proches d’Allemagne de m’aider car il devenait difficile de partir même avec l’invitation. Comme ils sont venus passer les vacances en Roumanie, ils m’ont apporté l’invitation, j’ai réussi à avoir le visa et je suis sortie du pays avec eux. On est allé en Allemagne d’abord et ensuite ils m’ont emmenée en voiture jusqu’à Barcelone. Je suis montée dans un bus et je suis partie à Madrid rejoindre mon mari. Après deux mois de travail dans le vignoble on est partis tous les deux à Castellón grâce à l’argent qu’on avait gagné. A Castellón on avait entendu dire qu’il y avait du travail et on avait de la famille qui pouvait nous héberger. Notre fils est venu en 2002 sans visa, je suis allée en Roumanie et je l’ai ramené »191.

Les trajectoires migratoires des personnes interrogées sont révélatrices de la construction du champ migratoire entre la Roumanie et directement à Castellón de la Plana dans la plupart des cas. Ces itinéraires étaient réalisés au moyen des transports terrestres. Le plus utilisé était l’autobus qui prenait la route par l’Allemagne ou par l’Italie. Les deux routes comprenaient des différences en fonction du temps ou du coût. Le trajet par l’Italie était plus court mais plus cher, tandis que par l’Allemagne, l’autoroute était gratuite. L’avion était un moyen de transport très cher et incertain à cause des contrôles et des enregistrements dans les aéroports.

Pour conclure nous pouvons faire un récapitulatif sur les stratégies d’arrivée à Castellón de la Plana à partir des réseaux adventistes dans un premier temps et la construction d’un véritable champ migratoire des familles roumaines par la suite. L’avantage de connaître quelqu’un dans la société d’installation est la première raison pour choisir cette ville. La circulation des informations facilite la consolidation des itinéraires migratoires qui évoluent très vite après 2002.

191Témoignage d’une personne de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants installés à

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