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Libéralisation des échanges en présence de rigidité sur le marché du travail

Pays en développement Pays développés

SECTION 2 : Le modèle de Sébastien Edwards (1988)

2.3 Libéralisation des échanges en présence de rigidité sur le marché du travail

L’introduction de la rigidité des salaires donne à l’analyse précédente plus de réalisme, ce qui est le cas pour les PED où les marchés du travail sont généralement rigides en termes de salaire.

2.3.1 Rigidité des salaires dans l’ensemble de l’économie

Considérons le cas d’un salaire minimum dans l’ensemble de l’économie exprimé en termes de prix du bien exportable et qu’initialement il n’y a pas de chômage.

Dans ce cas et à court terme, quand le capital est immobile, la baisse du prix relatif du bien importable entraîne un chômage qui correspond à la distance FG (graphique 4). Ce chômage est interprété comme le coût d’ajustement à court terme, qui tend à disparaître quand le capital peut se déplacer entre les secteurs à moyen et à long termes.

A long terme, quand le capital peut se déplacer entre les secteurs, les résultats du théorème de Stolper-Samuelson sont maintenus.

Quand le prix du bien importable baisse, les salaires réels en termes de prix des autres biens augmentent. Comme le capital se déplace du secteur importateur vers les autres secteurs, le chômage va baisser jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement. La situation de long terme se caractérise par le plein-emploi et par des salaires réels plus élevés.

2.3.2 Rigidité des salaires dans un secteur particulier: le secteur

importateur

Considérons le cas où il y a une source de rigidité des salaires dans un secteur spécifique, par exemple, il existe un salaire minimum qui contraint seulement les secteurs manufacturiers.

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Supposons que le salaire minimal obligatoire s’applique seulement dans le secteur importable et qu’il soit efficace, avant la libéralisation commerciale, dans le niveau d’équilibre initial de l’emploi. La réduction du prix relatif du bien importable entraîne un déplacement de la demande de travail dans ce secteur à court terme vers le bas (c’est à dire avec l’immobilité du capital à travers les secteurs). Il y aurait donc une baisse de l’emploi dans ce secteur, étant donné la constance du salaire nominal. Les changements dans les secteurs non restreints (exportateurs et non échangeables) suite à la libéralisation des échanges, pourraient être qualitativement similaires à ceux en absence de n’importe quelles rigidités de salaire.

L’augmentation du prix du bien dans le secteur exportateur et non échangeable relativement au prix des biens importables augmente la demande d’emploi dans ce secteur, mais avec un stock de capital fixe, les salaires tendent forcément vers la baisse relativement au prix du bien exportable et non échangeable. L’emploi dans le secteur exportateur augmente sans ambiguïté, mais dans le secteur non échangeable il y a des pressions contradictoires. La baisse du salaire tend à augmenter l’emploi (c’est à dire qu’elle cause un mouvement vers le bas de la fonction de demande d’emploi), mais la baisse du prix du bien non échangeable induite par la libéralisation des biens importés change aussi la fonction de demande d’emploi, l’emploi du non échangeable peut être inférieur ou supérieur, tout dépend de l’ampleur relatif de ces deux influences.

A long terme, le capital pourra se déplacer du secteur importateur vers les secteurs exportateurs et non échangeables. L’équilibre de long terme pourra être caractérisé donc par un emploi et des salaires plus élevés à court terme dans les secteurs exportateurs et non échangeables. Si à long terme le niveau du salaire relatif est plus élevé qu’à son niveau de pré-libéralisation des échanges, étant donné leur baisse à court terme, ceci reste ambigu. Par définition, le salaire minimum dans les secteurs importateurs restera constant suite à la libéralisation des importations. Puisque le prix des biens exportables est considéré comme constant (le prix mondial est exogène), alors le salaire relatif reste aussi constant à court et à long terme suite à la libéralisation. Mais le prix des biens non échangeables tend à baisser suite à la libéralisation des importations, et le salaire réel dans le secteur importable (exprimé par rapport au prix des biens non échangeables) augmente à court et à long terme (Milner et Wright, 1998).

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L’analyse de S. Edwards est dirigée dans un contexte relativement simple. Cependant, l’analyse tient compte d’un nombre de caractéristiques générales typiques d’une économie en voie de développement (la rigidité du marché du capital, un secteur importateur intensif en capital, des rigidités sur le marché du travail) et permet d’analyser les effets de court et de long termes de la libéralisation des échanges ou en d’autres termes, les effets de la baisse du prix relatif des biens importables. Elle établit qu’à court terme la libéralisation des échanges entraînent du chômage, mais qu’à long terme elle aura des retombées positives sur le marché du travail dans la mesure où il y aura une augmentation de l’emploi et des salaires.

La libéralisation des échanges a modifié la structure de production et la réallocation des facteurs entre les secteurs. La production et l’emploi augmentent dans le secteur exportateur et baissent dans le secteur importateur.

Le modèle de S. Edwards présente des limites dans la mesure où il ne tient pas compte de l'hétérogénéité des secteurs et des facteurs, du commerce des biens intermédiaires et des effets liés à l’accumulation du capital. Il fait abstraction des effets du rendement du capital où il est prédit que les effets à court terme sur les salaires pourront être sensibles à la possibilité d’une augmentation du stock de capital à travers l’investissement direct étranger, de même l’hypothèse d’une offre fixe des facteurs est très restrictive. Par ailleurs, malgré le dépassement de certaines hypothèses du modèle HOS, le modèle de S. Edwards reste étroitement lié à l’explication traditionnelle des effets de la libéralisation des échanges extérieurs.

CONCLUSION

Dans l’approche néoclassique de la théorie du commerce international nous pouvons conclure l’effet de la libéralisation des échanges extérieurs sur le marché du travail dans les pays en développement, d’une part, selon une théorie de long terme du modèle HOS, et d’autre part selon une théorie de court et de long terme du modèle de S. Edwards (1988).

Dans ce chapitre nous avons étudié deux modèles qui traitent l’effet de la libéralisation des échanges extérieurs sur le marché du travail : le modèle HOS et le modèle d’Edwards.

Le modèle HOS adopte une approche à long terme, il illustre dans un cadre de concurrence pure et parfaite avec absence de mobilité internationale des facteurs entre pays, que l'accroissement du commerce international entraine la hausse du prix relatif d’un bien pour lequel le pays a un avantage comparatif et que cela augmentera le revenu réel du facteur

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utilisé intensément dans la production de ce bien tandis qu’il fera baisser le revenu réel de l’autre facteur. Et par conséquent, les inégalités salariales diminuent dans les PED et augmentent dans les PD.

Paul A.Samuelson est l'auteur du théorème de l’égalisation des facteurs qui s'inscrit dans le cadre du modèle de Heckscher-Ohlin. Ce théorème stipule que le commerce international en égalisant les prix des biens finit par égaliser les prix des facteurs de production. Le commerce international est alors un substitut à la mobilité internationale des facteurs. Il montre dans ce théorème une égalisation des rémunérations du travail non qualifié et du travail qualifié conformément à certaines hypothèses (chapitre I, 1.3.4 conclusion). La parfaite mobilité du facteur travail à l’intérieur du pays assure la réallocation et la spécialisation intersectorielle, et la flexibilité des salaires garantit que le salaire réel dans les pays en développement et développés a tendance à converger jusqu’à un écart négligeable.

D’un côté, dans cette approche néoclassique de la théorie du commerce international, le modèle HOS produit un cadre robuste pour analyser les effets de l’échange international sur le marché du travail. Mais d’un autre côté, ce modèle souffre de certaines défaillances, en négligeant la rigidité des marchés du travail et du capital, les effets du commerce international à court terme et les écarts technologiques, qui ne semblent pas avoir d’effet et de rôle dans son analyse sur l’utilisation de certaines hypothèses jugées comme fortes. En fait, la réalité est plus complexe que ce que présente le modèle HOS.

Le modèle de S. Edwards (1988) complète l’apport de HOS car en plus du long terme il traite le court terme. Il a cherché l’effet de l’ouverture commerciale sur le marché du travail dans les PED. En effet, S. Edwards distingue dans son analyse les effets de court terme et de long terme de la libéralisation du commerce extérieur, et il donne à son analyse plus de réalisme en introduisant la rigidité des salaires dans le marché du travail du PED. Le modèle de S. Edwards est un prolongement de la théorie traditionnelle.

A long terme, dans le secteur exportateur, les biens sont intensifs en travail ce qui fait que la baisse des prix des bien exportables va engendrer la hausse de la demande du travail et donc l’augmentation des salaires. D’après S. Edwards la production et les salaires augmentent dans le secteur exportateur mais diminuent dans le secteur importateur. Concernant le secteur non échangeable, le changement de l’emploi est ambigu vu qu’il y a des effets opposés sur ce dernier à long terme. En effet, l’impact de la libéralisation des échanges sur l’emploi dépend de la production du bien non échangeable, s’il est intensif en travail ou en capital.

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A court terme, suite à l’ouverture commerciale, les salaires relatifs au prix domestique des biens importables augmentent et les prix des biens exportables et non échangeables baissent. Néanmoins, la fluctuation du salaire réel est ambiguë, ceci va dépendre de l’importance relative des biens exportables, importables et non échangeables dans l’assiette de la consommation locale.

Malgré la prise en compte de certaines nouvelles hypothèses dans l’analyse de S. Edwards, le modèle présente encore des faiblesses et ne permet pas de donner une explication suffisante de l’effet de l’ouverture commerciale sur le marché du travail, il reste lié aux explications traditionnelles.

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Chapitre II

LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES ÉXTÉRIEURS ET