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CHAPITRE 3. L’EXPÉRIENCE D’IMMIGRATION

3.2 L’ EXPÉRIENCE D ’ IMMIGRATION

3.2.5 Les perceptions du phénomène de resocialisation

3.2.5.2 Les stratégies comportementales : Entreprendre des relations

Après avoir pris connaissance des perceptions relatives à la notion de resocialisation dans le pays d'accueil, je m'intéresse dans les prochains paragraphes à savoir comment elles se traduisent dans les interactions quotidiennes des immigrants et quelles sont les stratégies comportementales adoptées par chacun pour réussir ses relations avec les Québécois. À partir de leurs propres expériences, mes répondants ont formulé des conseils qu'ils donneraient à leur tour à un nouvel immigrant.

Trois stratégies comportementales susceptibles de favoriser la réussite de la resocialisation dans le milieu québécois ont été évoquées : aborder les Québécois, agir avec courtoisie et honnêteté et veiller au respect mutuel des différences culturelles.

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3.2.5.2.1 Aborder les Québécois

En parlant des relations avec la communauté d'accueil, certains immigrants ont souligné la nécessité de faire les premiers pas sans toutefois brusquer les gens. Ils estiment que les relations doivent prendre le temps d'évoluer progressivement.

C'est à nous d'aller vers les Québécois et non pas attendre qu’ils nous abordent, car ils sont généralement peu sociables. Mais, il ne faut pas brûler les étapes. Par exemple, il ne faut pas aborder des questions très personnelles dès les premières rencontres. Les Québécois sont de caractère méfiant et il faut laisser du temps pour qu'une relation de confiance s'installe, déclare Kamel.

3.2.5.2.2 Agir avec courtoisie et honnêteté

Pour beaucoup de répondants, la courtoisie est le mot d'ordre dans les interactions avec les Québécois. Ces derniers sont très courtois et s'attendent à ce que les autres le soient également. Il faudrait passer les messages de manière souple et raffinée. Il faut éviter d'offenser son interlocuteur. « À titre d'exemple, précise Zied, pour critiquer les propos d'une personne ou marquer son désaccord avec elle, il faudrait dépersonnaliser le message et viser les idées plutôt que la personne ».

De même, il est selon eux important de faire preuve d'honnêteté et de franchise pour gagner la confiance des Québécois. Ce sont des qualités indispensables pour réussir ses relations sociales. « Ces valeurs sont primordiales dans le milieu québécois. Si une personne ment une fois, on ne lui fera plus confiance et sa crédibilité est entachée », asserte Jalel.

3.2.5.2.3 Veiller au respect mutuel des différences culturelles

Les immigrants soulignent qu'il faut toujours se rappeler que l'on s'adresse à des personnes dont la culture est différente. Il faudrait donc surveiller ses propos et éviter d'être trop spontané dans ses réactions. Certains comportements ou paroles peuvent être interprétés dans un sens différent par les Québécois. L'excès de

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spontanéité risque de provoquer des malentendus dont l'immigrant pourrait bien se passer. Dans le même ordre d'idée, une immigrante mentionne qu'il y a une distance physique à respecter dans la culture québécoise et que le toucher est quasiment interdit, ce qui n'est pas le cas en Tunisie. L'immigrant doit alors se conformer à ces conventions sociales lors de ses interactions avec les Québécois.

Une autre immigrante déclare qu'elle ne parle jamais d'un Québécois dans son dos. Elle dit avoir compris que tout se répète entre les Québécois, que ce soit avec bonne ou mauvaise intention. Donc, lors d'une conversation de groupe, lorsqu'on parle d'une personne absente, soit qu'elle ne participe pas à la discussion ou qu'elle évite de dire du mal de cette personne même si elle le pense.

Pour ce qui est de l'attitude globale des immigrants à l'égard des différences culturelles, les participants précisent qu'il est important de s'ouvrir aux idées et perceptions de la société d'accueil. Il ne faut pas juger les phénomènes sociaux avec son propre cadre de référence, il faut se rappeler que les gens peuvent avoir des modèles de pensée et de comportement différents. Il faut accepter ces différences telles qu'elles sont. Certaines personnes racontent qu'elles font toujours l'effort de réfléchir aux différences remarquées pour en trouver les explications historiques et sociales.

Ce sujet a été longuement discuté avec l'immigrant tunisien marié à une Québécoise. C'est le participant qui est confronté de plus près à la culture locale et qui vit une plus grande pression d'adaptation. Il déclare être très respectueux des convictions religieuses de sa femme, bien que cela contredise parfois ses propres convictions. Il est conscient que la culture religieuse est tellement ancrée dans la personne qu'elle ne peut changer du jour au lendemain.

Malgré toutes les différences, la cohabitation avec sa femme se passe parfaitement. Cependant, concernant l'éducation religieuse de leur futur enfant, il tient avec force à certains principes de sa religion comme la circoncision.

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Il y a certaines choses qui ne sont pas négociables pour moi. Par exemple, le jour où j'aurai un fils, il sera impérativement circoncis comme tous les musulmans. Ma femme le sait déjà et elle doit le tolérer. Comme moi, je tolère qu'elle installe son sapin de Noël, par exemple, cela ne me dérange pas. Dans un couple, chacun doit respecter les croyances de l'autre. Je suis reconnaissant qu'au mois de Ramadan, elle ne mange pas dès qu'elle rentre à la maison, elle m'attend pour manger au coucher du soleil. Cela dit, je suis conscient qu'on risque d'avoir plus de difficultés le jour où on aura des enfants.

Ainsi, pour tous les participants, l'ouverture et la tolérance envers la culture hôte ne sont pas synonymes d'effacement ou d'abandon de leurs valeurs culturelles. Au contraire, la plupart des immigrants assument leur différence et exigent le respect de la communauté hôte. Ils ne cherchent pas à cacher leurs rituels culturels ou religieux. Plus encore, ils pensent qu'ils doivent faire connaitre leur culture et en transmettre une bonne image qui rompt avec les stéréotypes. Ils estiment qu'il est important de parler de leur culture aux Québécois parce qu'ils l'ignorent. Il faut leur expliquer les différences pour qu'ils les comprennent et puissent les respecter. D'après plusieurs répondants, c'est le meilleur moyen de démolir les stéréotypes.

Dans le cas d'autres participants, bien qu'ils soient d'accord avec le principe de faire connaître leur culture, ils estiment que cela ne peut se faire en toutes circonstances. Tous les Québécois n'ont pas la même réceptivité ni la même ouverture et c'est pourquoi, avec certains, il vaut mieux se faire discret et ne pas trop afficher sa différence.

En guise de conclusion, j'ai exposé dans ce chapitre une analyse des propos portant sur l’expérience d’immigration en tant qu'expérience socioaffective et interculturelle. En dressant un portrait du contexte général dans lequel les immigrants sont immergés et en cernant la perception qu’ils ont de leur environnement, j’espère apporter un éclairage intéressant sur les témoignages qu’ils font de leur expérience d'écoute télévisuelle.

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CHAPITRE 4 : L’EXPÉRIENCE D’ÉCOUTE DE LA