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CHAPITRE 2. PROBLÈME ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

2.3 C HOIX MÉTHODOLOGIQUES

2.3.2 Les techniques de collecte de données

2.3.2.2 Le groupe de discussion

socioculturelles ; comment la télévision influe-t-elle sur cette situation; quelle utilité ont les contenus télévisuels dans leur vie quotidienne dans la société d’accueil).

Les participants ont été informés à l’avance des objectifs de l’entretien et des thèmes que je souhaitais aborder afin de leur permettre de réfléchir au sujet et de se préparer à y répondre. Cette démarche visait à me permettre d’obtenir des informations plus riches sur la relation des immigrants aux contenus de la télévision locale (Yim, 2000 : 88). Elle visait également à mettre le répondant en confiance, plus confortable dans la situation d’entretien.

2.3.2.2 Le groupe de discussion

Après avoir complété l’analyse des propos recueillis dans le cadre des entretiens individuels, des groupes de discussion ont été organisés avec les mêmes participants. L’objectif était de permettre aux participants de s'exprimer davantage sur ces sujets, de clarifier leurs positions et d'approfondir, par-là, ma compréhension de leurs perspectives et de leurs expériences. Ce mouvement itératif de va-et-vient est susceptible d'augmenter la crédibilité de mes analyses. C’est-à-dire s’assurer de la validité des liens entre les propos recueillis (c’est-à-dire les représentations, les valeurs, les croyances, les attitudes des sujets) et les analyses effectuées sur ces propos. Le chercheur doit s’assurer que ses analyses soient crédibles et authentiques, précise Guba (1981 : 80).

Selon Touré (2010), le groupe de discussion est une technique qui consiste à rassembler un groupe restreint d’individus pour discuter ouvertement de problématiques sociétales. Contrairement aux entretiens individuels, elle est à même de restituer toute la complexité des interactions sociales71.

71 Cette technique de recherche connaît de nombreuses terminologies; entretien de groupe (Boutin, 2007; Giami,

1985), entretien collectif (Duchesne et Haegel, 2005) et dans la littérature anglophone, focus group et focused interview (Merton, 1946). Derrière cette variété de nominations se cachent une variété d’usages et des traditions de recherche différentes. L’ancrage théorique de l’usage des groupes de discussion dans la recherche sociale est lié entre autres à la phénoménologie sociale (Schutz, 1967), à la dynamique des groupes (Lewin, 1948) et à

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Les groupes de discussion sont utilisés par les chercheurs en sciences sociales afin de comprendre les opinions, les motivations, les comportements des individus, afin de cerner leurs perceptions, leurs sentiments ou encore, pour évaluer leurs besoins, leurs attentes et leurs satisfactions72 (Geoffrion, 2009 : 391). Ils sont mobilisés aussi

bien dans les études de nature hypothético-déductive, pour valider des données et mettre à l’épreuve des hypothèses, que dans les études inductives, dans le but, comme c’est ici le cas, d’explorer un phénomène nouveau ou peu étudié et de générer une théorisation de ce phénomène (Touré, 2010 : 11).

Dans le cadre de cette étude, la discussion collective a été une occasion pour les participants d’interagir autour du sujet de l’écoute télévisuelle et de la resocialisation dans le pays d’accueil. Le groupe de discussion a provoqué la confrontation des points de vue des uns et des autres et a permis d’observer la dynamique qui s’est créée entre des personnes appartenant à une même communauté, mais dont les expériences et les perspectives sont différentes.

Le groupe de discussion peut être structuré, si le chercheur oriente la discussion par ses questions, ou semi-structuré, s’il laisse une plus grande marge de liberté aux interviewés. Dans mon cas, la discussion a été axée autour des principales interprétations ayant émergé des entretiens individuels afin de relancer le groupe sur des thèmes abordés par les uns et les autres au cours des entretiens individuels et soumettre ainsi mes interprétations au jugement des personnes concernées.

En plus des avantages inhérents à la recherche, la technique du groupe de discussion a été privilégiée parce qu’elle est susceptible d’être une activité plaisante et utile pour les immigrants nouvellement arrivés au pays d’accueil, en leur offrant l’occasion de se faire un réseau de connaissances et de partager leurs expériences.

la théorie des représentations sociales (Moscovici, 1984). Ce dont des traditions sociologiques où la communication et l’interaction constituent une dimension fondamentale du monde social. Les groupes de discussion offrent alors un moyen adéquat pour étudier les processus de construction, de transmission et de transformation du social (Touré, 2010 : 10).

72 Le groupe de discussion est fréquemment utilisé dans le domaine du marketing et de la publicité pour les

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Quant au déroulement des entretiens, la discussion devrait constituer un moyen pour favoriser l’expression équitable des participants sous forme d’échange spontané et continu. Les groupes ont été composés de quatre à cinq participants, ce qui constitue un nombre suffisamment important pour générer une bonne dynamique d’interaction, des significations partagées et des points de divergence. J'estime qu’un nombre limité de participants ne favorise pas une confrontation alors qu’un nombre trop important crée une diversion et induit des sous-groupes (Simard, 1989 :16).

Comme le recommandent Bogdan et Taylor (1998 : 113), au cours des rencontres, j’ai veillé à éviter les discussions conflictuelles, la monopolisation de la parole et l’instauration de normes de groupe susceptibles de se transformer en sources de blocage pour les personnes qui ne partagent pas ces points de vue. J’ai donc veillé à instaurer une dynamique équitable entre les participants.

2. 4 La méthode d'analyse inductive générale

Pour l’analyse des propos recueillis lors des entretiens individuels et des groupes de discussion, j'ai mobilisé une méthode d’analyse qualitative, soit une méthode qui privilégie la reformulation, l’explicitation et l’ordonnancement des propos et des observations recueillis sur le terrain « pour déboucher sur une schématisation théorisante ou une proposition théorique qui rend compte du fonctionnement des phénomènes afin d’en favoriser la compréhension » (Mucchielli, 1997 : 69). Au terme d’une enquête de terrain qualitative, le chercheur se retrouve en effet avec une matière abondante, le défi étant alors de l’organiser et d’en extraire le sens en regard de la problématique de recherche. La méthode d’analyse des données que j'ai privilégiée est l’analyse inductive générale (Thomas, 2006) parce qu’elle se veut relativement simple et bien détaillée. Il s’agit d’une méthode systématique pour extraire le sens des données empiriques. La notion de sens y est abordée dans une perspective phénoménologique c’est-à-dire qu’on cherche à comprendre le sens que les sujets projettent sur le monde (Blais et Martineau, 2006 : 3). Elle s’inscrit

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dans la stratégie d’analyse à l’aide des catégories conceptualisantes, selon la classification de Paillé et Mucchielli (2008 : 233)73.

L’analyse inductive générale se résume en un ensemble de procédures systématiques qui permettent de condenser les données empiriques, de donner un sens au corpus par des opérations de catégorisation, d’établir des liens entre les objectifs de la recherche et les catégories découlant de l’analyse des données brutes dans l’objectif de développer un modèle théorique à partir des catégories émergentes.

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une démarche inductive dans la mesure où le chercheur part des éléments empiriques observés ou rapportés pour développer son modèle théorique en passant du spécifique vers le général et non par vérification à partir d’un cadre théorique préétabli, notent Blais et Martineau (2006 : 5) dans un article consacré à l’analyse inductive générale. Néanmoins, loin de la vison idéaliste de l’empirisme, j'admets que la recherche qualitative est toujours menée à partir d’un cadre théorique et que le chercheur possède au départ un nombre de questions qui guident l’étude, même si les questions et hypothèses fondamentales surgissent plus tard en cours d’investigation (Chalmers, 1987 ; Burgess, 1987)74. Thomas (2006 :

239) souligne d’ailleurs l’importance de ne pas perdre de vue les objectifs de recherche formulés à priori. Toutefois, ces derniers ne doivent représenter qu’une perspective pour conduire l’analyse. Ils ne doivent pas se transformer en une série d’attentes à produire, des résultats spécifiques à obtenir « à tout prix » (Blais et Martineau, 2006 : 6).

73 Dans leur ouvrage intitulé L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Paillé et Mucchielli (2008)

font une revue des approches qualitatives à la portée des chercheurs en sciences sociales. Plusieurs stratégies d’analyse qualitative sont présentées et expliquées en détail; l’analyse contextualisante, structurale, métaphorique, l’analyse en mode écriture, l’analyse par questionnement, l’analyse thématique, et l’analyse à l’aide des catégories conceptualisantes.

74 Persuadés que le chercheur ne peut faire une totale abstraction de ses connaissances théoriques pendant

qu’il mène une étude exploratoire, les méthodologues suggèrent une mise entre parenthèse des connaissances théoriques préalables pour tenter d’être à l’écoute des données empiriques.

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Selon Thomas (2006 : 241), les étapes de traitement des données se résument ainsi :

a. Préparer les données brutes et les aménager en commençant par la transcription et l’uniformisation de la mise en page.

b. Faire une lecture profonde des données jusqu’à se familiariser avec leur contenu et parvenir à une compréhension globale des principales idées couvertes. c. Découper le texte en unités de sens et formuler ensuite les « catégories ». d. Raffiner les catégories; créer des sous-catégories, fusionner ou lier celles qui

présentent des significations similaires, etc.

e. Intégrer les catégories émergentes dans un modèle qui résume et donne un sens aux données brutes.

L’opération clé du processus d’analyse inductive générale consiste alors à faire émerger des « catégories » à partir de l’interprétation du chercheur. Ces catégories constitueront la base d’une théorisation du phénomène étudié.

D’après Paillé et Mucchielli (2008 : 238), la catégorisation représente l’outil analytique par excellence de l’activité de conceptualisation/théorisation, notamment depuis les travaux fondateurs de Glaser et Strauss dans les années 1960. Elle est probablement l’approche d’analyse qualitative qui se prête le mieux à l’étude de tous les types de matériaux. De plus, elle s’appuie sur un outil à la fois puissant et flexible qui est la catégorie.

Une catégorie se présente sous la forme d’une expression brève qui sert à dénommer un phénomène perceptible à travers une lecture conceptuelle du matériau de recherche. C’est un condensé de sens qui concerne des phénomènes de diverses natures.

Dans la création d’une catégorie, les mots employés vont au-delà de la seule condensation textuelle […] Ils donnent à voir la forme d’une expérience, le motif d’une interaction, l’économie d’une dynamique sociale […] Par sa formulation, elle évoque selon le cas, un vécu, un état, une action collective, un processus, un incident situationnel, une logique, une dynamique, etc. L’idée est de pouvoir saisir une portion de

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la complexité qui soit relativement évocatrice tout en étant précise et empiriquement fondée (Paillé et Mucchielli, 2008 : 238).

Le développement des catégories est lié à un travail de contextualisation. C’est-à- dire à l’effort de réunir autour d’un fait un ensemble d’éléments qui lui semblent liés et qui vont constituer un contexte pour ce fait. Pour créer une catégorie, « il faut non seulement se demander quel est le phénomène, mais aussi à l’intérieur de quel phénomène se situe-t-il, quels phénomènes apparentés peuvent l’éclairer ? » expliquent Paillé et Mucchielli (2008 : 272) qui admettent du même souffle que l’évènement, c’est-à-dire l’incident, l’expérience, le phénomène qui retient l’attention de l’analyste, est carrément imperceptible sans la prise en compte du contexte. Le contexte est l’information plus large, le cadre, la perspective qui ajoute du sens à l’évènement, l’éclaire. C’est pour cette raison qu’il est si important de bien décrire la situation étudiée et de porter un regard curieux et ouvert sur les informations collectées.

De même, dans le schéma analytique, une catégorie prend son sens par rapport aux autres catégories. Le développement des catégories suit une logique de mise en relation des données empiriques et c’est à travers cette mise en relation des évènements, des contextes, qu’on parvient à saisir le sens global enfoui dans les données (Paillé et Mucchielli, 2008 : 238). Ainsi, la logique de contextualisation intervient non seulement à l’étape de création des catégories, mais aussi dans celle de leur mise en relation.

Il apparait que la méthode d’analyse inductive générale est le produit de l’effort personnel du chercheur qui interprète, analyse, crée des catégories et prend des décisions à propos de ce qui est plus ou moins important dans les informations collectées. L’analyse et les résultats de l’étude sont donc construits à partir de la perspective et de l’expérience du chercheur (Blais et Martineau, 2006 : 12). Partant, soucieux de garantir la crédibilité des résultats et d’éviter les biais d’interprétation, Thomas (2006 : 244) propose de recourir à la méthode du codage parallèle en aveugle qui consiste à demander à un deuxième chercheur de procéder à la

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catégorisation des données brutes pour ensuite comparer les catégories élaborées par les deux chercheurs. De même, il est possible de vérifier la clarté des catégories en demandant à un deuxième chercheur de retrouver les sections de texte qui correspondent aux catégories déjà développées par le chercheur initial. Il est conseillé aussi de valider les résultats de la recherche par les participants eux même. Chose que j'ai réalisée dans cette étude pour m'assurer de la cohérence interprétative de mon analyse.

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