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L'installation dans le pays hôte : environnement accueillant mais insertion

CHAPITRE 3. L’EXPÉRIENCE D’IMMIGRATION

3.2 L’ EXPÉRIENCE D ’ IMMIGRATION

3.2.2 L'installation dans le pays hôte : environnement accueillant mais insertion

Après avoir exposé les différentes motivations du projet d'immigration au Québec, je vais m'attarder à la période d'installation de mes participants, c'est-à-dire les premiers jours qui ont suivi leur arrivée, afin de savoir comment a été le premier contact avec la société d'accueil, comment mes participants ont vécu ce moment et s’ils ont rencontré des difficultés particulières. Il est important de souligner que je n’ai pas cherché à limiter cet intervalle de temps pour ne pas contraindre les réponses par des bornes temporelles précises. Mon objectif est d’accéder aux souvenirs des immigrants, à leurs émotions, à leurs perceptions et à leurs réflexions liées aux premiers contacts avec la société d’accueil. Que ce soit pendant les premières semaines ou les premiers mois, cela n’a pas d’importance. L’essentiel est que les faits ont marqué l’immigrant et qu’il m’en parle dans l’entretien.

3.2.2.1 Environnement accueillant

Pour la plupart des répondants, la première impression sur le Québec a été très favorable. Les idées reçues sur la courtoisie des Québécois, la beauté des paysages et l'organisation institutionnelle se sont confirmées dès les premiers jours. En

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revanche, l'une des participantes déclare avoir été déçue par l'état des lieux. Elle imaginait Montréal comme une ville plus moderne avec beaucoup plus de gratte- ciels. L'urbanisme, l'architecture et l'état des routes étaient au-dessous de ses attentes. Du point de vue culturel, la majorité des répondants affirment qu'ils n'ont rien vu de choquant à leur arrivée dans les comportements des Québécois. Ils n'ont pas constaté de différence culturelle frappante à laquelle ils ne s'attendaient pas.

Sur le plan fonctionnel, certains de mes participants ont fait preuve d'une grande débrouillardise, notamment grâce à Internet. Ils sont ainsi parvenus à trouver les informations nécessaires pour leur installation, incluant le logement, le transport et les documents administratifs.

Pour d’autres, toutefois, le support d’autrui a été à cette étape fort précieux. Ceux qui sont venus en regroupement familial ont largement compté sur l'aide du conjoint ou de la conjointe, non seulement sur le plan fonctionnel et administratif, mais aussi sur le plan relationnel et comportemental. Une immigrante raconte que son mari lui servait d'exemple de conduite. Elle observait, puis imitait ses comportements. Toutefois, avoir quelqu'un qui conseille, guide et oriente l'immigrant dans son nouveau milieu n'a pas que des avantages. Une autre participante déclare qu'elle s'est rendue compte après un certain temps qu'elle était devenue dépendante de son mari au point d’être incapable de se déplacer sans lui dans la ville. D'autres participants ont noté l'aide tout aussi précieuse de membres de leur famille, d'amis ou de connaissances de la communauté tunisienne à Québec. Ils disent que le fait de connaître des Tunisiens déjà établis ici a beaucoup facilité leur installation au début de leur séjour.

Ces premiers contacts sont très utiles. D'une part, parce qu'ils renseignent l'immigrant et le conseillent et, d'autre part, parce qu'ils lui font indirectement gagner du temps et l'impliquent rapidement dans des réseaux sociaux.

Lilia – Au début, mon mari est venu seul, c'est à travers un ami tunisien qu'il a trouvé un appartement. Il l'avait

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conseillé sur les quartiers, l'accessibilité des transports et les coûts de location. [....] Quand j'ai commencé la recherche d'emploi, j'ai postulé dans une boite d'expertise comptable, et là j'ai eu la chance de retrouver un ex- collègue de travail en Tunisie. Comme il avait de bonnes relations avec ses supérieurs et ses collègues et qu'il avait donné une bonne image des Tunisiens, cela a non seulement appuyé ma candidature, mais a par la suite facilité mon insertion dans ma nouvelle équipe de travail.

D'autres participants ont souligné l'intérêt de la séance d’information offerte par le ministère de l'immigration82 à l'intention des nouveaux arrivants. Cette séance est

jugée très utile car elle permet d'initier l'immigrant à la vie au sein de la société québécoise.

Seulement deux participants ont déclaré que des Québécois les avaient aidés dans cette phase d'installation. Le premier a parlé de son voisin avec qui les discussions étaient enrichissantes parce qu'il lui donnait des conseils pratiques comme pour le déneigement ou pour l'entretien de sa voiture en hiver. Il l’a même aidé dans sa recherche d'emploi et il est à l'origine du premier boulot qu'il a décroché. La deuxième participante a parlé d'un collègue au travail qui avait joué un rôle important dans son intégration dans l'équipe de collègues. Il lui expliquait la mentalité des Québécois et leur culture, en certaines occasions, anticipait ses besoins et lui donnait des conseils sur la façon de se comporter sans même qu'elle ne lui en demande. Elle explique que ce collègue québécois avait lui aussi vécu dans un pays étranger et que c'est pour cette raison qu'il éprouvait de l'empathie à son égard et qu'il voulait l'aider.

82 Le Ministère de l’immigration et des communautés culturelles, via différents organismes partenaires, offre aux

nouveaux immigrants une séance d’information sur les premières démarches d’installation. En plus des informations sur les aspects administratifs et logistiques de l’installation comme l’obtention des documents officiels, l’ouverture d’un compte bancaire, la recherche d’un logement et l’inscription des enfants à l’école, la formation aborde les valeurs communes de la société québécoise. Pour plus de détails, voir : http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/region/sessions-information/premieres-demarches.html

100 3.2.2.2 Insertion professionnelle difficile

D'après mes répondants, la recherche d'emploi représente l'un des plus grands défis qui attendent l'immigrant dans le pays d'accueil. Beaucoup d'employeurs ne souhaitent pas embaucher un nouvel arrivant et, dans la majorité des cas, cette période s'étire. Les chanceux finissent par décrocher un emploi qui correspond à leur formation, mais de nombreux immigrants, même diplômés, se trouvent contraints de faire des études pour obtenir un diplôme québécois susceptible de leur faciliter l'accès au marché de l'emploi. Certaines personnes changent stratégiquement de champ de spécialité pour viser les domaines qui connaissent une pénurie de travailleurs comme les soins infirmiers ou les garderies pour enfants. La plupart des immigrants s'accordent pour dire que l'accès au travail est difficile puisqu'on exige souvent une expérience de travail dans le milieu québécois ou un diplôme local. De plus, dans le domaine médical, les diplômes étrangers ne sont pas reconnus au Québec. Une de mes répondantes s'est retrouvée dans cette situation. Elle est dentiste de formation, mais son diplôme tunisien n'a pas été reconnu au Québec. Après des mois de négociation, elle a fini par abandonner l'idée d'exercer son métier et a décidé d'ouvrir une garderie pour enfants.

Si la difficulté d’insertion professionnelle est largement répandue, il n’empêche que deux participants avaient déjà un emploi qui les attendait lorsqu’ils sont arrivés au Québec. Ils avaient été recrutés à distance dans une entreprise québécoise qui exerce dans le secteur de l'informatique.

De manière générale, trouver un emploi est la priorité des nouveaux arrivants. Cela est considéré comme le synonyme des premiers pas vers la réussite de l'expérience d'immigration et l'insertion socioéconomique de la personne, comme le confirme Belabdi (2010) dans son étude sur l'intégration des Marocains au Québec. L'emploi a des effets directs sur le nouvel arrivant, sur ses perceptions de la société d'accueil et sur l'évolution de son expérience d'immigration. La recherche d'un emploi correspondant à sa formation s'avère un travail de longue haleine qui n'aboutit

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malheureusement pas dans tous les cas, ce qui rend cette étape de grands changements encore plus angoissante pour la plupart des immigrants et freine l'évolution de leur processus de resocialisation dans la nouvelle société.