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LES RELATIONS EXÉCUTIF-PARLEMENT

Dans le document DE L ÉTAT LÉGAL À L ÉTAT DE DROIT (Page 153-164)

LA REVALORISATION DE L'EXÉCUTIF

Section 3 LES RELATIONS EXÉCUTIF-PARLEMENT

La revalorisation de l’exécutif entraîne nécessairement la redéfinition de ses rapports avec le pouvoir législatif. Plus précisément, l’adoption du point de vue matériel pour définir le règlement va avoir de nombreuses conséquences sur la théorie juridique de ces relations. L'une des premières questions que les publicistes vont devoir se poser est de savoir s'il existe vraiment un domaine par nature législatif (§ 1). Dès lors que l'on affirme l'identité matérielle de la loi et du règlement, on peut se demander en effet si le législateur doit avoir un domaine réservé, et surtout quel pourrait en être le contenu précis. La définition matérielle du règlement amène également à reconsidérer le cas des règlements d'administration publique et à remettre en cause la théorie de la délégation législative, théorie qui devient inutile si l'on admet que tout règlement est une sorte de loi, et inconstitutionnelle dès lors que l'on conteste au parlement le droit de déléguer ses pouvoirs (§ 2).

C'est donc un nouvel équilibre qui cherche à se dessiner dans les relations de l'exécutif et du parlement et qui atteint également le chef de l'État. Considérant en effet que son rôle n'a cessé de décroître depuis 1877, certains auteurs souhaitent qu'il retrouve une place essentielle dans l'ordre juridique et politique (§ 3).

§ 1. - L'EXISTENCE (?) D'UN DOMAINE PAR NATURE LÉGISLATIF

L'idée d'une supériorité du parlement, héritée de la Révolution qui voyait dans la loi générale et impersonnelle une protection contre l'arbitraire, a conduit la doctrine traditionnelle à réserver au législateur la définition des principes et à limiter

l'exécutif à leur simple mise en oeuvre. À cette distinction des principes et des détails d'application, s'est ajoutée l'idée qu'il existerait des matières par nature réservées au législateur du fait des garanties offertes par son élection. On sait que la première conquête des parlements concerne le consentement à l'impôt, suivi par le droit exclusif d'établir des peines. La tradition consacrera cette supériorité en leur réservant tout ce qui peut toucher aux libertés.

Cette conception, encore soutenue par Berthélemy et plus ou moins par J.

Valegeas455, est remise en cause à partir de la fin du dix-neuvième siècle, et ce pour deux raisons :

- La première touche au problème des justifications politiques de la suprématie du parlement. Avec le passage de la monarchie à la République, on s'aperçoit qu'il n'a plus seul vocation à défendre les libertés. Les ministres émanent de la majorité parlementaire. Le président est élu, l'exécutif devient donc représentatif et apte à défendre les libertés du citoyen. C'est du moins l'argumentation de Moreau456 qui soutient que la distinction de la loi et du règlement « ne dérive pas de la nature des choses »457.

- La seconde résulte de la définition matérielle du règlement. Si l'on met l'accent sur le caractère général et impersonnel de la règle, on ne voit plus de différence entre l'acte fait par le parlement et celui édicté par l'exécutif, tous les deux présentent la même garantie de généralité contre l'arbitraire. I,a seule distinction possible réside dans l'auteur de l'acte et nous venons de voir que la supériorité du parlement paraissait de moins en moins justifiée.

En outre, la distinction héritée de Portalis entre la détermination des principes réservés à la loi, et la mise en oeuvre des détails incombant au règlement, est depuis longtemps contestée pour ses difficultés d'application pratique, justifiant d'ailleurs selon Chauveau le système des délégations législatives 458 . Les administrativistes de la troisième République reconnaissent de plus en plus qu'il est

455 J. VALEGEAS, op. cit., p. 50 ; ESME1N, op. cit., p. 471 ; comparer M. BLOCK, op. cit., p. 2287 et p.

2288.

456 F MOREAU, Le règlement administratif, p. 215.

457 F. MOREAU, op. cit., p. 52 ; mais aussi G. JEZE, Principes généraux du droit administratif, 2e éd., 1914, p. 23 : « quelles que soient la qualité de l'auteur de l'acte, les formes suivies, le nom donné à l’acte juridique, nous trouvons comme effet juridique voulu la création d'une situation juridique générale, impersonnelle, objective. Cela est nécessaire pour qu'il y ait acte législatif au sens matériel, mais cela est suffisant. L'identité de nature juridique entre la loi et le règlement a pour conséquence l'identité de régime juridique : en principe, le régime juridique est le même pour la loi et pour le règlement. Exceptionnellement, la qualité de l'auteur de l'acte peut exercer une influence sur le régime juridique mais c'est exceptionnel.

Ainsi, en France, il est de règle que les manifestations de volonté des Chambres échappent absolument au contrôle des tribunaux. C'est une règle qui s'explique par des considérations de politique et d'histoire, plus ou moins particulières à la France ».

458 A. CHAUVEAU, op. cit., t. I, p. 5 : « Entre les attributions du législateur qui ne doit jamais descendre aux détails, et celles du pouvoir exécutif qui ne doit jamais pénétrer dans le domaine de la loi, je sais que la nuance est délicate », et p. 8 : « Pour éviter de graves difficultés, les lois chargent en général le pouvoir exécutif pur de faire des règlements d'administration publique qui en complètent le système, ou qui doivent pourvoir à l'exécution »: G. DUFOUR, op. cit., t. I, p. 49 : «Le domaine du pouvoir réglementaire est si variable que la détermination en est réellement impossible ».

difficile de déterminer les frontières de la loi et du règlement sur une telle base 459. Si répartition il y a, elle ne peut dépendre que de facteurs conjoncturels selon Moreau, tels que l'importance plus ou moins grande d'une question à un moment donné460. Cette conception ne fait cependant pas l'unanimité ; certains, nous l'avons vu, tentent de renouveler la doctrine traditionnelle en opérant la distinction de la loi et du règlement à partir du but que doivent poursuivre ces actes. Mestre redéfinit ainsi la répartition des matières entre loi et règlement en assignant pour objet à la première la liberté et la justice, au second l'organisation de l'ordre public461.

Hormis quelques exceptions, la plupart des administrativistes semblent avoir une grande difficulté à prendre une position claire sur la question de la délimitation entre la loi et le règlement. Le problème vient sans doute de ce qu'ils sont partagés entre la tradition et le droit positif qui reconnaissent au législateur le droit exclusif de créer des impôts, des peines ou des juridictions nouvelles462, et l'évolution de ce même droit dans le sens d'un élargissement de la compétence réglementaire.

En outre, le droit positif ne permet pas vraiment de connaître de façon précise le contenu du partage entre les deux pouvoirs : comme le souligne Moreau,

«il n'existe aucune tradition certaine et surtout obligatoire qui attribue au parlement, à la loi, la possession exclusive de tels ou tels objets »463, mais le même auteur doit pourtant admettre un peu plus loin que la répartition des compétences juridictionnelles doit relever uniquement du parlement pour mieux garantir les justiciables464. On retrouve la même ambiguïté chez Jèze qui remarque en 1908 que

459 A. DE SAINT-GIRONS, Manuel..., p. 379 ; A. GAUTIER, op. cit., tome 2, p. 53 : « on ne peut donc tracer d'une manière précise la ligne de démarcation entre l'empire de la loi et celui du décret » ; E. RAIGA, op. cit., p. 71 : « il n'y a pas de criterium qui permette, a priori, de dire : cette matière par sa nature, appartient à la loi, cette autre au règlement » ; A. MESTRE, « Analyse du livre de F. Moreau ... », loc. cit., p.

626 : « l'insuffisance doctrinale d'une pareille théorie (de la distinction principe/détail) ne fait pas de doute non plus pour nous » ; L. DUGUIT, Manuel..., p. 1011: « quand on a voulu déterminer un critérium général de la distinction des matières législatives et des matières réglementaires, on a été dans l'impossibilité absolue de le faire » ; rapprocher L. AUCOC, Conférences..., tome I, pp. 65-66 : « il y a intérêt à déterminer quel est le domaine propre du législateur, quelles sont les matières sur lesquelles il peut seul statuer. La question serait très délicate à traiter en théorie pure, et la pratique a fréquemment varié en France depuis 1789 ».

460 F. MOREAU, op. cit., p. 53 ; E. RAIGA, op. cit., p. 71 : « d'une façon générale, on peut dire que les règles permanentes sont du domaine de la loi, les règles transitoires du règlement (...) les limites de la loi et du règlement résultent surtout de considérations politiques et partant contingentes. Elles sont variables et ont varié avec les différents régimes » ; HEBRARD DE VILLENEUVE, «Règlements d'administration publique», Répertoire du droit administratif Bequet, Paris Dupont, tome XXIII, 1906, pp. 52-63, p. 55 : « la compétence législative ne comporte qu'un critérium purement empirique, à savoir qu'il s'agit d'objets sur lesquels il a été, en fait, statué par des lois et non par des décrets ». En sens contraire, voir Répertoire de législation, de doctrine el de jurisprudence, Dalloz, tome 39, Paris, 1858, p. 3, et Supplément, tome 15, Paris, 1895, p. 288.

461 A. MESTRE, « Analyse du livre de F. Moreau... », loc. cit., p. 637 et p. 643.

462 H. NEZARD, op. cit., p. 84 « on a pu soutenir que toute mesure pouvait être prise par voie réglementaire;

cependant la loi peut elle-même limiter le domaine du règlement, soit expressément, soit implicitement. Ainsi la loi seule peut établir des peines (article 4 du code pénal), des impôts (article final de la loi annuelle de finances) ou, d'après la jurisprudence, des restrictions graves aux droits individuels ».

463 F. MOREAU, Le règlement administratif, p 220.

464 Ibidem, p. 345

«nulle part la loi constitutionnelle n'énumère les matières législatives et les matières réglementaires», mais qui note cinq ans plus tard l'existence d'un principe du droit public selon lequel « seul, le législateur peut modifier le régime de la propriété privée, de la liberté individuelle, de la liberté du commerce et de l'industrie »465.

L'absence de catalogue précis des matières réservées au législateur crée une incertitude dont Moreau se réjouit et qui profitera au gouvernement à partir de 1914.

Le régime n'est-il pas caractérisé pendant la guerre par « l'exercice du pouvoir législatif par le gouvernement : suspension, abrogation, modification des règles légales par des décrets », et « s’il a pu le faire régulièrement, c'est en vertu de la règle de droit non écrit qui le charge d'assurer l'ordre public et la défense nationale»466.

Au-delà des contradictions et des ambiguïtés, il semble cependant qu'une tendance s'affirme pour critiquer l'idée d'un domaine par nature législatif, au moins pour poser la question, comme le fait Cahen, de sa raison d'être : « en vertu de quel texte, quel principe, tel objet devrait-il nécessairement être réglementé sous forme de loi ? »467. Entre Portalis et Cahen, il y a toute la différence qui sépare la doctrine classique de l'Etat légal et celle de l'Etat de droit. La théorie de Portalis opposait en effet la loi et le règlement à partir de leurs domaines d'intervention respectifs, réservant à la loi seule les actes de souveraineté ; elle les identifiait au contraire, du point de vue de la généralité de leurs dispositions et justifiait ainsi l'absence initiale de recours contre les règlements. Cahen inverse ce raisonnement en ce qu'il dénie toute différence entre la loi et le règlement de droit, cette identification au point de vue de la nature juridique des deux actes impliquant selon lui de leur imposer le même régime juridique et donc de soumettre la loi au contrôle juridictionnel. Une telle évolution ne nous étonnera pas dans la mesure où la revalorisation de l'exécutif passe en grande partie par la remise en cause de l'idéologie parlementaire. Il s'agit désormais d'affirmer que la délimitation des compétences, si elle existe, est d'origine politique et non strictement juridique. Nous retrouvons les mêmes problèmes dans le débat, très important à l'époque, sur les règlements d'administration publique.

§ 2. - LES RÈGLEMENTS D'ADMINISTRATION PUBLIQUE

Le parlement de la IIIème République a très souvent exigé de l'exécutif qu'il édicte des règlements après avis de l'assemblée générale du Conseil d'Etat dans certaines matières déterminées. La question que se pose la doctrine concerne la nature juridique de tels règlements, et la réponse est évidemment liée de près au

465 G.JEZE, note sous C.E. Compagnie du Nord, d'Orléans, du Midi, de l'Est et de l'Ouest, 6 décembre 1907, R.D.P. 1908, pp. 38.56, pp. 50-51 ; « Du retrait des actes juridiques », R.D.P. 1913, pp. 225-293, p. 251, note 1. De même, J. BARTHELEMY, « Le droit public en temps de guerre », loc. cit., p. 352.

466 J. BARTHELEMY, ibidem, pp. 557 et 157.

467 G. CAHEN, Le gouvernement législateur, p. 247.

problème de la nature du règlement en général et de la délimitation des compétences entre le parlement et le gouvernement. On ne peut cependant en conclure qu'il existerait une logique et une cohérence parfaites dans les positions des auteurs à ces différents égards. D'autres éléments interfèrent en effet dans la solution qu'ils adoptent :la question des contrôles juridictionnels sur les règlements d'administration publique détermine dans bien des cas la thèse soutenue par les administrativistes qui élaborent ainsi une théorie de la nature juridique des règlements à partir du régime juridique qu'ils souhaitent leur voir appliquer.

Voyons d'abord quelles sont les forces en présence. En schématisant un peu, nous pouvons regrouper les auteurs en deux camps adverses468 :

- Les moins nombreux sont partisans de la thèse de la délégation législative, en d'autres termes ils considèrent que « le chef de l'Etat reçoit parfois une délégation législative plus étendue que le pouvoir réglementaire. Une telle délégation est indispensable pour que le chef de l'Etat puisse imposer des sacrifices à la propriété, et établir le tarif d'un impôt ou édicter des pénalités »469. Cette thèse se présente comme la plus ancienne, puisqu'elle a été soutenue par Laferrière, Batbie, Aucoc470 . Mais la nouvelle génération d'administrativistes, dans la mesure où elle est moins encline à admettre que le parlement a le droit de tout faire, tend à abandonner cette conception471.

Il est encore certains auteurs cependant pour la défendre tout en essayant de la renouveler472. C'est le cas notamment de Moreau et de Cahen. Mais tous deux doivent la concilier avec l'idée que loi et règlement sont de même nature et avec une définition extensive des pouvoirs de l'exécutif. Tout cela ne va pas sans contradiction car la théorie de la délégation a été élaborée par des auteurs favorables dans leur

468 A. Gautier semble cependant échapper à cette classification dans la mesure où il ne fait pas de distinction matérielle entre les règlements ordinaires et Ici règlements d'administration punique « il est un certain nombre de décrets qui ne peuvent être pris qu'après l'avis préalable du Conseil d'Etat, et on les qualifie de règlements d'administration publique, parce qu'ils ont le plus souvent pour objet d'édicter un ensemble de règles applicables à quelqu'une des branches de l'administration » (op. cit., p. 52). Rapprocher L AUCOC, Le Conseil d'Etat avant et depuis 1789, Paris, Imp. nationale, 1876, pp. 181 et s.

469 A. DE SAINT-GIRONS, Essai..., p. 283, et Manuel..., p. 379.

470 E. LAFERRIERE, op. cit., 2e éd. t. II, pp. 10 et 422 ; A. BATBIE, op. cit., t. III, p. 68 ; L. AUCOC, op.

cit., L I, p. 109.

471 Cependant, il est encore certains auteurs qui maintiennent la thèse de la délégation législative sans la modifier. C'est le cas de C. BAZILLE, « Du pouvoir réglementaire », R.G.A. 1881, pp. 271-283, p. 283 : « une délégation spéciale du législateur peut élargir le cercle des matières sur lesquelles intervient le règlement

» ; J. DEJEAMME , « Du pouvoir réglementaire », loc. cit., p. 259 ; M. BLOCK, op. cit., p. 2288 ; HEBRARD DE VILLENEUVE, « Règlements d'administration publique », Répertoire du droit administratif Bequet, tome 23, pp. 52 et s. ; M. HAUR1OU, Précis de droit administratif, p. 277 (mais il abandonnera la thèse de la délégation après 1907) ; A. DES CILLEULS, « De la délégation des pouvoirs publics », R.D.P.

1910, loc. cit.

472 F. MOREAU, Le règlement administratif, op. cit.; G. CAHEN, op. cit.: rapprocher E. RAIGA, op. cit., p.

180 « le mot délégation est un mot commode, mais qui, en droit public, ne doit pas être pris au pied de la lettre (...) Telle matière aujourd'hui réglementaire peut devenir demain législative et inversement. Il y a, si l'on veut, délégation perpétuelle, tacite ou expresse, du législateur au Chef de l'État. Nous sommes en présence d'une seule fonction exercée, suivant les nécessités du moment, par deux organes différents, mais dont l’un est maître de l'exercer tout entière, ou plus ou moins, à son gré ».

ensemble au parlement et persuadés pour la plupart que le règlement ordinaire devait se cantonner dans un rôle de pure exécution de la loi. Dans leur optique, il était donc nécessaire de faire appel à la notion de délégation législative pour concevoir qu'un règlement puisse jouer le même rôle qu'une loi. La théorie devrait logiquement perdre une grande partie de son intérêt dès lors que l'on soutient que la mission de l'exécutif comprend naturellement une part de législation et qu'il n'existe pas de domaine véritablement réservé au législateur. Moreau va cependant l'utiliser de façon assez inattendue en inversant totalement sa signification première. Le R.A.P. devient ainsi une manifestation de la méfiance du parlement vis-à-vis de l'exécutif, puisque en utilisant ce procédé, le corps législatif peut empêcher l'intervention du règlement ordinaire là où cette intervention serait possible473.

Quant à Cahen, il préfère l'expression de «substitution d'organes» à celle de délégation législative car il n'y a pas de pouvoirs dans l'Etat, mais seulement des organes. Le parlement et le gouvernement sont tous deux des organes autonomes au même titre et qui peuvent se substituer l'un à l'autre : « ils se remplacent souvent l'un l'autre ; les Chambres croient nécessaire d'intervenir personnellement dans certaines affaires administratives, les plus graves de l'Etat. Ayant le dernier mot dans un régime parlementaire, elles peuvent à leur gré user d'un droit d'évocation.

Cette substitution est toute spontanée. De son côté le gouvernement ayant des tâches obligatoires à remplir, assure la sécurité publique, utilise les procédés les meilleurs, les plus rapides, pour accomplir toute sa fonction ; il édicte donc des règles, quand le Parlement a omis sciemment ou involontairement de les prononcer. Là encore, la substitution de l'organe exécutif à l'organe législatif se fait spontanément par la nature des choses, à raison du but communément poursuivi » 474. Cette substitution ne fait pas changer de nature l'acte en cause mais elle « restitue au gouvernement, dans son intégrité première, le champ d'action sur lequel le législateur s'exerçait concurremment avec lui »475. Il en résulte que la délégation de fonctions s'est pas vraiment nécessaire dans la plupart des cas, elle ne le devient que dans certaines circonstances particulières du fait de l'inégalité hiérarchique qui existe en régime parlementaire entre exécutif et parlement. Il faut donc considérer deux hypothèses : dans la première, le parlement contraint l'exécutif à agir par le biais du R.A.P. ; dans la seconde, le législateur permet au gouvernement d'intervenir dans des domaines qu'il s'était jusqu'alors réservés ; dans ce cas, la délégation n'est pas

473 F. MOREAU, Le règlement administratif, p. 143 : « Le parlement a une tendance naturelle à entreprendre sur le pouvoir exécutif, à restreindre le libre usage de ses prérogatives... Le pouvoir réglementaire donne au chef de l’Etat les moyens de suppléer la loi quand elle tarde, et de la rendre inutile ; quand elle existe, de la déborder et de la noyer. Pour en restreindre l'exercice, la loi s'empare du plus grand nombre possible de sujets législatifs, et exige pour les règlements qui la complèteront l'avis du Conseil d'État; et le deuxième procédé, qui met une condition à l'usage du pouvoir réglementaire est encore plus efficace que le premier, surtout si la loi, au lieu d'assigner au R.A.P. des buts définis, le charge en bloc de toutes les mesures utiles à son exécution. Alors le règlement ordinaire devient impossible » ; cf L. AUCOC, Conférences, Tome I, pp. 108-109.

474 G. CAHEN, Le gouvernement législateur, p. 303.

475 G. CAHEN, op. cit., p. 297.

inconstitutionnelle car l'interdiction habituellement faite à l'autorité parlementaire résulte de textes législatifs, non de la constitution.

Quel que soit le raisonnement suivi, ces nouveaux partisans de la délégation

Quel que soit le raisonnement suivi, ces nouveaux partisans de la délégation

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