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C. Interlocuteurs choisis par les femmes

2. Les professionnels

Au cours de nos entretiens, nous avons constaté que les femmes ont volontiers recours aux professionnels, qu’ils exercent dans le domaine de la santé en tant que médecins ou sous d’autres qualifications. Toutefois, leur implication est variable, certains étant de simples intervenants, d’autres ayant, outre un rôle d’informateur, un rôle d’acteur dans la prise en charge des patientes.

a. Intervenants du milieu de la santé.

i. L’acuponcteur

Outre le recours à l’acuponcteur en tant qu’acteur de la prise en charge spécifique des bouffées de chaleur, une informante déclare avoir discuté avec lui pour l’informer de ses troubles comme tout autre intervenant de sa prise en charge médicale globale. (070703)

ii. L’ostéopathe

Cet interlocuteur a été signalé par une informante comme un acteur important dans sa prise en charge, source de conseils avisés en matière de phytothérapie. Dans ses dires, on ressent une certaine confiance, qui selon elle s’est forgée du fait de rencontres relativement plus fréquentes qu’avec d’autres intervenants, tout en sachant qu’elle ne le côtoie en moyenne que 2 fois par an. (070801)

iii. Le psychiatre

Une participante rapporte avoir consulté l’avis de son psychiatre quant à l’indication d’une prise en charge de ses troubles dépressifs par une hormonothérapie substitutive.

(070703)

b. Le pharmacien : un rôle complexe

Quatre de nos informantes abordent le thème du recours à la pharmacie, mais sous différents aspects.

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i. Le pharmacien en tant qu’acteur de prise en charge

Tout d’abord, certaines relatent avoir eu à faire au pharmacien en tant que professionnel de la Santé.

Une première informante décrit son attitude thérapeutique en disant : « Si je veux quelque chose, je vais encore voir à la pharmacie (…) oui, c’est le premier truc que j’ai été voir ». (070402) Elle rapporte ce comportement comme quelque chose d’habituel qu’elle exécute dans d’autre domaine que la gestion de ses bouffées de chaleur. Il s’agit pour elle d’un interlocuteur privilégié, source de conseils. Mais, cette attitude ne semble pas être un cas isolé, puisqu’elle relate qu’elle n’est pas la seule de son entourage à adopter ce type de comportement, en disant : « Parce qu’elles (ses amies) allaient aussi essentiellement à la pharmacie ». (070402)

Une autre dit s’être rendue en pharmacie afin d’y obtenir des conseils avisés en matière de tisane pour lutter contre ses bouffées de chaleur. Ainsi, cette patiente avait déjà fait le choix du moyen de traitement qu’elle souhaitait essayer et désirait être aiguillée pour effectuer son choix parmi les différents produits disponibles à la vente. (070702)

Dans un autre cas, ce professionnel peut aussi aider à faire le tri entre plusieurs thérapeutiques de même catégorie, en conseillant ses clientes selon les résultats recherchés. Ainsi, l’un d’eux a été amené à se prononcer auprès d’une de nos informantes quant au degré d’efficacité de produits de parapharmacies présentés comme « très vendeurs et très séduisants ». (062801)

Mais si la qualité du conseil recherché peut varier, le mode de recours au pharmacien peut également être varié.

Ainsi, les recommandations averties de ce professionnel de santé ont également été recherchées, mais dans le cadre d’une relation amicale. Une informante raconte qu’elle désirait particulièrement l’avis de cette amie-là, du fait de sa profession et de ses connaissances en matière de pharmaceutique. (062801)

Enfin, l’intervention du pharmacien dans la gestion des bouffées de chaleur peut également se faire sur sa propre initiative, lors d’un contact avec une cliente. Un informante relate en effet : « Quand j’ai été à la pharmacie, qu’elle a vu que je prenais du « Lustran », elle m’a dit : « Vous voulez quelque chose pour les bouffées de chaleur ? » ». (061501) Ce mode d’intervention illustre particulièrement le rôle de conseil tenu par le pharmacien et cette possibilité de lecture des symptômes à la vue des ordonnances. Cette irruption dans la prise en charge a été particulièrement bien accueillie par cette informante qui y a probablement vu une certaine marque d’attention et de compassion. Celle-ci a d’ailleurs décrit la pharmacienne comme de très bon conseil et se dit prête à réitérer l’expérience : « Si vraiment ça arrivait régulièrement, j’irais voir à la pharmacie pour qu’elle me redonne la même chose qu’elle m’avait donnée ». (061501)

ii. La pharmacie comme lieu de vente

Si le pharmacien semble parfois tenir le premier rôle dans le conseil de ses clientes, il peut aussi jouer celui de simple intervenant, la pharmacie étant alors perçue comme un lieu de vente libre de produit.

Effectivement, plusieurs patientes nous ont déclaré s’être rendues en pharmacie, afin d’acquérir un produit déjà choisi par avance sur les conseils d’autres intervenants ou sous l’influence de publicités. (070402) Nous notons en effet que deux informantes nous ont

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rapporté avoir acheté le produit « Ménophytéa® » suite à la vue de ces réclames. Ce constat n’est pas fait tout de suite par nos participantes, probablement du fait d’une prise de conscience de l’influence que ces publicités ont eue sur leur conduite thérapeutique au fur et à mesure de l’élaboration de leur discours.

Ainsi, certaines patientes perçoivent la pharmacie comme un lieu où elles peuvent se procurer certains articles librement, comme certaines racontent l’avoir fait dans une parapharmacie ou un magasin de produits naturels. (070801) Le conseil n’est pas recherché dans ce cas-là et tient un rôle plus que secondaire.

c. Médecin généraliste ou gynécologue : des rôles pas si différents.

i. La dimension de suivi inducteur d’un lien

Professionnel de la Santé dédié spécifiquement à la prise en charge des femmes, le gynécologue est un acteur de premier plan pour beaucoup d’entre elles. Une participante explique qu’elle trouve logique de s’adresser directement au spécialiste du domaine, du fait de son statut d’expert. Ainsi, elle est suivie par un gynécologue. (061501)

Nombreuses sont celles qui déclarent avoir été suivies par un gynécologue pendant « leur vie de femme » et relatent donc, selon une certaine logique : « Puisque j’allais à la gynécologue tous les ans, donc automatiquement je lui en avais parlé ». (052701) Une autre de dire : « C’est elle qui me suit, donc j’ai pas été demander ailleurs… ». (063001)

Ainsi, ce suivi organisé de longue date a positionné nombre de fois le gynécologue en tant qu’acteur de recours privilégié lors de l’apparition de leurs bouffées de chaleur.

Par ailleurs, si bien des femmes ont poursuivi ce suivi initié chez leur gynécologue, celles qui étaient suivies sur ce plan par leur généraliste n’ont pas non plus changé d’interlocuteur à ce moment-là. Une informante explique en effet : « Madame M me suit à la fois comme médecin traitant, à la fois comme gynécologue aussi (…) c’est tout naturellement que je me suis tournée vers elle à ce moment-là ». (062001)

Nous pouvons toutefois noter que les femmes relatent un certain nombre de changements d’interlocuteur au cours de l’histoire de leur suivi gynécologique, mais les moments de survenue de ces changements d’orientation ne coïncident pas avec l’apparition de leurs bouffées de chaleur.

Tous les cas de figure possibles ont été rencontrés lors de nos entretiens. Les unes changent en effet pour un nouveau gynécologue, une autre pour un autre médecin traitant. D’abord suivie par son généraliste, une informante est désormais suivie par une gynécologue. Certaines femmes ont choisi, une fois la ménopause installée, d’interrompre leur suivi par leur gynécologue pour être suivies par leur médecin généraliste.

Sur un plan sémantique, on peut d’ailleurs noter que la dénomination de « médecin traitant » est plus souvent retrouvée dans le cas où celui-ci traite les troubles ménopausiques, alors que celle de « médecin généraliste » est plus utilisée quand le soignant est le gynécologue. Certaines femmes nomment aussi leur médecin généraliste par « mon médecin » ou « mon docteur », ce qui, sans pour autant le désigner comme unique interlocuteur dans la gestion de leurs problèmes de santé, le distingue tout du moins comme quelqu’un tenant une place privilégiée dans leur réseau de soin.

Les raisons de ces changements de professionnel peuvent être variées.

Certaines évoquent des causes circonstancielles, tel un transfert de cabinet (062001) ou un départ en retraite. (070801).

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Pour d’autres, un concours d’évènements les ont amenées à se tourner vers leur médecin traitant pour plus de commodité : « C’est mon médecin traitant par ailleurs, donc elle connaît un petit peu la situation par ailleurs, parce que, quand vous avez plusieurs médecins, à chaque fois il faut ré-expliquer ». (062001) Une autre évoque pour motivation une proximité géographique : « Oh bein, je lui ai dit autant que d'aller à S. exprès hein ... alors bon bein, c'est lui qui me suit maintenant ... ». (052701) Mais, cette notion de facilité vient bien souvent se surajouter à l’argument majeur d’une relation de confiance déjà préétablie.

A contrario, une patiente évoque des difficultés relatives à une communication relationnelle insatisfaisante, qui l’ont amenée à rechercher un autre soignant. (070703) Elle explique en effet : « C’est pas parce que on me dispute que ça va m’aider … il vaut mieux une bonne explication qu’une dispute ». (070703)

D’autres, enfin, relatent un problème de confiance en leur praticien, dimension qui semble en effet essentielle pour un suivi de qualité et que nous expliciterons plus longuement ultérieurement.

Toutefois, si plusieurs femmes sont allées consulter du fait de la trop grande gêne induite par leurs chaurées naissantes, d’autres ont attendu leur rendez-vous de contrôle annuel, bien que l’impact des bouffées de chaleur sur leur qualité de vie ait été important. (052701)

Certaines ont d’abord choisi d’avoir recours à d’autres thérapeutiques et ont fait appel à leur praticien en deuxième intention.

Une informante, quant à elle, raconte qu’elle n’avait pas besoin d’aller consulter tout de suite car elle supportait ses bouffées de chaleur, malgré la gêne occasionnée et « (elle) se doutait, vu l’âge quand même » que celles-ci étaient liées à la ménopause. (061503).

Une autre explique ce temps d’attente par une conduite stéréotypée du fait de son éducation : « Ma mère m’avait dit : « On va chez le gynéco une fois par an » … c’est pas parce que j’étais mal que j’ai pensé à y aller plus tôt ». (070801)

Une troisième par contre, relate cette période préalable à la consultation comme nécessaire à l’acceptation de cette nouvelle condition : « Moi, il m’a fallu un certain temps pour comprendre ce que j’avais, alors que j’avais des symptômes que je connaissais (…) moi je pense que c’est une forme d’acceptation (…) ». (061402)

Mais, le médecin traitant et le gynécologue ont aussi un rôle important d’informateur durant cette période de la vie d’une femme et sont souvent nommés comme tels.

ii. Une source privilégiée d’information par la communication orale

Le praticien est bien souvent décrit comme un interlocuteur essentiel dans la quête de connaissance. Nous avons pu entendre pendant nos entretiens : « Se faire renseigner (…) y a que par des professionnels » (062002), « Ils ont les études que j’ai pas. Bon, ils en savent un peu plus que moi ». (070701) Ainsi, le médecin est bien souvent perçu comme « celui qui sait » et de ce fait, instruit les « novices ». (062002) Ce savoir, acquis par sa formation puis forgé au cours de son expérience, lui confère un grade d’expert.

Toutefois, le praticien rend ses connaissances accessibles à sa patiente et se met à sa portée en explicitant si besoin les termes médicaux par des mots simples.

La recherche d’un savoir « au goût du jour » est également une des motivations de la consultation du professionnel de santé. En effet, celui-ci a le souci d’une connaissance actualisée par le biais d’une formation médicale continue. Ainsi, cette participante signale : « Mon médecin généraliste m’avait à l’époque (…) évoqué un certain nombre d’études

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médicales », preuve d’un savoir en mouvance selon l’actualisation des données médicales. Cette femme explique aussi que sa gynécologue « était même à l’époque dans les médecins qui avaient participé, en tous cas au niveau des études, à un certain nombre d’enquêtes ».

(070401) Ainsi, non seulement les médecins actualisent leurs connaissances en fonction des avancées des savoirs, mais certains sont même acteurs de ces progrès. Ceci est pour certaines femmes, gage de qualité et de confiance en l’information fournie par leur intermédiaire.

Le recours au praticien a parfois aussi pour objectif une étude personnalisée, précise et explicitée des symptômes présentés. Cette analyse et l’interprétation de ces signes sont en effet le propre de tout diagnostic médical. Une informante fait ainsi cette distinction : « L’article (de presse), ce que la personne a écrit, c’est juste type à une personne, les autres ont pas les mêmes symptômes » (062002) et de surenchérir : « Ils (les médecins) nous connaissent, ils savent comment qu’on est (…) chaque personne est différente ». (062002)

Ces propos explicitent toute l’étendue de la variabilité interindividuelle des symptômes. Par ailleurs, ils évoquent aussi l’art d’une prise en charge personnalisée, basée sur l’analyse des faits, mais qui tient également compte des éléments du suivi collectés au fil du lien durable établi entre le praticien et sa patiente.

A noter que cette notion de différence de vécu selon les femmes est partagée par nombre de participantes qui l’expriment par des propos tels « chacun son corps » (063001), mettant l’accent sur l’aspect corporel du vécu. Une autre rapporte une vision plus globale des faits en disant : « Peut-être qu’il y a d’autres ménopauses qui se passent mieux que d’autre ».

(061501) En guise de conclusion, une informante déclare : « Chacun a ses inconvénients, mais tout le monde n’est pas pareil ». (070402)

Toutefois, d’autres femmes ont une vision plus uniformisée de la ménopause et pensent que « C’est un peu le même parcours pour tout le monde. » (061403) Ainsi une participante est persuadée qu’elle a des « bouffées de chaleur comme tout le monde ». (061501)

L’interaction « médecin – patient » est également caractérisée par le fait qu’il s’agit d’une communication verbale interactive, où la femme peut « poser les questions qu’ (elle) aurait, (alors que) quand on lit (…) un texte, on peut pas les poser ». (062002) Pour plusieurs femmes, cet état de fait justifie un recours privilégié au praticien en tant qu’informateur.

Mais, malgré cet accès facilité à une source de réponses, une informante s’exclame : « Il faut aller les chercher les informations (…) encore faut-il savoir quelles questions il faut poser ! ». (062801) Une autre participante déclare : « Moi c’est sûr, je posais pas trop de question … déjà qu’on est un peu perdue, donc on sait pas trop quoi demander ». (061501)

Cette même femme surenchérira en affirmant que c’est au praticien d’aller au-devant des interrogations des femmes : « On va voir une gynéco, parce qu’on a un souci, c’est la gynéco qui doit vous expliquer ». Selon cette informante, le praticien est donc censé fournir à chaque femme un bagage d’information adapté aux troubles présentés en vulgarisant son savoir, afin de transmettre des données claires et explicites.

A noter qu’une informante aurait souhaité recevoir plus d’information par le biais de son gynécologue par la remise d’un document écrit explicatif. (070703) Deux femmes quant à elles rapportent avoir reçu un fascicule d’information lors de la rencontre avec leur praticien : pour la première, il s’agissait d’une brochure sur la ménopause et ses troubles (070401),pour l’autre, il était question d’un protocole de traitement hormonal de la ménopause. (070702)

Ainsi, les femmes qui cherchent à étayer leur savoir sur les bouffées de chaleur, la ménopause et la gestion de leurs troubles, s’adressent bien souvent à leur médecin traitant ou leur gynécologue. Mais si, comme nous l’avons vu, beaucoup de femmes se tournent

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préférentiellement lors de l’apparition des chaurées, vers le praticien qui les suivait auparavant, certaines ont une ligne de conduite autrement prédéfinie. Ainsi, une informante juge qu’il « Faut une bonne information du médecin traitant et (…) du gynécologue »

(062801) car elle estime, selon son vécu, que ces deux praticiens ont des points de vue sur la ménopause qui sont complémentaires.

iii. Rôle dans la prescription

Nous remarquons qu’outre la dimension d’information quant aux bouffées de chaleur et aux autres troubles présentés à la ménopause, le praticien est également sollicité pour des aspects de guidance thérapeutique. Certaines femmes s’attendent en effet à ce qu’il leur présente les différentes solutions thérapeutiques envisageables. Une informante explique : « Je ne savais pas du tout ce qu’il pouvait y avoir (…) s’il y a avait d’autres médicaments (que le traitement hormonal …) qu’on pouvait prendre ». (063001)

Il n’en demeure pas moins que certaines participantes rapportent avoir cherché de l’information au préalable à la rencontre avec un professionnel afin de l’orienter d’emblée vers la thérapeutique qu’elles ont déjà choisie.

Nous constatons que, généralement, le praticien qui suit la patiente est sollicité à cette occasion et devient, quand celle-ci le souhaite, acteur de la prise en charge médicamenteuse. Ce type de prescription, comme nous le verrons par la suite, sera fonction des qualifications et connaissances du prescripteur, mais surtout, dans de nombreux cas, des souhaits de la patiente. Ainsi, les praticiens cités dans notre enquête sont gynécologue, gynécologue homéopathe, médecin généraliste allopathe ou homéopathe.

Toutefois, nous notons également des variations d’attitude chez les praticiens. Certaines patientes ayant signalé des bouffées de chaleur invalidantes n’ont pas bénéficié de la prescription d’un traitement hormonal par leur gynécologue. L’une d’elle rapporte : « Il m’a dit : « Tant que vous supportez (…) je vous donne rien (…) non il vaut mieux, (…) c’est bien de faire comme ça » ». (061503) Elle semblait pourtant décrire des troubles relevant d’une prescription selon les recommandations professionnelles. Cette attitude peut être en lien avec la polémique issue de l’étude WHI dont nous reparlerons ultérieurement. Une informante affirme par ailleurs que son gynécologue l’a dirigée vers son médecin traitant pour la prise en charge de ses troubles. (062802)

Dans un autre cas, le traitement a été initié par un intervenant et supprimé par un autre. Une participante décrit ainsi qu’elle a arrêté son traitement hormonal au bout de 10 ans suite aux conseils de son médecin généraliste. (052701)

Nous avons pu remarquer que le recours aux professionnels de santé se fait plus dans le cadre d’une demande de prise en charge active que d’une simple demande d’informations ou de conseils. Mais, si le praticien a bien souvent un rôle de prescripteur privilégié, dans le cas où il se positionne comme tel, la prescription thérapeutique est d’abord fonction des souhaits de la patiente.