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A. Les bouffées de chaleur : symptôme clé de la ménopause

1. Les bouffées de chaleur : un symptôme en tête de file

a. Les bouffées de chaleur : un sujet prépondérant

A l’évocation de la « ménopause », les bouffées de chaleur viennent dans tous les esprits. Nous remarquons en effet qu’elles ont été citées dans tous les entretiens que nous avons réalisés et ce, de manière spontanée. Ce thème est de plus très rapidement abordé au cours de l’entretien : 18 fois sur 21, elles ont été citées moins de 3 minutes après le début de l’enregistrement, dont 12 fois au cours de la première minute.

En outre, elles ont été évoquées par toutes les informantes, qu’elles présentent ou non ce symptôme.

Selon les patientes, le mot employé pour désigner ce symptôme est très variable. Nous notons en effet un champ lexical relativement développé, puisque nous relèverons pas moins de 7 expressions pour les nommer : « bouffée de chaleur », « chaleurs », « bouffées », « suées », « sudations », « étouffement de chaleur », ainsi que « chaurées », terme typiquement lorrain. A la suite de ces entretiens, nous ne pouvons toutefois pas noter de désignation propre à une tranche d’âge ou à un département donné.

b. Des facteurs influant sur leur récurrence

Des facteurs favorisant ces bouffées de chaleur sont parfois décrits au cours des entretiens. Les chaurées sont propres à chaque femme, mais des contextes de chaleur ambiante, de fatigue ou de stress ont été plusieurs fois rapportés. Des facteurs alimentaires, comme la consommation d’aliments sucrés ou la prise d’alcool, ont également été cités. Une patiente a relevé des chaurées plus importantes en milieu de mois, à la date où elle aurait dû avoir ses règles, dit-elle.

Nous remarquerons par ailleurs que 2 patientes ont rapporté l’apparition de bouffées de chaleur, jugées par elles-mêmes importantes et invalidantes, alors qu’elles initiaient un sevrage tabagique.

c. Une perception variable

i. Description imagée du symptôme

La description de la bouffée de chaleur est tout à fait personnelle. Certaines la décrivent comme quelque chose qui part « de la base du cou et qui monte (…) et après, ça se propulse partout ». (052501) Cette notion de phénomène ascendant est fréquemment rapportée.

Souvent les patientes mettent l’accent sur le côté visible et coloré de la chaurée : « rouge pivoine », « tomate », « comme un coup de soleil ». Cette description est probablement en lien avec l’image qu’on leur renvoie et leur préoccupation face au regard des autres.

La sensation de chaleur est également relatée en des termes forts comme « on attrape le feu », « mon corps bouillait » ou encore « on étouffe des fois, on étouffe vraiment ». (062901)

Beaucoup de femmes relient la bouffée de chaleur à sa conséquence physiologique : les sueurs. Certaines mettent plus en avant cette conséquence car bien souvent, c’est elle qui entraîne un comportement compensatoire que nous détaillerons ultérieurement.

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En effet, ces sudations, résultant de la phase « descendante » de la chaurée, entraînent une gêne plus ou moins importante selon leur intensité. Des expressions comme « à grosses gouttes », « je dégoulinais presque » (052701) ont été employées pour bien imager le vécu. Certaines femmes décrivent ces suées comme un facteur nouveau pour elle et d’autant plus désagréable : « C'était impressionnant, toujours en sueur, ce côté désagréable de transpirer ... Moi qui n'ai jamais transpiré de ma vie, ça perlait sur le visage ... ». (061402)

En utilisant un vocabulaire varié, les femmes décrivent toutes les bouffées de chaleur avec des termes choisis en fonction de leur degré de gêne. Plus celle-ci est intense, plus la description est riche et les mots lourds de sens, mettant leur ressenti en image, afin de transcrire au mieux leurs émotions et leurs difficultés.

ii. Notion de durée

Toutes les femmes qui décrivent précisément le symptôme de chaurée, s’accordent à dire qu’il s’agit de quelque chose de très éphémère : « C’est très rapide une bouffée … très rapide ça dure (…) entre 50 (et) 60 secondes, une minute, c'est très, très rapide ». (052501)

Toutefois, leur fréquence et leur intensité sont bien souvent mises en avant car elles conditionnent en partie le retentissement des bouffées de chaleur sur la qualité de vie, ainsi que nous l’expliciterons ultérieurement.

Les bouffées de chaleur sont bien souvent un symptôme qui reste présent dans le temps, mais leur durée est vraiment propre à chaque femme. Selon les patientes rencontrées, elles ont été perçues pendant 1 mois (disparition sous traitement) ou jusqu’à durant plus de 10 ans. Certaines citent même, avec une certaine crainte, des exemples de femmes pour qui les chaurées « ont duré (…) jusqu’à 70 ans ». (061502)

Et, autant en termes de durée, certaines sont plutôt affirmatives en disant : « Ca peut durer 5-6 ans une ménopause » (052501), autant d’autres ont une attitude plutôt fataliste du type : « Ca peut durer 10 ans comme 15- 20 ans, ils savent pas (les médecins) exactement … ».

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Mais, une grande partie des informantes signalent une diminution des symptômes dans le temps, ce qui leur facilite le quotidien : « A vrai dire, j’en ai pratiquement plus … j’en ai eu pas mal avant, maintenant ça va ... ». (070402) Cette diminution concerne la fréquence des chaurées, mais aussi leur force avec des bouffées de chaleur qui « montent (…), mais moins intensément ». (052501)

iii. Circonstances d’apparition

Environ la moitié des informantes signalent une majorité de bouffées de chaleur nocturnes ou toutefois, des symptômes exacerbés la nuit. Un exemple en est cette citation : « Je me couche je suis sec et je me lève, je suis trempée, mais jusqu’aux cheveux ».

(061501) En comparant leurs symptômes diurnes et nocturnes, plusieurs patientes mettent l’accent sur le retentissement de leurs chaurées, particulièrement invalidantes la nuit : « Dans la journée, les bouffées de chaleur ça arrive, mais bon … à coté de ce que je vis la nuit, c’est rien … ». (061501)

Les conséquences de ces chaurées nocturnes sont souvent décrites comme pénibles du fait des adaptations comportementales qu’elles provoquent, comme nous l’expliciterons plus tard.

Par ailleurs, certaines participantes relient leur type d’activité à l’apparition de leurs bouffées de chaleur. Comme le dit cette femme, « En général, ça vous prend toujours au boulot … ». Une autre, au contraire, par comparaison avec le vécu de femmes de son

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entourage, estime avoir été moins gênée la journée parce qu’elle n’était « pas coincée dans un bureau, dans un lieu clos … en même temps (elle) vaquait à mes occupations, (elle) pouvait sortir ... ». (070702) Tout comme l’explique une autre participante, le fait d’avoir une « vie plus calme » serait, par comparaison à des journées bien remplies, un facteur favorisant l’apparition des bouffées de chaleur. Ne faut-il pas entendre par là que les femmes très occupées font moins attention à leurs symptômes ?

Enfin une participante rapporte que ses chaurées « …viennent n'importe quand, on sait même pas pourquoi elles viennent (...) ça vient d'un seul coup, pourtant on est détendue ».

(052501) Ce côté imprévisible est particulièrement mal vécu par certaines qui perçoivent cela avec un certain agacement, comme si elles étaient à la merci de leur corps.

d. Un retentissement sur la qualité de vie propre à chaque femme

Presque la moitié des informantes désignent leurs bouffées de chaleur comme le symptôme le plus gênant de leur ménopause.

Comme nous l’avons dit précédemment, la récurrence des bouffées de chaleur a un impact sur la qualité de vie. Certaines femmes signalent des chaurées particulièrement fréquentes voir en quasi-permanence : « Et puis, j'en faisais beaucoup, beaucoup ... J'en faisais, je ne sais pas moi, toutes les 10 minutes, tous les quarts d'heure » (061402) ce qui fatalement perturbe le quotidien. (051501) A contrario, c’est parfois justement cette faible récurrence qui les rend d’autant plus acceptable : « Dans la journée, les bouffées de chaleur je vous dis, j’en ai tellement peu que ça m’incommode pas du tout … ». (061501)

Toutefois, l’intensité des symptômes a tout autant une grande responsabilité dans la gêne ressentie. Comme en témoigne cet extrait : « Quelquefois j'avais l'impression, quand la bouffée de chaleur arrivait, que mon corps à l'intérieur bouillait (…) Vous avez une chaleur sous la peau, un truc ... C'est très désagréable », (061402) les bouffées de chaleur sont parfois décrites comme d’une rare force qui induit chez les femmes une véritable sensation de malaise. (070801) De même, les sueurs nocturnes sont particulièrement invalidantes de par leur intensité, une femme se disant même « Tout le temps trempée, la chemise de nuit presque à tordre ». (061502) Par comparaison, d’autres relatent des symptômes tout à fait modérés, ne transpirant « … que comme ça (…), plutôt de la tête que d’autre chose ». (070801)

Une informante déclare : « Il y a des femmes qui disent qui rougissent, ça se voit (…) moi apparemment, ça s’est jamais vu quoi … … donc je pense qu’il y a différentes formes de bouffées ». (062802)

A la vue de l’ensemble des descriptions rapportées, il semblerait plus approprié de dire, non pas qu’il y a plusieurs sortes de bouffées de chaleur, mais qu’il s’agit là d’un phénomène unique dont la force est variable et donc la gêne ressentie, tout à fait propre à un individu. De ce fait, mais également de par la sensibilité propre à chaque personne, la chaurée sera donc décrite autrement, la patiente mettant plus l’accent sur tel ou tel aspect du ressenti. Ainsi, nous pouvons penser que les bouffées de chaleur ne sont pas de nature différentes selon les femmes, mais leur intensité et leur fréquence qui présentent une grande variabilité interindividuelle, cumulée à un ressenti éminemment personnel, impactent leur appréciation de leur qualité de vie.

Par ailleurs, comme cité précédemment, la récurrence de ces manifestations nocturnes perturbe la vie des femmes. D’une part leur sommeil est rythmé au gré de ces réveils intempestifs, d’autre part, cela a pour conséquence de « (leur) gâcher un peu (leurs) journées »

(070402),comme en témoignent certaines : « On se réveille tellement qu'on a des bouffées de chaleur bon, on arrive déjà pas à se rendormir tout de suite (…) quand il faut aller au boulot

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le lendemain matin des fois, c'est un petit peu dur ... » (052701), « … parce que, quand on dort pas bien après la journée, on n’est pas bien non plus ». (070402) Nombreuses sont celles qui rapportent en effet de véritables troubles du sommeil en lien direct avec leurs suées nocturnes.

En outre, une patiente expose aussi le problème de pathologies ORL suite à « des coups de froid », alors qu’elle avait transpiré. (061402)

Du fait de ces symptômes, certaines patientes ont dû mettre en place des stratégies comportementales de compensation.

Suite à une chaurée, nombreuses sont celles qui souhaitent se rafraîchir, leur premier geste étant d’aller boire un verre d’eau. Une patiente par la même occasion souligne le fait qu’elle boit beaucoup plus du fait de ses transpirations excessives. (052501) D’autres se décrivant comme « en sueurs », vont se doucher ou « prendre le frais ». (062002)

Beaucoup de participantes parlent de se découvrir « en enlevant le surplus d’une veste et ainsi de suite » (070702), ou d’autres adaptations vestimentaires, une informante racontant : « Je ne porte pas de col roulé (…). Même encore aujourd'hui je préfère mettre plusieurs couches avec du coton (…) que la laine ou un truc très chaud (…), tout ce qui est fermé ici, je ne supporte pas, chose que je n'avais pas remarquée avant ». (061402) Afin de ne pas se retrouver démunie au décours des sudations, une dame parle « d’une écharpe en soie toute fine (qu’elle) reposait sur les épaules » et qu’elle avait toujours avec elle. (070702)

La nuit, un certain nombre de femmes ont pris « l'habitude de dormir un coup les pieds dehors, un coup avec la couverture, un coup qu'avec le drap » (061402) relatant bien cette succession de coups de « chaud-froid » selon la récurrence de bouffées de chaleur et de sudations nocturnes. Parmi elles, nous dénombrons plusieurs participantes qui changeaient de vêtement en cours de nuit, quand ce n’était pas carrément de lit (070702), le coton étant cité 2 fois comme une matière adaptée du fait, probablement, de son pouvoir absorbant. Toutefois, malgré la gêne occasionnée par ces bouffées de chaleur, aucune n’a évoqué le fait de dormir nue.

Mais, une grande partie des informantes relatent également une gêne vis-à-vis de leur entourage ou lors d’une assemblée. Leurs propos donnent à penser que le fait que leurs bouffées de chaleur soient visibles, est vécu comme une trahison de leur corps qui révèle leur condition de femme ménopausée. Une patiente décrit en effet une certaine confusion lorsqu’elle présente une chaurée en présence d’un homme. D’autres signalent être embarrassées dans leur vie professionnelle, face à des clientes par lesquelles « il fallait (…) être correctement vue ». (070801) Une femme raconte qu’elle ne se sent « pas très à l’aise devant les autres personnes, çà se remarque pas mal, (…) et puis les gens sourient un peu ».

(061502) Certaines encore avouent éprouver un véritable malaise du fait de réflexions du type : « Elle a bu un petit coup … on voit que ça te fait déjà de l’effet ». (062802) Enfin, une femme décrit une sincère honte à être vue en public lorsqu’elle présente ces bouffées de chaleur, alors que ce phénomène est bien évidemment totalement indépendant de sa volonté. Nous pouvons penser que la perception d’une faiblesse du corps qui transpire, l’imperfection de l’image de la femme ou la peur de moqueries sont des éléments qui peuvent contribuer à mettre la femme mal à l’aise.

Témoin de ce contraste et de ce ressenti propre à chaque femme, les unes disent : « J’avoue ça m’empêche pas de vivre, c’est gênant, mais ça m’empêche pas de vivre … »

(062802) alors qu’une autre conclut : « On n’arrive pas à vivre normalement avec ces bouffées de chaleur … ». (062801) L’ensemble de ces facteurs impactent donc plus ou moins selon les cas, la qualité de vie des femmes et conditionnent leurs attitudes. Du fait de ce vécu

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difficile, certaines parmi elles se sont mises en devoir de trouver une réponse à ces symptômes, presque avec résignation : « Bon bein, il faut quand même que je prenne quelque chose, je peux pas rester comme ça … ». (070402) Parmi les participantes, des femmes au contraire racontent avoir « attendu que ça se passe », jugeant leurs chaurées « supportables ».

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Plusieurs informantes ont également évoqué la notion de seuil de tolérance variable selon les personnes et propre à chacune, qui définit le caractère infiniment personnel du vécu de chaque femme. Malgré cela, l’une d’entre elles avoue : « Y en a, elles prennent même rien du tout … je sais pas comment elles font ». (070402)

D’autres encore ont pris le parti de vivre la chose avec humour, mais souvent après un certain laps de temps par rapport au début de leurs symptômes, ceux-ci s’étant atténués du fait de thérapeutiques initiées ou du temps écoulé.