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F. Place du médecin généraliste dans la prise en charge des bouffées de chaleur

4. Facteurs limitant la place du médecin généraliste dans la prise en charge des

a. Réticences à l’initiative de la femme

i. Une interaction parfois biaisée.

Trois de nos informantes objectent quelques remarques, quant aux liens établis avec leur médecin généraliste.

La première souligne qu’elle n’a pas été entendue dans ses souhaits de prise en charge de ses migraines. Elle dit en effet : « Quand j’avais dit à mon généraliste, j’aimerais bien, avant de prendre des médicaments, faire de l’acuponcture, il m’a envoyée balader … ». (070801)

Les mots employés laissent à penser que la question n’a pas été discutée, comme si le médecin avait clos le débat. Ceci désigne un défaut de communication entre le praticien et la patiente.

Une autre participante estime « qu’à moment donné, (…) quand on a trop l’habitude d’aller chez le même docteur (…) il nous regarde plus comme (avant) (…) il prend plus autant de temps après nous ». (062002)

Cette remarque, qui ne cible pas un praticien en particulier, n’a été faite que par cette participante, la plupart de nos informantes décrivant au contraire cette relation de suivi sur le long terme, comme un atout majeur de la prise en charge.

Par ailleurs, une informatrice explique : « Enfin moi, je pense comme ça, après je me laisse faire, je lui fais confiance … et puis, si j’ai envie d’aller sans son avis, j’irai sans son avis aussi, parce que voilà … on est pas obligée non plus de toujours (rires) … et puis même s’il y a un endroit où j’ai envie d’aller (…) je vais y aller sans la lettre … parce que je pense que je suis responsable de mon corps (rires) et de ma vie … ». Elle ajoute tout de même : « Enfin en principe, ça se passe bien … ». (061403)

Cette informante souligne ainsi que les décisions en matière de santé lui appartiennent et estime qu’il est de son rôle de gérer sa santé, bien qu’elle ait toute confiance en son médecin généraliste. Elle indique tout de même à mi-mots que cette attitude est parfois source de conflits avec son praticien.

Par ailleurs, une participante exposera le problème du statut de son médecin généraliste, qui se trouve être son frère, ce qui, selon elle, rend les choses moins faciles. (070801)

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Ces différents témoignages décrivent l’interaction médecin généraliste - patiente comme comportant parfois quelques irrégularités. Si ces dernières se rapportent au cadre définissant leur relation, elles peuvent également impacter la décision de recourir ou non au médecin généraliste pour la gestion des chaurées.

D’autres aspects apparaissent toutefois comme plus directement en lien avec ce choix d’interlocuteur.

ii. Place attribuée par la patiente à son généraliste

Comme explicité précédemment, certaines femmes rapportent ne pas s’être tournées vers leur généraliste pour le problème de leurs chaurées car leur suivi était déjà orchestré par leur gynécologue. (052701 / 061501)

Il faut noter que nous n’avons pas pu mettre en évidence un lien éventuel entre un suivi gynécologique irrégulier et l’absence de communication sur le sujet des chaurées. Effectivement, pour les trois participantes signalant un suivi espacé dans le temps, l’une a consulté son gynécologue en période de ménopause et les deux autres ont vu le sujet des bouffées de chaleur avec leur médecin généraliste. Celui-ci a été à l’initiative de la discussion dans un des deux cas.

Pour d’autres, les bouffées de chaleur n’ont pas été mentionnées à leur médecin généraliste, par manque d’occasion, leurs consultations à son encontre étant peu fréquentes à l’époque de leur ménopause. (052701)

La raison invoquée par une participante est l’inexistence du parcours de soin à l’époque de sa ménopause. Ainsi, elle a choisi d’aller directement voir sa gynécologue. (060801)

Une autre explique « Qu’ (elle) parle pas, jamais de ça ». (061502) De fait, l’ensemble des praticiens qu’elle a consultés ont été tenus à l’écart de la gestion de ses chaurées, y compris son médecin généraliste.

Une autre informatrice rapporte, comme prétexte de ce non-dialogue, que son médecin « ne (lui) posait pas de question ». (070702) Ces propos évoquent également l’implication proposée par le médecin généraliste, sujet que nous développerons par la suite.

Mais l’ensemble de ces justifications présuppose tout de même que ces patientes ont fait le choix de ne pas aller consulter leur médecin généraliste pour le motif spécifique de la gestion de leurs bouffées de chaleur.

Une autre dira que : « C’était au gynécologue de proposer » (un traitement). (052701) Une autre encore déclarera qu’elle n’en a pas parlé avec son généraliste car : « Pour (elle), c’est un problème gynécologique ». (070801)

Une troisième participante explique que le spécialiste référent de la discipline lui semble l’interlocuteur tout désigné. (061501)

Le généraliste est ici exclu des interlocuteurs et prescripteurs potentiels, de manière intentionnelle ou non, selon l’informante désignée.

Ainsi, la place attribuée par la femme à son médecin généraliste, en matière de gestion des bouffées de chaleur, est propre à chacune d’elle.

Dans le cas de nos informantes, nous avons pu remarquer que les patientes suivies par leur médecin généraliste, sur le plan gynécologique, se sont tournées vers lui pour la prise en charge de leurs bouffées de chaleur, si tant est qu’elles aient cherché un interlocuteur.

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Mais, ainsi que nous l’avons vu précédemment, deux informantes, suivies par leur gynécologue, ont eu un parcours plus complexe. Elles ont effectivement consulté leur médecin généraliste à un moment donné dans ce chemin thérapeutique, mais celui-ci n’a pas forcément été en première ligne.

Et, si dans bien des cas, le médecin généraliste n’a pas été l’interlocuteur principal dans la prise en charge des bouffées de chaleur, pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer, nous avons pu remarquer que dans 6 cas sur 21, il n’a pas du tout eu connaissance de l’existence de ces chaurées.

Mais, l’implication du généraliste dans la gestion des bouffées de chaleur n’est pas uniquement du fait de la patiente. Comme dans toute interaction humaine, cette place dépend aussi de la manière dont le médecin généraliste s’engage dans cette relation.

b. Engagement du médecin généraliste dans la prise en charge des bouffées de chaleur

Comme nous l’avons évoqué précédemment, une informante explique que son médecin généraliste : « ne (lui) posait pas de question » sur sa ménopause. (070702)

Nous avons pu relever a contrario, que trois autres participantes signalent que c’est leur médecin généraliste qui les avait interrogées sur les symptômes de leur ménopause et notamment quant à l’apparition de leurs bouffées de chaleur.

Cette prise d’initiative de la part du praticien désigne explicitement sa volonté de s’impliquer dans la prise en charge des bouffées de chaleur de la femme, ou tout au moins, de sa disponibilité, si besoin il y a.

Par ailleurs, une participante évoque un cadre plus général d’engagement du généraliste dans la vie gynécologique de la femme. Elle déclare : « Oui ce côté-là, je pense que c’est le gynécologue de toute façon, (…) je veux dire, aujourd’hui rares sont les généralistes qui font un toucher vaginal (…) ». Après réflexion, elle ajoute : « Ca peut être le généraliste aussi … si y a un bon généraliste qui accepte de le faire … mais sinon le gynécologue … mais je crois qu’aujourd’hui, presque tout le monde va voir un gynécologue … mais pas tous ... pas tout le monde … ». (070703)

Ainsi, certaines présupposent que l’ensemble des généralistes ne font pas de suivi gynécologique. Or, nous avons déjà constaté qu’un certain nombre de femmes ont tendance à voir en leur praticien habituel, l’interlocuteur privilégié.

C’est pourquoi, cette conception n’incite pas les femmes à envisager leur médecin généraliste en tant qu’interlocuteur potentiel pour la prise en charge de leurs bouffées de chaleur, celui-ci ne s’étant jusque-là pas toujours impliqué dans leur histoire gynécologique.

Cependant, cette dernière constate néanmoins : « J’ai toujours séparé, c’est vrai … mais bon, ça c’est aussi le fait qu’on a toujours séparé (…) Ca s’est imposé … mais si vraiment y avait une confiance dans le généraliste qui faisait ça … bein, je vois pas pourquoi j’irais voir le gynécologue … … s’il était compétent ».

Ainsi, la place du médecin généraliste dans la prise en charge des bouffées de chaleur semble être aussi fonction de sa volonté d’engagement dans le suivi gynécologique des femmes, certaines parmi elles étant prêtes à le consulter pour ce motif.

Toutefois, nous avons pu constater que, si certains généralistes ne font pas de suivi gynécologique, ils ont été impliqués par certaines informantes dans la gestion de leurs

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chaurées. La place du médecin généraliste ne dépend donc pas automatiquement que de son statut de praticien de suivi.

Ainsi donc, le rôle du médecin généraliste dans la gestion des bouffées de chaleur, ne semble pas être différent de celui du gynécologue. Toutefois, sa place dans la prise en charge des chaurées est directement en lien avec le degré d’implication souhaité par la patiente. Cette place est également fonction de l’engagement proposé par le médecin vis-à-vis de cette problématique, l’interaction médecin généraliste - patiente ne pouvant pleinement fonctionner que si les deux protagonistes acceptent d’interagir.

Une informatrice conclura ainsi : « Le médecin traitant a un grand rôle à jouer avec sa patiente et vice-versa … la patiente avec son médecin … » (070701), preuve de la nécessité d’un engagement mutuel entre patiente et médecin généraliste.

En conclusion, parmi tous les symptômes présentés lors de la ménopause, les bouffées de chaleur semblent bien être celui qui prédomine. Leur vécu est fonction d’un certain nombre de facteurs qui régissent ce symptôme mais aussi d’aspects d’ordre psychologique.

La ménopause est effectivement une période de transition, passage obligatoire, marqué par une succession d’évènement de vie. Le ressenti lors de cette étape dépend de l’acceptation des modifications corporelles mais aussi d’un certain nombre de deuils tels celui de la jeunesse et de la maternité. Pour certaines femmes, cette transition marque également le début d’une deuxième vie, libérée de la contrainte des menstruations coïncidant avec la fin de la charge des enfants.

Le désir d’information des femmes rencontrées est variable et dépend de ce ressenti. Certaines cherchent un grand nombre d’informations et utilisent des sources variées, dont plusieurs sont sujettes à caution.

Par ailleurs, nombre d’entre elles se tournent vers des membres de leur entourage, unique ou multiple, dont le rôle est défini en fonction des liens qui les unissent.

La plupart des informantes se tournent vers des interlocuteurs du milieu professionnel, les médecins, gynécologue ou généraliste étant les plus représentés. De par une prise en charge initiée de longue date, celui-ci est en position d’interlocuteur privilégié, les femmes ne semblant pas changer d’intervenant pour leur suivi à cette période. Son rôle peut consister en celui d’un informateur, source d’un savoir expert, actualisé et fruit d’une analyse personnalisée des symptômes par le biais d’une interaction verbale. Par ailleurs, les praticiens sont souvent consultés en qualité de prescripteurs. A noter toutefois que le pharmacien a été également directement sollicité par les femmes en tant que conseiller thérapeutique.

Sur le plan thérapeutique, nous avons pu dégager de l’ensemble de nos résultats certains profils de patientes :

 Certaines sont des anti-THM : elles ont d’emblée exclu l’usage de cette thérapie. Cette conduite est majoritairement guidée par une peur du cancer du sein, stigmate de la polémique « WHI », largement relayée par les médias.

D’autres sont décidées à prendre des traitements « naturels », qui désignent bien souvent des médecines dites complémentaires ou alternatives telles la phytothérapie ou l’homéopathie.

D’autres ont suivi les conseils de leur(s) praticien(s), que la thérapeutique préconisée soit hormonale ou non car elles ont confiance en leurs préconisations

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 Enfin, certaines femmes sont bien décidées à ne rien prendre du tout.

Si toutes nos informantes sont représentées dans ces 4 catégories, certaines ont pu évoluer dans cette classification, de par leur parcours complexe.

Enfin, la place du médecin est définie sur la base d’une relation de confiance d’écoute et de réassurance, éléments semblant primordiaux. Malgré cela, un certain nombre de freins à cette prise en charge ont été évoqués. Si l’interaction médecin généraliste-patiente est singulière de par la connaissance approfondie que le praticien a de sa patiente et le caractère global de sa prise en charge, d’autres facteurs spécifiques à celle-ci ont été identifés comme obstacle à cette interrelation. Et, si la place du médecin généraliste dans la prise en charge des bouffées de chaleur semble fonction de la place que la patiente lui attribue, elle dépend également du degré de disponibilité du médecin.

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IV - DISCUSSION