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Chapitre I : Introduction – Les infections bactériennes

A. La virulence bactérienne chez Pseudomonas aeruginosa

A.4. Les organismes modèles pour l’étude de P. aeruginosa

Quand un pathogène rencontre un hôte, tout un ensemble de mécanismes sont mis en place par les deux protagonistes dans le but, pour l’un comme pour l’autre, de survivre. Le pathogène utilise des facteurs de virulence qui lui permettent de détourner les fonctions de l’hôte à son profit, d’échapper aux mécanismes de défense de l’hôte ou encore d’attaquer directement les cellules, les tissus et les organes de l’hôte. Dans la plupart des cas, l’hôte réagit face à cette attaque et met en place à son tour tout un arsenal pour se défendre. Les différents mécanismes de défense de l’hôte permettent de bloquer les facteurs de virulence du

pathogène et/ou de détruire ce pathogène. L’étude des relations hôte-pathogène a pour but de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu lors d’une infection, à la fois par l’homme ou l’animal (l’hôte) et par le microorganisme (le pathogène). Cette meilleure compréhension peut permettre de développer des thérapies mieux ciblées et plus efficaces contre les pathogènes.

L’outil principal dans l’étude des relations hôte-pathogène est l’utilisation de modèles d’infection. Dans le cas de l’étude des infections bactériennes, les chercheurs ont recours à des hôtes modèles et parfois aussi à des modèles bactériens. Le but est de se donner les moyens d’étudier plus facilement et plus rapidement les mécanismes mis en jeu dans les interactions hôte-pathogène. Puisqu’il est difficile d’étudier les mécanismes d’infection chez l’homme, les hôtes modèles sont indispensables. En revanche, côté bactéries, il est assez facile d’utiliser directement l’agent pathogène mis en cause, mais l’utilisation de modèles simplifiés peut aussi avoir des avantages. Par exemple, Mycobacterium marinum est souvent utilisé comme modèle à la place de M. tuberculosis, l’agent responsable de la tuberculose. M.

marinum cause chez le poisson des symptômes similaires à ceux observés chez les patients atteints de tuberculose, et utilise les mêmes mécanismes d’infection que M. tuberculosis, ce qui en fait un bon modèle (Stamm and Brown, 2004, Shiloh and DiGiuseppe Champion, 2010). L’avantage d’utiliser M. marinum plutôt que M. tuberculosis est que cette bactérie est beaucoup moins dangereuse pour l’homme et donc pour le chercheur qui la manipule. M.

marinum meurt à 37°C et ne peut donc survivre dans le corps humain qu’au niveau des extrémités (mains et pieds) où la température est plus basse. Cette bactérie peut provoquer une infection locale chez l’homme, sous forme de nodules, au niveau des mains ou des pieds.

Comparé au risque de développer une tuberculose avec M. tuberculosis, le niveau de dangerosité de M. marinum est nettement inférieur, M. tuberculosis est d’ailleurs classifiée P3 alors que M. marinum est classifiée P2 (Directives – Classification des organismes – Bactéries, OFEFP (Office Fédéral de l’Environnement, des Forêts et du Paysage), 2003).

Les premiers hôtes modèles utilisés classiquement en laboratoire ont été des petits mammifères comme la souris, le rat, le cobaye ou le lapin mais aussi le chimpanzé qui est un des animaux les plus proches de l’homme dans l’évolution. Ces modèles d’études sont extrêmement coûteux et peu pratiques compte tenu du nombre d’animaux, de la dimension des laboratoires et du matériel nécessaires. De plus, pour des raisons éthiques, des efforts sont développés aujourd’hui pour mettre en place, lorsque cela est possible, des modèles non-mammifères, voire non-animaux. Le principe 3R, « Reduce, Refine, Replace » ou « Réduire, Réformer, Remplacer », a été développé dans le but de réduire autant que possible l’utilisation

d’animaux, d’utiliser des protocoles de moins en moins contraignants pour les animaux et de remplacer l’utilisation des animaux par d’autres modèles (Fondation Recherches 3R : www.forschung3r.ch ; OVF, Office Vétérinaire Fédéral : www.bvet.admin.ch). Evidemment, l’utilisation de modèles mammifères classiques reste indispensable dans certains cas.

Les modèles non-mammifères qui ont été développés ces dernières années utilisent la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster, le nématode Caenorhabditis elegans, et plus récemment l’amibe Dictyostelium discoideum (Dorer and Isberg, 2006, Fuchs and Mylonakis, 2006). Ils ont l’avantage d’être beaucoup plus simples à manipuler en laboratoire.

La place et le matériel nécessaires sont moindres et beaucoup moins coûteux. La plus petite taille de leur génome (Table 1) simplifie les analyses génétiques et de nombreux outils ont été développés pour leur étude physiologique, génétique ou biochimique. La plupart des bactéries infectant l’homme sont susceptibles d’infecter ces organismes dans leur environnement naturel et beaucoup de découvertes faites sur ces modèles non-mammifères ont été vérifiées par la suite chez des modèles mammifères, confirmant le haut degré de conservation des fonctions biologiques classiques entre ces organismes (Pradel and Ewbank, 2004). D.

melanogaster et C. elegans sont dépourvus de système immunitaire adaptatif et D.

discoideum, organisme unicellulaire, est un phagocyte professionnel très ressemblant aux macrophages. Ces trois hôtes modèles conviennent parfaitement à l’étude spécifique du système immunitaire inné, tant au niveau de l’organisme tout entier (D. melanogaster et C.

elegans), qu’au niveau cellulaire (D. discoideum et culture de cellules de D. melanogaster).

Dans le cas particulier de la bactérie P. aeruginosa, différents modèles d’étude ont été utilisés (Table 1). Les résultats obtenus, les avantages et les inconvénients de chaque modèle sont présentés dans les paragraphes ci-dessous, en allant du modèle le plus compliqué au plus simple d’utilisation : la souris (Mus musculus), le petit poisson Zebrafish (Danio rerio), la plante Arabidopsis thaliana, l’insecte D. melanogaster, le nématode C. elegans et l’amibe D.

discoideum. L’arbre phylogénétique des eucaryotes reflète les divergences génétiques entre ces différents organismes (Figure 4).

Figure 4 : Phylogénie des eucaryotes.

Phylogénie des eucaryotes basée sur la protéomique, d’après (Eichinger et al., 2005). La souris (Mus musculus), qui n’est pas représentée sur cet arbre, diverge de la branche menant aux humains après la divergence mammifères-poissons. Les espèces non-spécifiées sont : Plasmodium falciparum (« malaria parasite », parasite responsable de la malaria), Chlamydomonas reinhardtii (« green alga », algue verte), Oryza sativa (« rice », riz), Zea mays (« maize », maïs), Takifugu rubripes (« fish », poisson) et Anopheles gambiae (« mosquito », moustique).

A. thaliana D. discoideum C. elegans D. melanogaster 00

dictybase.org wormbase.org flybase.net zfin.org informatics .jax.org

Table 1 : Comparaison des différents hôtes modèles utilisés pour l’étude des infections à P. aeruginosa.

(Remarque : D. discoideum est le seul organisme haploïde.)

A.4.a La souris

La souris (M. musculus), tout comme le rat, est sensible à un grand nombre de pathogènes infectant l’homme et est utilisée depuis longtemps en laboratoire comme modèle mammifère pour étudier les infections humaines. Cet animal possède un système immunitaire très similaire à celui de l’homme avec une réponse immunitaire innée et une réponse adaptative (Buer and Balling, 2003, Mestas and Hughes, 2004). Le génome est totalement séquencé depuis 2002 (Waterston et al., 2002) et présente 90% de similarité avec le génome humain séquencé une année auparavant (Lander et al., 2001, Venter et al., 2001). Les techniques de « DNA microarray » et d’ARN interférence (ARNi) permettent de suivre l’expression des gènes ou de les éteindre (Hasuwa et al., 2002, McCaffrey et al., 2002), et les techniques de transgenèse, de recombinaison homologue et de mutagenèse chimique ont permis de générer des mutants. Ces nombreux outils génétiques sont maintenant bien développés et facilitent les études sur cet animal. La souris a aussi l’avantage d’être un mammifère de petite taille. De plus, le temps de gestation est de 21 jours et il faut attendre environ 3 mois pour obtenir une souris adulte capable de se reproduire.

La virulence de P. aeruginosa est étudiée chez la souris depuis longtemps et différents modèles ont été développés, permettant l’étude d’une infection au niveau des poumons (Stotland et al., 2000, Comolli et al., 1999), au niveau d’une brûlure sur la peau (Bielecki et al., 2008), ou encore, au niveau de la cornée (Hazlett, 2007). Comme l’homme, les souris adultes sont normalement peu sensibles aux infections par P. aeruginosa, c’est pourquoi, pour générer une infection pulmonaire par exemple, les chercheurs utilisent des souris dont les défenses immunitaires sont altérées, des souris ayant subit un traitement immunosuppresseur au préalable (par exemple, traitement à la cyclophosphamide à j-3 et j-1 avant l’infection (Alibaud et al., 2008)) ou des souriceaux âgés de 7 à 10 jours (Pearson et al., 2000). De nombreux facteurs de virulence de P. aeruginosa ont été mis en évidence grâce au modèle souris, dont le QS et le SSTT (voir ci-dessous).

L’implication du QS dans la pathogénicité de P. aeruginosa a été démontrée par l’utilisation de mutants du QS dans deux modèles d’infections différents : le modèle d’infection au niveau d’une brûlure sur la peau, et le modèle d’infection pulmonaire aiguë induite par inoculation intranasale des bactéries (Rumbaugh et al., 1999, Pearson et al., 2000).

Après inoculation de P. aeruginosa sauvages (« wild-type », WT) au niveau d’un site de brûlure, l’infection se propage rapidement dans tout l’organisme. L’étendue de l’infection est

réduite lorsque les souris sont infectées par des souches de P. aeruginosa mutées dans les gènes de QS et la mortalité des souris est diminuée de 55% avec les mutants ∆lasI et ∆rhlI, de 70% avec le mutant ∆lasR, et de plus de 90% avec le double mutant ∆lasI-∆rhlI (Rumbaugh et al., 1999). Dans le cas d’une infection pulmonaire aiguë, le développement d’une pneumonie et la mortalité chez les souris inoculées par les souches mutantes de P.

aeruginosa, diminuent de 50% avec le mutant ∆lasI , de 78% avec ∆rhlI et jusqu’à 80% avec le double mutant ∆lasI-∆rhlI, par rapport à une infection causée par une souche WT (Pearson et al., 2000). Le QS joue donc un rôle important dans la virulence de P. aeruginosa lors d’une infection pulmonaire ou au niveau d’une brûlure chez la souris et cela à été confirmé également lors d’une infection au niveau de la cornée (Zhu et al., 2004).

La virulence de P. aeruginosa induite par le SSTT a été testée dans le modèle d’infection pulmonaire aiguë (Shaver and Hauser, 2004). La virulence était estimée en mesurant la persistance des bactéries au niveau des poumons, la dissémination des bactéries jusqu’au foie et à la rate, et la survie des souris infectées. Une souche de P. aeruginosa mutée pour les trois exoenzymes ExoU, ExoS et ExoT est beaucoup moins virulente que la souche sauvage isogénique. L’expression d’une seule des trois exoenzymes augmente la virulence de la bactérie dans le cas de ExoU et ExoS mais pas dans le cas de ExoT. Dans le modèle d’infection pulmonaire aiguë, les protéines effectrices ExoU et ExoS sécrétées par le SSTT sont des facteurs de virulence importants (Shaver and Hauser, 2004).

Le principal avantage de la souris est qu’elle est le modèle mammifère le plus simple à utiliser en laboratoire. Mais aujourd’hui, son utilisation comme modèle pose un certain nombre de problèmes. Le genre d’études que je viens de présenter ci-dessus nécessite un grand nombre d’animaux, au minimum 5 souris pour chaque souche bactérienne testée, et chaque condition. Au-delà du coût engendré, des raisons éthiques poussent les chercheurs à trouver d’autres modèles d’étude. C’est pourquoi de nouveaux modèles hôtes non-mammifères ont été développés ces dernières années.

A.4.b Zebrafish

Le poisson zèbre D. rerio, appelé communément zebrafish, est un petit poisson qui présente de nombreux avantages comme modèle hôte. Sa petite taille permet d’élever un grand nombre d’individus dans un espace beaucoup plus restreint que celui nécessaire à l’élevage de souris. Le développement des embryons en dehors du corps de leurs parents et la

transparence de cet organisme favorisent les études de développement, d’organogenèse et permettent de suivre à l’œil nu ou au microscope l’évolution d’une infection bactérienne, et la colonisation de l’organisme entier par les bactéries. Pour l’étude des infections, le zebrafish a l’avantage de présenter comme les mammifères, un système immunitaire inné et un système immunitaire adaptatif (Trede et al., 2001, Zarkadis et al., 2001). Des outils génétiques ont été développés comme la mutagenèse aléatoire ou dirigée et l’inactivation de l’expression des gènes par ARNi (Wienholds et al., 2002, Furutani-Seiki et al., 2004, Nasevicius and Ekker, 2000). De plus le génome de zebrafish est séquencé depuis 2005 (http://zfin.org). D'un point de vue éthique, les expériences avec zebrafish sont perçues comme moins problématiques.

Zebrafish est utilisé pour étudier la virulence de nombreux pathogènes : M. marinum, Salmonella typhimurium, Streptococcus iniae et S. aureus (Prajsnar et al., 2008, Davis et al., 2002, van der Sar et al., 2003, Neely et al., 2002) et le modèle d’infection zebrafish-Pseudomonas a été mis en place récemment (Clatworthy et al., 2009, Brannon et al., 2009).

Les auteurs ont montrés que la microinjection de souches PA14, PAO1 ou PAK de P.

aeruginosa induit la mort des embryons de zebrafish et le taux de mortalité des embryons est fonction de la quantité de bactéries injectée. En revanche, la microinjection de P. aeruginosa bouillies ou d’E. coli n’a pas d’effet sur la survie de l’embryon. Zebrafish est donc sensible aux bactéries virulentes pour l’homme et insensible aux bactéries non-virulentes pour l’homme. Comme chez la souris, les souches de P. aeruginosa dont le QS ou le SSTT sont défectueux (mutants lasR, mvfR, pscD, exsA), montrent une virulence atténuée chez zebrafish.

Les macrophages et les neutrophiles du poisson sont capables de phagocyter et tuer les bactéries pour les éliminer (Clatworthy et al., 2009, Brannon et al., 2009). Ceci confirme la possibilité d’utiliser zebrafish comme modèle hôte pour l’étude des infections à P.

aeruginosa.

A.4.c A. thaliana

La plante A. thaliana a été sélectionnée pour sa petite taille, son temps de génération relativement court et son petit génome se prêtant bien aux analyses génétiques (Table 1). Son génome est totalement séquencé et la mutagenèse insertionnelle est utilisée pour générer des mutants et étudier les facteurs de défense impliqués dans les interactions hôte-pathogène (Alonso et al., 2003, Glazebrook et al., 1997, Jones and Takemoto, 2004). La technique de

« DNA microarray » est également utilisée pour étudier les profils d’expression génique de A.

thaliana en fonction du pathogène rencontré (Wan et al., 2002, de Torres et al., 2003).

La virulence de P. aeruginosa a également été étudiée chez A. thaliana. La souche clinique PA14 de P. aeruginosa est capable d’infecter A. thaliana (Rahme et al., 2000, Rahme et al., 1995). L’infection se traduit par des lésions grandissantes au niveau des feuilles avec rétention d’eau et décoloration de la feuille qui devient jaune. Les bactéries prolifèrent et envahissent toute la plante via les vaisseaux parenchymateux, induisant le pourrissement de la plante. Des mutants isogéniques de la souche PA14 ont été testés, portant des mutations dans les gènes codant pour :

- l’exotoxine A (toxA), un inhibiteur de la synthèse protéique chez les mammifères - la phospholipase C (plcS), enzyme dégradant les phospholipides présents dans les

membranes des cellules eucaryotes

- la protéine GacA (gacA), un facteur de transcription impliqué dans la virulence de Pseudomonas syringae, un pathogène pour les plantes

Ces trois mutants ont été testés chez la plante A. thaliana et chez la souris dans le modèle de brûlure (Rahme et al., 1995). Les trois mutants toxA, plcS et gacA n’induisent pas de pourrissement de la plante et leur prolifération est très faible. De même chez les souris infectées par ces mutants, le taux de mortalité est significativement réduit par rapport aux souris infectées par des bactéries sauvages. Ces trois mutants sont donc moins virulents que la souche sauvage PA14, chez la plante comme chez la souris. Ces résultats montrent que les facteurs de virulence responsables de la pathogénicité chez la souris sont aussi responsables de la pathogénicité chez la plante. Cette observation a permis de valider A. thaliana comme modèle d’étude pour la virulence de P. aeruginosa. Même si, d’un point de vue évolutif, ces deux organismes (la souris et la plante) sont éloignés l’un de l’autre. Cela montre qu’il existe un fort degré de conservation des mécanismes de virulence bactériens pour infecter différents hôtes.

A.4.d D. melanogaster

La drosophile, ou mouche du vinaigre, est un insecte qui grandit d’abord à l’état de larve, en se nourrissant généralement de fruits en décomposition. Elle se trouve alors confrontée à de nombreuses bactéries et elle possède un système immunitaire efficace pour se défendre contre ces bactéries. L’immunité adaptative existant exclusivement chez les

vertébrés, la drosophile est un bon modèle pour étudier spécifiquement l’immunité innée. De nombreux outils sont disponibles pour disséquer les mécanismes impliqués dans les interactions hôte-pathogène chez la drosophile : entre autres, le génome est séquencé et il est possible d’inactiver les gènes par ARNi pour déterminer leur rôle (Sims et al., 2010).

Les acteurs principaux de l’immunité chez la drosophile sont les cellules du corps gras et les hémocytes circulant dans l’hémolymphe (lamellocytes, plasmatocytes et cellules à cristaux). Suite à une infection, les cellules du corps gras synthétisent et sécrètent des peptides antimicrobiens (défensine, diptéricine, attacine, drosomycine …) permettant de cibler et de dégrader les bactéries Gram positives, Gram négatives, ainsi que les champignons (Meister et al., 2000, Imler and Bulet, 2005). Ces peptides antimicrobiens s’insèrent dans la membrane des microorganismes et provoquent leur lyse (Shai, 1999). La synthèse des peptides antimicrobiens par les cellules du corps gras est contrôlée par deux voies de signalisation : la voie Toll en réponse aux infections fongiques et bactériennes à Gram positif, et la voie Imd en réponse aux infections bactériennes à Gram négatif (Hoffmann, 2003, Royet, 2004).

L’implication de la famille des récepteurs Toll dans l’activation du système immunitaire inné a été mise en évidence pour la première fois chez la drosophile (Lemaitre et al., 1996). Cette découverte importante a engendré l’étude des protéines homologues chez l’humain, les « Toll-like receptors » (TLR) et il a été montré que les TLR permettent la reconnaissance spécifique de certaines classes de pathogènes (Hoffmann et al., 1999) (Chapitre I : B.2.a). Les plasmatocytes, deuxièmes acteurs de l’immunité chez la drosophile, représentent 90% des hémocytes circulants chez la larve mature. Ce sont des cellules phagocytaires équivalentes aux monocytes/macrophages chez l’homme (Lemaitre and Hoffmann, 2007). Les mécanismes et les protéines impliqués dans la phagocytose chez la drosophile sont similaires à ceux impliqués chez les mammifères et certaines protéines du cytosquelette (Pearson et al., 2003).

La drosophile est utilisée comme modèle pour l’étude de P. aeruginosa. Les mouches sont piquées au niveau du thorax avec une aiguille qui a été au préalable trempée dans une culture de bactéries. Ce mode d’infection permet d’inoculer 400 à 2000 bactéries dans la mouche. La survie des drosophiles est ensuite observée pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. La souche PAO1 de P. aeruginosa induit la mort des drosophiles en 24h environ et la titration des bactéries montre qu’elles se sont multipliées jusqu’à atteindre une dose létale de 1 à 40.106 bactéries (D'Argenio et al., 2001). Dans cette même étude, les auteurs ont réalisé un criblage génétique pour identifier des gènes impliqués dans la virulence de P. aeruginosa : des mutants de P. aeruginosa ont été générés par mutagenèse aléatoire et

inoculés dans des drosophiles, et les clones présentant une diminution de virulence ont été sélectionnés. Les 8 mutants les moins virulents présentaient tous un défaut de motilité et les gènes identifiés codent pour la synthèse des pili de type IV (D'Argenio et al., 2001). Chez la drosophile, comme chez la souris (Tang et al., 1995), les pili de type IV font partie des facteurs de virulence de P. aeruginosa. D’autres facteurs de virulence, identifiés dans des systèmes mammifères, ont été confirmés comme tels chez la drosophile, comme le SSTT (gènes exoS, exsA et exsD) et le QS (Fauvarque et al., 2002, Avet-Rochex et al., 2005, Alibaud et al., 2008). Le mode d’infection par piqure est contraignant et ne permet pas de tester en parallèle un grand nombre de pathogènes différents. Il existe d’autres modes d’infection de la drosophile comme l’ajout de bactéries dans la nourriture des drosophiles.

Son système immunitaire inné étant très proche de celui des mammifères, la drosophile est un bon modèle d’étude pour la virulence de P. aeruginosa. De plus, l’utilisation d’un petit animal non-vertébré comme modèle permet de réduire les problèmes éthiques et économiques liés à l’utilisation des vertébrés en laboratoire.

A.4.e C. elegans

Le nématode C. elegans vit dans le sol et se nourrit de bactéries. Il est fréquemment présent dans les fruits en décomposition. Ce petit ver transparent d’environ 1 mm est hermaphrodite et se reproduit tous les 3 jours. Sa durée de vie est de l’ordre de 3 semaines à 20°C et il est facile à utiliser en routine dans un laboratoire de recherche. Son génome diploïde de 97 millions de paires de base est séquencé et annoté (www.wormbase.org). La technique d’ARNi est couramment utilisée pour générer des mutants dans cet organisme (Fire et al., 1998). Le moyen de transfection utilisé pour incorporer les ARNi dans le ver n’est pas commun : des bactéries E. coli sont transformées avec un vecteur permettant l’expression d’ARNi et ces bactéries sont ensuite ingérées par C. elegans. L’expression de l’ARNi par la bactérie induit une forte diminution de l’expression du gène cible chez le ver. Une librairie de clones d’E. coli exprimant des ARNi est disponible et couvre environ 90% du génome total de

Le nématode C. elegans vit dans le sol et se nourrit de bactéries. Il est fréquemment présent dans les fruits en décomposition. Ce petit ver transparent d’environ 1 mm est hermaphrodite et se reproduit tous les 3 jours. Sa durée de vie est de l’ordre de 3 semaines à 20°C et il est facile à utiliser en routine dans un laboratoire de recherche. Son génome diploïde de 97 millions de paires de base est séquencé et annoté (www.wormbase.org). La technique d’ARNi est couramment utilisée pour générer des mutants dans cet organisme (Fire et al., 1998). Le moyen de transfection utilisé pour incorporer les ARNi dans le ver n’est pas commun : des bactéries E. coli sont transformées avec un vecteur permettant l’expression d’ARNi et ces bactéries sont ensuite ingérées par C. elegans. L’expression de l’ARNi par la bactérie induit une forte diminution de l’expression du gène cible chez le ver. Une librairie de clones d’E. coli exprimant des ARNi est disponible et couvre environ 90% du génome total de