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Chapitre I : Introduction – Les infections bactériennes

B. Les défenses de l’hôte

B.3. d Les flux ioniques

Pendant longtemps la littérature a mis en avant le rôle indispensable de la NADPH oxydase dans la destruction des bactéries et le rôle prédominant des ROS dans la destruction des bactéries semblait établi (Figure 8A). Cependant l’étude de souris KO pour les protéases cathepsine G ou élastase a montré que, malgré une NADPH oxydase fonctionnelle et une

production normale de radicaux libres dans les phagosomes, ces souris n’ont pas la capacité de tuer efficacement des pathogènes (Reeves et al., 2002). Cette étude a également suggéré que la cathepsine G et l’élastase sont activées dans les phagosomes par l’entrée de potassium K+, qui permet le détachement des enzymes lysosomales de la matrice de protéoglycans sulfatés à laquelle ces enzymes sont associées. Sur la base de ces résultats, Reeves et al. ont émis l’hypothèse que la NADPH oxydase n’aurait pas un rôle direct dans la destruction des bactéries via la production de ROS, mais serait à l’origine de l’activation des protéases dans le phagosome. La NADPH oxydase transfère des électrons au travers de la membrane phagosomale, ce qui a pour conséquence la dépolarisation de la membrane. Cette dépolarisation induit l’entrée d’ions potassium, qui activent les protéases contenues dans le phagosome. Ces protéases une fois activées attaquent la bactérie internalisée et sont responsables de la destruction des bactéries par les phagocytes (Figure 8B). Ce modèle est en accord avec le fait qu’une NADPH oxydase non fonctionnelle a un effet délétère sur la capacité des neutrophiles à détruire les bactéries puisque, sans activité NADPH oxydase, il n’y a pas de flux de potassium vers l’intérieur du phagosome et les protéases ne sont pas activées. Le modèle de Reeves et al. rend compte à la fois de l’importance de la NADPH oxydase, du potassium et des protéases lysosomales (élastase et cathepsine G) dans l’élimination des bactéries.

Le laboratoire ayant montré l’importance des flux de potassium dans l’activation des protéases (Reeves et al., 2002), a publié ensuite une étude montrant que les ions potassium sont transportés à l’intérieur du phagosome par des canaux potassiques à large conductance et calcium-dépendants, les canaux BK (Ahluwalia et al., 2004). L’utilisation d’inhibiteurs spécifiques de ces canaux, la paxilline et l’iberiotoxine, inhibe la destruction de S. aureus, de Serratia marcescens et de C. albicans par les neutrophiles, et ce malgré une activité normale de la NADPH oxydase et une composition enzymatique normale de leurs granules. Plus tard, deux études (Femling et al., 2006, Essin et al., 2007) ont remis en cause ces résultats et les auteurs du papier de 2004 se sont rétractés en 2010 (Ahluwalia et al., 2004). L’étude de Femling et al. a montré que l’utilisation d’inhibiteur des canaux BK ne modifie pas la capacité des neutrophiles humains à tuer S. aureus. De plus, aucune expression de canaux BK dans les neutrophiles humains n’a pu être détectée par des expériences d’immunodétection.

L’étude de Essin et al. a montré que les souris déficientes en canaux BK ne sont pas plus sensibles que les souris WT à une infection par S. aureus ou C. albicans. Cette étude a également confirmé l’absence de canaux BK à la fois chez les neutrophiles humains et

Figure 8 : Modèles de destruction des bactéries dans le phagosomes.

A. Modèle de destruction des bactéries phagocytées reposant principalement sur l’activité bactéricide des ROS, dont la production est induite par l’activité de la NADPH oxydase.

B. Modèle selon Reeves et al. L’activité de la NADPH oxydase induit une entrée d’électrons dans le phagosome.

La dépolarisation de la membrane phagosomale, engendrée par cette entrée de charges négatives, est compensée par une entrée de charges positives via le potassium (K+). Ces cations activent les protéases qui assurent la dégradation de la bactérie internalisée (Reeves et al., 2002).

murins. Ces études réfutent le rôle des canaux BK dans l’élimination des bactéries mais ne remettent pas en cause le rôle du potassium lui-même dans l’activation des protéases phagosomales comme cela a été décrit par Reeves et al. (Reeves et al., 2002). Cependant il n’y a pas d’évidence directe in vivo que le potassium joue un rôle dans la destruction des bactéries.

L’étude du fonctionnement de la NADPH oxydase a mis en avant l’importance des flux ioniques dans l’élimination des bactéries au niveau des phagosomes. Le transport d’électrons au travers de la membrane phagosomale par la NADPH oxydase induit une dépolarisation de la membrane et il a été montré que cette dépolarisation est suffisante pour inactiver la NADPH oxydase (DeCoursey et al., 2003). Pour assurer une élimination efficace des bactéries dans les phagosomes, il est nécessaire que la NADPH oxydase soit fonctionnelle et donc qu’il y est une compensation de charge pour contrer cette dépolarisation. Pour cela, le transfert de charges négatives par la NADPH oxydase doit être contrebalancé par une entrée de charges positives c'est-à-dire par des flux de cations vers l’intérieur du phagosome (Henderson et al., 1988b, Segal, 2005). Les premiers candidats pour cette compensation de charges sont les protons H+ et le potassium K+, cations les plus abondants dans le cytoplasme. Il a été montré que le flux de K+ permet une compensation de charges de l’ordre de 5 à 10% seulement et ne peut donc pas être à lui seul responsable de la compensation de charge (Reeves et al., 2002, DeCoursey, 2004). Les protons quant à eux entrent dans le phagosome via trois structures différentes : le Na+/H+ antiport, la H+-ATPase et les canaux à protons (Henderson et al., 1988a, Nanda and Grinstein, 1991, Nanda et al., 1992). Différentes études ont montré l’implication des flux de protons dans la compensation de charges (Henderson et al., 1987, Henderson et al., 1988a, DeCoursey et al., 2003, Femling et al., 2006). L’ajout de zinc ou de cadmium, qui inhibent spécifiquement les canaux à protons, bloque la production de O2- par la NADPH oxydase, ce qui corrèle avec l’hypothèse que les flux de protons, vers l’intérieur du phagosome, sont nécessaires pour compenser les charges générées par la NADPH oxydase et maintenir l’activité de cette enzyme.

Conclusion : Quelques mécanismes impliqués dans l’élimination des bactéries par les cellules phagocytaires ont été mis en évidence aujourd’hui. Cependant nos connaissances sur le sujet restent très largement incomplètes. Les différents facteurs responsables de l’élimination des bactéries, leur rôle exact et leur importance relative en fonction du type de bactéries rencontrées restent encore à élucider. L’utilisation de modèles propices à des

analyses génétiques comme l’amibe D. discoideum est un bon moyen pour aborder cette problématique.

B.4. D. discoideum comme modèle d’étude de la phagocytose et de l’élimination des bactéries