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Chapitre I : Introduction – Les infections bactériennes

A. La virulence bactérienne chez Pseudomonas aeruginosa

A.1. a Etablissement d’une infection bactérienne

L’infection bactérienne est définie par Salyers et Whitt comme la colonisation d’un hôte par un microorganisme causant des dommages à l’hôte (Salyers and Whitt, 2002). La colonisation bactérienne consiste pour la bactérie à envahir un hôte et à établir une nouvelle niche de reproduction. A l’inverse de l’infection, la colonisation n’est pas synonyme de maladie. Chez l’homme, la colonisation bactérienne peut être externe, c'est-à-dire à la surface de la peau ou des muqueuses, ou interne, ce qui implique le franchissement des barrières physiques que forment la peau et les muqueuses entre l’organisme et l’environnement extérieur. La peau et les muqueuses sont recouvertes d’un épithélium, un tissu cohésif,

normalement impénétrable par les micro-organismes. De plus les muqueuses des tractus respiratoire, gastro-intestinal et urogénital, ont la capacité de sécréter à leur surface du mucus dont la composition chimique joue un rôle protecteur pour les cellules épithéliales et limite la propagation des bactéries (McGuckin et al., 2009). Lorsque cette barrière externe est rompue par des lésions physiques (plaie, brûlure, acte chirurgical ou détérioration causée par une maladie), les bactéries pénètrent dans l’organisme. Les organes qui le constituent deviennent accessibles aux bactéries qui s’installent alors directement dans les tissus de l’hôte. Le site de colonisation doit représenter un environnement adéquat pour apporter aux bactéries tous les éléments nécessaires à leur survie et à leur développement (acides aminés, sucres…), permettant ainsi leur multiplication. Les bactéries capables de coloniser l’être humain ne sont pas pour autant toutes pathogènes (exemple des bactéries commensales, Chapitre I : A.1.c).

Pour être pathogènes, les bactéries doivent remplir deux autres conditions : altérer les fonctions de l’hôte et résister au système immunitaire (Prescott et al., 2003). Les bactéries pathogènes interfèrent avec les fonctions des tissus et des cellules de l’hôte qu’elles colonisent. Cette altération des fonctions cellulaires ou tissulaires est souvent un bon moyen pour les bactéries de coloniser les tissus de l’hôte, ainsi que de résister au système immunitaire en l’attaquant directement. Un autre moyen pour résister au système immunitaire est d’échapper à son contrôle en passant inaperçu. La résistance au système immunitaire favorise la multiplication bactérienne et la colonisation de l’hôte.

Les mécanismes bactériens mis en place pour remplir ses fonctions sont appelés facteurs de virulence. Le paragraphe suivant présente une liste non-exhaustive de facteurs de virulence bactériens et illustre le fait que les trois fonctions (colonisation, altération et résistance) sont étroitement liées et difficilement dissociables.

Certains facteurs de virulence sont spécifiquement impliqués dans la colonisation via une modification ou une altération des tissus de l’hôte. Ils favorisent la dissémination des bactéries dans le corps humain, et leur installation au niveau tissulaire. Par exemple, certaines bactéries sécrètent des enzymes comme la collagénase, l’élastase, ou encore la protéase alcaline, qui dégradent le collagène et la laminine, deux éléments essentiels pour la cohésion des tissus conjonctifs et épithéliaux (Matsushita and Okabe, 2001, Pruteanu et al., 2010, Kipnis et al., 2006). L’intégrité des tissus est alors altérée et les bactéries peuvent profiter de cette brèche pour accéder directement à d’autres tissus et investir une nouvelle niche de reproduction. Les bactéries attaquent aussi les tissus de l’hôte en rejetant des déchets

métaboliques toxiques. Le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et l’ammoniaque (NH3) endommagent par exemple les tissus épithéliaux, principalement au niveau respiratoire et urogénitale (Prescott et al., 2003).

En plus d’altérer les tissus, les bactéries pathogènes ont la capacité d’attaquer directement les cellules de l’hôte, notamment grâce à des facteurs de virulence spécifiques appelés exotoxines. Ce sont des protéines excrétées par la bactérie, dont l’effet sur la cellule peut être extracellulaire ou intracellulaire. Certaines exotoxines sont sécrétées dans le milieu par les bactéries et attaquent les cellules soit en se fixant à un récepteur membranaire et en induisant une modification des voies de signalisation, soit en perturbant l’intégrité de la membrane plasmique. Par exemple, les hémolysines sécrétées par un grand nombre de bactéries comme les Streptocoques, les Staphylocoques, ou Escherichia coli, lysent les globules rouges (Bhakdi et al., 1986, Prescott et al., 2003). La diminution du nombre d’érythrocytes provoque une anémie qui affaiblit l’hôte. D’autre part, la libération du fer transporté par les globules rouges favorise la croissance bactérienne. La leucocidine est un autre exemple d’exotoxine extracellulaire. Sécrétée entre autres par Staphylococcus aureus, la leucocidine forme des pores dans les membranes plasmiques des leucocytes (Loffler et al., 2010). La fonction des leucocytes est alors altérée et le système immunitaire est affaibli. La leucocidine est un des exemples de facteurs de virulence couplant l’altération des fonctions de l’hôte et la résistance au système immunitaire. Les exotoxines intracellulaires entrent dans la cellule en traversant la membrane plasmique ou en étant injectées directement dans le cytoplasme de la cellule hôte via des systèmes de sécrétion bactériens. C’est le cas des exoenzymes sécrétées via le système de sécrétion de type III que possèdent de nombreuses bactéries (Pseudomonas, Salmonella, Shigella, Yersinia et Vibrio) (Chapitre I : A.3.b).

Certaines de ces exoenzymes (comme YopE de Yersinia) inactivent les Rho-GTPases impliquées dans l’internalisation des bactéries par les phagocytes (Black and Bliska, 2000).

Les bactéries sont aussi capables d’échapper au système immunitaire adaptatif. Par exemple, S. aureus produit à sa surface la protéine A spécifiquement reconnue par les immunoglobulines G (IgG) (Foster, 2005, Foster, 2009). La fixation des IgG sur la protéine A empêchent l’interaction des IgG avec le système du complément, et bloque l’activation du système immunitaire par le complément. Streptococcus pneumoniae synthétisent la protéase de l’immunoglobuline A (IgA) qui hydrolyse l’IgA et sépare les deux parties Fab et Fc de l’anticorps qui devient non fonctionnel (Kilian et al., 1980). Les bactéries évitent ainsi leur destruction par le système immunitaire via les anticorps. L’attaque (l’altération) du système

immunitaire n’est pas le seul moyen pour une bactérie de résister aux défenses de l’hôte.

D’autres mécanismes lui permettent de passer inaperçue pour échapper au système immunitaire. Par exemple, S. aureus synthétise la coagulase, une enzyme qui coagule le fibrinogène contenu dans le plasma sanguin (Rivera et al., 2007). Le fibrinogène coagulé forme un caillot autour de la bactérie, ce qui la rend indétectable par le système immunitaire.

La mise en place d’un biofilm est aussi un bon moyen pour la bactérie d’éviter la phagocytose. Le biofilm est une matrice extracellulaire sécrétée par les bactéries (Chapitre I : A.3.c). Cette matrice favorise l’adhésion et la cohésion d’une population bactérienne. Le biofilm joue un rôle de protection en rendant les bactéries inaccessibles aux cellules phagocytaires du système immunitaire (ainsi qu’à de nombreux antibiotiques).

Pour conclure, l’établissement d’une infection par une bactérie pathogène dépend de l’action combinée de nombreux facteurs de virulence bactériens, c’est-à-dire des mécanismes mis en place par les bactéries pour coloniser l’hôte, altérer ses fonctions et résister à son système immunitaire.