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Chapitre I : Introduction – Les infections bactériennes

B. Les défenses de l’hôte

B.4. a Le cycle de vie de D. discoideum

Comme je l’ai décrit brièvement auparavant (Chapitre I : A.4.f), l’amibe D.

discoideum vit dans le sol des forêts et se nourrit de bactéries, de levures ou d’autres microorganismes (Steinert et al., 2003). En présence de nutriments, D. discoideum reste à l’état d’organisme unicellulaire et suit un cycle de croissance végétative au cours duquel chaque cellule se divise régulièrement pour donner naissance à deux cellules filles identiques (Figure 9A et B) (Kessin, 2001). La capacité de D. discoideum à se nourrir des bactéries a été utilisée en laboratoire pour cultiver les amibes (Raper and Smith, 1939). Les bactéries et les cellules de D. discoideum sont étalées sur un milieu contenant de l’agar et incubées quelques jours (comme dans le cas des cultures bactériennes). Les bactéries se nourrissent du milieu de culture et forment une couche bactérienne uniforme. Ces bactéries servent de nourriture aux cellules de D. discoideum qui se multiplient. Les souches de D. discoideum initialement isolées dans l’environnement ont été clonées pour obtenir des souches de laboratoire qui puissent être cultivées en milieu axénique, c'est-à-dire en l’absence de bactéries (Urushihara, 2009). Ces souches sont capables d’ingérer le milieu de culture par macropinocytose. Dans un milieu nutritif, les cellules de D. discoideum suivent un cycle de croissance végétative et se divisent en moyenne 2 fois par jour. Les cellules peuvent être cultivées sous forme adhérente dans une boite de Pétri ou sous forme non adhérente en culture liquide avec agitation.

Lors d’une carence en nutriments, D. discoideum entame un cycle de développement multicellulaire (Figure 9A et C). La carence nutritive induit une modification de l’expression des gènes de D. discoideum (Iranfar et al., 2003). Les cellules ont alors la capacité de produire et sécréter dans l’environnement de l’AMP cyclique (AMPc) et elles expriment à leur surface des récepteurs leur permettant de détecter l’AMPc dans l’environnement (Saran et al., 2002).

Au début du développement, un petit groupe de cellules sécrète des pulses d’AMPc de façon simultanée (Dormann and Weijer, 2001, McMains et al., 2008). Un gradient oscillant d’AMPc se forme dans le milieu et est détecté par les cellules environnantes. Alors qu’en mode

végétatif les cellules créent des extensions membranaires sur tout le pourtour de la cellule et se déplacent de façon aléatoire, lors du développement, les cellules acquièrent une polarité et forment des pseudopodes uniquement en direction de la source d’AMPc (Kimmel and Parent, 2003). Les cellules de D. discoideum sont donc capables de chimiotactisme. La migration des cellules s’effectue grâce aux forces de tractions actine-dépendantes à l’avant de la cellule et aux forces de contraction myosine-dépendantes à l’arrière (Bretschneider et al., 2004, Uchida and Yumura, 2004, Uchida et al., 2003). Les cellules recrutées ainsi sécrètent à leur tour de l’AMPc permettant ainsi d’amplifier le signal et de recruter plus de cellules (Weijer, 2004, Weijer, 2009). Les cellules se regroupent, adhèrent les unes aux autres grâce à des molécules d’adhésion spécifique comme Gp24 et Gp80 (Kessin, 2001). Les cellules forment alors un agrégat qui grossit et se transforme en une structure tridimensionnelle ressemblant à un doigt.

Les cellules continuent de s’agglomérer (toujours en réponse au signal d’AMPc), jusqu’à former un limaçon capable de migrer (Aubry and Firtel, 1999, Schaap, 2011). Les cellules du limaçon se différencient pour former une nouvelle structure, appelée sorocarpe (du grec

« soros » signifiant amas), constituée d’un disque basal en contact avec le sol, et d’une tige surmontée d’un corps fructifère (Figure 9A et C) (Maeda et al., 2003). Le disque basal et la tige sont constitués de cellules mortes alors que le corps fructifère est lui constitué de cellules vivantes. Cependant ces cellules vivantes ont cessé toute activité métabolique et sont protégées par une solide capsule (Schaap, 2011). Ce sont des spores capables de germer lorsque les conditions sont à nouveaux adéquates pour la pousse unicellulaire de D.

discoideum. Elles libèrent des cellules végétatives qui se multiplient à nouveau. Ce mécanisme de développement multicellulaire est un moyen pour l’amibe de survivre à des conditions extrêmes.

Figure 9 : Cycle de croissance de D. discoideum.

A. Le cycle de vie de D. discoideum peut être unicellulaire (végétatif) lorsque la nourriture est abondante, ou multicellulaire lors d’une carence nutritive. Lors du développement multicellulaire, les cellules de D. discoideum migrent dans une même direction pour se rassembler et former différentes structures tridimensionnelles successives : agrégat, limaçon, corps fructifère. (www.dictyostelium.com)

B. Photographie de cellules végétatives.

C. Micrographie électronique des différents stades du développement de D. discoideum (Kessin, 2001)

B.4.b Génétique

Le génome de D. discoideum est haploïde, et totalement séquencé depuis 2005 (Eichinger et al., 2005) (www.dictybase.com). Il est constitué de 6 chromosomes représentant au total 34Mb, codant 12’500 gènes. Sa petite taille et le nombre important de gènes en font un génome très compact avec 62% du génome codant pour des protéines. Toutes ces caractéristiques permettent d’utiliser facilement les techniques de génétique sur D.

discoideum, ce qui est un atout majeur pour un organisme modèle.

Il est possible de générer des mutants de D. discoideum soit par mutagenèse aléatoire soit par mutagenèse dirigée. Lors d’une mutagenèse aléatoire, le génome de D. discoideum est muté par insertion d’un plasmide au hasard dans le génome. La technique de mutagenèse aléatoire utilisée généralement est la mutagenèse par REMI (« Restriction Enzyme-Mediated Integration ») (Kuspa and Loomis, 1992, Guerin and Larochelle, 2002, Kuspa, 2006), que je décris plus précisément au Chapitre II : B.1.a. Après avoir réalisé la mutagenèse aléatoire, le

mutant présentant un phénotype intéressant est sélectionné et le gène muté est identifié. A l’inverse, lors d’une mutagenèse dirigée, le gène d’intérêt est d’abord choisi et délété par recombinaison homologue avec un plasmide spécifique (Kessin, 2001). Le phénotype du mutant est ensuite étudié. Ces deux approches sont intéressantes pour différentes raisons. La mutagenèse dirigée repose sur le fait que l’on a déjà une hypothèse sur le rôle du gène ciblé et que l’on veut la tester, alors que la mutagenèse aléatoire permet de découvrir les gènes impliqués dans le mécanisme que l’on souhaite étudié. Cette technique permet d’identifier de nouveaux gènes pour lesquels aucune information préalable ne laissait penser qu’ils pouvaient jouer un rôle dans le mécanisme étudié.

L’analyse du génome de D. discoideum révèle une bonne homologie avec le génome humain (Eichinger et al., 2005). Les prochaines parties montrent que beaucoup de fonctions fondamentales des cellules humaines sont conservées chez D. discoideum, comme entre autres la phagocytose et l’élimination des bactéries, ce qui fait de D. discoideum un bon modèle d’étude.