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Les limites du niveau supra-national, ou l’Europe

Dans le document À Dominique et Antoine 1 (Page 127-138)

La plupart des entreprises de comparaison internationale partent du postulat que les pays sont des cas indépendants les uns des autres que l'on étudie pour leurs caractéristiques intrinsèques. Les éventuels liens entre pays ne sont donc pas pris en compte.

Ce postulat est généralisable à l’ensemble des méthodes statistiques utilisées en sciences humaines (telles la régression ou l’analyse de variance) qui reposent sur la métaphore du sondage. Or, comme le notait déjà Bourdieu, le sondage a des présupposés atomistes.

« Ainsi, parce que l'échantillon au hasard et le sondage d'opinion saisissent des sujets extraits du réseau de relations où ils agissent et communiquent, ces techniques conduisent à hypostasier119 un artefact obtenu par abstraction : travaillant sur des individus en quelque sorte “désocialisés”, on ne peut plus expliquer [...] que par des qualités psychologiques. » (Bourdieu, Chamboredon, et Passeron 2006, 210)

Le sociologue interroge chaque personne seule. On suppose qu'elle présente des caractéristiques stables et que ses attitudes sont indépendantes de celles des autres. C'est justement suite à la faiblesse de ce postulat, particulièrement importante en ce qui concerne les attitudes, que d'autres méthodes prenant en compte le fait que les personnes ne sont pas des êtres indépendants et isolés les uns des autres ont été développées. Ainsi, les méthodes d’entretien collectif (Duchesne et Haegel 2008; Campenhoudt, Chaumont, et Franssen 2005) ont pu montrer que les discours des uns et des autres ne sont pas immuables, mais s'influencent au gré des échanges.

L’utilisation de schéma permet de mieux comprendre la transposition de cette discussion à la comparaison internationale. Ainsi la figure X.1 présente l’approche classique atomistique.

Deux pays, l’un en bleu et l’autre en orangé, y sont représentés. Au sein de chacun des pays, certaines institutions nationales (abrégées inst. dans le schéma) déterminent l’ampleur des inégalités (abrégée inég. dans le schéma)120. Il s’agit de la situation la plus simple où il n’y a aucune interaction entre les pays.

Au-delà de ce système atomistique, on peut supposer une influence mutuelle entre pays. Comme indiqué dans la figure X.2, cette influence peut prendre plusieurs formes : uniquement entre institutions (variables explicatives), entre les institutions d’un pays et les inégalités d’un autre ou directement entre les inégalités de pays différents121. Cette logique de fonctionnement est assez

119 C'est-à-dire considérer comme réalité.

120 L’influence de l’ampleur des inégalités sur les institutions nationales n’est pas indiquée, car, même si elle existe probablement d’une manière ou d’une autre, la perspective adoptée dans cette thèse est plus de rechercher les causes des inégalités que d’en explorer les conséquences.

121 On peut imaginer que les institutions d'un pays influencent les inégalités dans un autre – c'est ce qu'il semble se passer au moment où j'écris ces lignes avec le cas des prêts européens à la Grèce : les gouvernements des autres pays européens (en particulier les pays « durs » comme l'Allemagne) impose des transformations du marché du travail à la Grèce. On peut aussi imaginer que que l'inégalité sur le marché du travail dans un pays ait des répercussions sur la division internationale du travail, et ainsi sur le marché du travail des autres pays.

Figure X.1: L'approche atomistique en comparaison internationale

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similaire à ce qu’on observe dans un entretien collectif, où certains individus (leur position sociale, leurs discours...) influencent le discours des autres.

Ces liens entre pays peuvent être compris comme le niveau supra-national. En effet, épistémologiquement, un niveau supérieur n’est « que » l’ensemble des éléments de niveau inférieur et les relations qu’ils entretiennent entre eux122. Ainsi, on peut considérer que les institutions supra-nationales (et principalement l’Union Européenne) peuvent remplacer123 – en étant en quelque sorte le lieu de l’influence inter-nationale – les relations entre pays dans la figure X.2 pour donner la figure X.3.

122 Même Durkheim, qui a systématisé l’idée du réalisme du fait social – c’est-à-dire de l’irréductibilité d’un niveau supérieur à ces éléments – ne dit pas autre chose : « Toutes les fois que des éléments quelconques, en se combinant, dégagent, par le fait de leur combinaison, des phénomènes nouveaux, il faut bien concevoir que ces phénomènes sont situés, non dans les éléments, mais dans le tout formé par leur union. [...] La fluidité de l'eau, ses propriétés alimentaires et autres ne sont pas dans les deux gaz dont elle est composée, mais dans la substance complexe qu'ils forment par leur association. » (Durkheim 2013b, XIV). C’est bien la combinaison (autrement dit la relation) entre les parties qui fonde le tout.

123 Il existe certainement des relations entre pays qui ne passent pas par les institutions supra-nationales, mais pour alléger la figure X.3, les flèches de la figure X.2 n’y sont pas représentées.

Figure X.2: Influences mutuelles en comparaison internationale

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Figure X.3: Approche supra-nationale en comparaison internationale

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Dans la figure X.3, les institutions internationales influencent les inégalités tant de manière directe qu’indirecte – à travers l’influence qu’elles ont sur les politiques nationales. Cette question de l’influence directe ou indirecte du niveau supranational – c’est-à-dire à la fois des institutions supra-nationales et des institutions supra-nationales d’autres pays – sur les inégalités est centrale. En effet, si l’influence est principalement indirecte, comme dans la figure X.4, il est possible de se contenter d’une analyse atomistique, puisque le niveau supra-national influence les institutions nationales – qui, elles-mêmes, influencent les inégalités –, mais n'influence pas directement l'inégalité au sein des pays.

L’intégration européenne et ses effets sur les inégalités, perspective théorique

Le concept d’intégration européenne, qui fait généralement référence à l’idée de convergence entre États Européens – parfois allant jusqu’à la fin des typologies de pays européens (Wels 2014) – peut être comparé à celui de globalisation (Beckfield 2006) : l’intégration serait une globalisation à l’échelle de l’Europe. Pour Schmid (2008, 9-11), le processus de globalisation est caractérisé par l’accroissement de l’interdépendance des acteurs économiques et sociaux. Il s’agit d’un phénomène assez ancien, mais qui, récemment, s’est développé plus nettement. La globalisation implique que des événements se déroulant dans des lieux assez éloignés, sur lesquels nous n’avons pas de prise, nous influencent de plus en plus. Selon ce point de vue, comme il n’est pas possible d’agir sur la cause de ces événements, la seule possibilité est de s’y adapter – par exemple à travers la modération salariale, une formation plus poussée, une flexibilité accrue...

Pour Hall et Soskice (2001, 56-60) la globalisation consiste en la conjonction de trois points : les entreprises de pays différents se ressemblent de plus en plus ; la compétition internationale est principalement basée sur le coût du travail, d’où les délocalisations ; enfin, elle implique sur le plan politique une dynamique de dérégulation du marché du travail et de coupes sociales parfois limitées par les syndicats et les partis de gauche. Ils remettent en cause cette conception de la globalisation comme convergence124. Selon leur thèse des variétés du capitalisme, les entreprises diffèrent entre

124 Les discours sur la globalisation et l’européanisation sont souvent couplés à la question de la convergence et de la divergence. L’accroissement des échanges mène-t-il à une convergence de la situation des pays – vers des

Figure X.4: Approche supra-nationale indirecte en comparaison internationale

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Inst. Inég. Inst. supra-nationales

les EMC et EML. Les délocalisations ne sont pas toujours simples puisque les entreprises tiennent compte des avantages comparatifs institutionnels et pas uniquement du coût du travail pour s’implanter125. De plus, si la tendance à la dérégulation du marché du travail est claire dans les EML, cette tendance est moins nette dans le cas des EMC parce que, comme nous l’avons vu dans le chapitre IX, leur avantage comparatif institutionnel dépend d’une certaine stabilité de l’emploi. Si ces rapprochements entre globalisation et européanisation sont intéressants, il y a trois arguments pour conserver cette distinction conceptuelle (Beckfield 2006). Premièrement, l'intégration européenne se situe à l'intérieur d'un espace clos, alors que l'on considère que des phénomènes plus généraux – comme un accroissement des échanges entre deux pays – appartiennent à la globalisation. Deuxièmement, l'intégration implique un développement d'institutions politiques avec pouvoir coercitif. Or ces institutions sont quasiment absentes du processus de globalisation. Même les organisations mondialement puissantes comme l'Organisation Mondiale du Commerce ne rivalisent pas avec le pouvoir des organes de l’UE. Troisièmement, l'intégration européenne est quantitativement plus poussée que la globalisation mondiale. Par exemple, les échanges entre pays européens sont plus développés que les échanges au niveau mondial.

Beckfield note également que le terme d’intégration européenne est polysémique. Il faut distinguer l’intégration politique de l'intégration économique. La première consiste en l'émergence de politiques et de règles juridiques communes alors que la seconde implique simplement l'intensification des échanges. Cette distinction fait écho à l’opposition de Menz (2005, 4) entre l'intégration positive et l’intégration négative. L’intégration positive nécessite le développement d’une régulation au niveau européen alors que l’intégration négative implique simplement la réduction des particularités et des frontières nationales (c’est-à-dire le développement du libre-échange et l’abolition de régulations du marché du travail), menant à une certaine convergence, sans qu’une politique proprement européenne soit développée.

Pour Beckfield (2006), tant l’intégration économique que l’intégration politique accroissent les inégalités de revenu. En effet, l’intégration économique, par l’internationalisation de la division du travail, implique une plus grande concurrence entre travailleurs de pays différents. Ce qui conduit à un affaiblissement de ces derniers dans le rapport de force avec les détenteurs du capital. Ce qui in

fine accroît l’inégalité capital / travail. Quant à l’intégration politique, elle tend à faire augmenter

les inégalités pour quatre raisons. Premièrement, les dépenses des États (et donc les dépenses sociales) sont limitées par les politiques européennes. En effet, depuis la création de l’Union Économique et Monétaire, les pays ne peuvent avoir un déficit supérieur à 3 % – il s’agit d’un des fameux critères de Maastricht. Deuxièmement, les politiques conseillées par l’UE, généralement de tendance libérale, mènent souvent à une diminution du rôle de l’État. Par exemple, les lignes directrices proposées par la commission pour la stratégie européenne pour l’emploi (méthode

économies de marché développées assorties d'États libéraux, diraient certains ? Ou, au contraire, l’interdépendance mène plutôt à une divergence – c’est ce qu’aurait pensé Durkheim (2013c) en rapprochant la division internationale du travail au passage d’une solidarité mécanique à une solidarité organique, ou Ricardo avec sa théorie de l’avantage comparatif ?

125 Cependant, les entreprises du modèle EML ont plus tendance à la délocalisation que les entreprises du modèle EMC puisque les premières sont plus sensibles au marché et à la flexibilité. Par contre, notons également que la globalisation de la finance menace les EMC puisque le profit et les dividendes prennent plus d’importance que la réputation et les réseaux comme évaluation de la fiabilité d’une entreprise sur les marchés impersonnels de la finance.

ouverte de coordination) soutiennent la flexibilité. Troisièmement, avec l’intégration politique, les politiciens nationaux peuvent se déresponsabiliser des politiques libérales en invoquant une imposition par l'Union européenne. Alors que dans les pays extérieurs à l’UE ils doivent plus clairement justifier le démantèlement de l’État social et des politiques sociales, dans les pays membres ils peuvent plus facilement l’esquiver. Quatrièmement, l'intégration politique mène à une intégration économique qui réduit la marge de manœuvre des pays. Néanmoins, cet auteur constate qu’il y a quand même des résistances. Certains pays fortement intégrés tant politiquement qu’économiquement – comme la Belgique ou les Pays-Bas – conservent un certain corporatisme et un État social « solide » qui peut limiter les effets inégalitaires de l’intégration européenne.

Politiques européennes en matière de marché du travail : soft law et méthode ouverte de coordination

Les politiques européennes diffèrent généralement par leur caractère de « hard law » ou de « soft

law ». La première est du droit au sens classique du terme : des règles sont énoncées ; des

institutions (cours et tribunaux) sont mises en place pour sanctionner ceux qui ne les respectent pas ; et un exécutif fait en sorte que ces sanctions soient appliquées et ne soient pas de simples remontrances. La soft law fonctionne différemment. Il ne s’agit pas d’un droit « dur » qui sanctionne ceux qui ne le respectent pas, mais plutôt d’un droit « mou » qui recommande et conseille. Le « législateur » espère qu’en pointant les bons et les mauvais élèves, il engendrera une certaine émulation qui conduira les récalcitrants sur la bonne voie. Ce sont donc les bonnes pratiques – et non les pratiques obligatoires ou interdites – qui sont au centre de la soft law. Cette conception de la loi se rapproche de ce que Supiot (2009) appelle la gouvernance – norme diffuse, dont le pouvoir passe essentiellement par une intériorisation des « bons comportements », émanant d’une pluralité d’institutions ayant chacune un peu d’autorité et/ou de pouvoir – à l’opposé du gouvernement – norme stricte, assortie de sanctions, édictée par un sujet unitaire et souverain, l’État.

Dans les politiques européennes d’emploi, la soft law est largement utilisée, puisque ces dernières ne sont, contrairement aux politiques monétaires, de contrôle budgétaire et de libre-échange, formellement pas une compétence de l’UE. Concernant ces politiques d’emploi, c’est essentiellement à travers ce qui est appelé la méthode ouverte de coordination que la gouvernance européenne agit (Schmid 2008, 45-47). Cette méthode se déroule selon un cycle annuel. D’abord, la commission prépare une proposition de lignes directrices pour la politique d’emploi au niveau national. Le conseil des ministres statue – à la majorité qualifiée – sur cette proposition après avoir reçu un avis du parlement, du comité économique et social, du comité des régions et du comité pour l’emploi. Ensuite, les États membres formulent des plans d’action nationaux qui, sans devoir – au sens de la hard law – suivre les lignes directrices, sont invités – au sens de la soft law – à s’en inspirer. Enfin, les États renvoient un rapport annuel de leurs réalisations à la commission. Cette dernière les synthétise en un rapport conjoint qui met en avant les bonnes pratiques. À aucune étape du processus, des sanctions formelles (amendes, etc.) ne sont prévues. Un État pourrait, en théorie, refuser explicitement les recommandations de la commission. Néanmoins, les sanctions sociales – être pointé comme mauvais élève par la commission – jouent un rôle dans l’évolution des politiques d’emploi nationales. Cette méthode ne nécessite pas un transfert de compétence au niveau européen. L’emploi reste une compétence nationale, la commission ne fait que conseiller les

politiques nationales en les comparant les unes aux autres. Pour évaluer la performance de chaque État, le rôle (et le choix) de certains indicateurs est central. Ainsi, comme le montrent Salais (2004) et Freyssinet (2004), le taux d’emploi, par l’ambiguïté entre progrès social (motivation sociale-démocrate) et efficacité économique (motivation libérale) qui le fonde, a réussi à s’imposer comme l’indicateur principal de la performance des marchés du travail des pays. Cette évaluation chiffrée se réalise essentiellement par la comparaison entre pays (benchmarking), même si des objectifs en termes de chiffres plus absolus sont présents.

La négociation collective en Europe

À côté de cette méthode ouverte de coordination qui traite des questions spécifiques des politiques d'emploi, une certaine négociation collective européenne s’est développée traitant plutôt de normes encadrant le travail. Ainsi, depuis le traité de Maastricht, une consultation des interlocuteurs sociaux – du côté syndical, la Confédération Européenne des Syndicats (CES)126 et du côté patronal BussinessEurope, le Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics (CEEP) et Union Européenne des Artisans et des Petites et Moyennes Entreprises (UEAPME)127 – par la commission est nécessaire pour les politiques sociales (Bevort et Jobert 2011, chap. 9; Dufresne 2011). Cette consultation se déroule en deux temps. D’abord, les partenaires sociaux remettent un avis sur l’opportunité et l’orientation de la directive. Ensuite, ils remettent un avis sur le contenu de la proposition. Les partenaires sociaux peuvent également se saisir du dossier à la fin de cette consultation. Dans ce cas, ils doivent émettre une proposition dans les neuf mois. Ces propositions, appelées accords-cadres, sont mises en œuvre de deux manières : soit elles sont transformées en directives ; soit, elles restent autonomes. Dans ce cas, les accords-cadres doivent être mis en œuvre par les partenaires sociaux nationaux. Ces accords-cadres sont peu nombreux : entre 1995 et 2007, six seulement ont vu le jour. Trois – sur le congé parental en 1995, sur le travail à temps partiel en 1997 et sur le travail à durée déterminée en 1999 – ont été mis en œuvre par une directive. Les trois autres – sur le télétravail en 2002, sur le stress au travail en 2004 et sur la lutte contre le harcèlement et les violences au travail en 2007 – ont été mis en œuvre par les partenaires sociaux locaux. La sous-utilisation des accords-cadres provient du fait que BusinessEurope est assez réticente à la négociation collective de normes.

126 La CES a été fondée en 1973. À l’époque le syndicalisme mondial était fortement structuré par la guerre froide. Ainsi, à l'origine la CES était liée à la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL, anticommuniste d’obédience sociale-démocrate) et à la Confédération Mondiale du Travail (CMT, anticommuniste et d’obédience démocrate-chrétienne) et opposée à la Fédération Syndicale Mondiale (FSM) qui reprenait les syndicats communistes – les syndicats sociaux-démocrate en ont brièvement fait partie juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, la CISL et la CMT ont fusionné dans la confédération syndicale internationale et la FSM est marginalisée. L’organe souverain de la CES est son congrès qui se tient tous les quatre ans. Les organes chargés de la gestion courante sont le comité exécutif (se réunit quatre fois par an), le comité de direction (se réunit huit fois par an) et le secrétariat (élu à chaque congrès) qui assure la gestion quotidienne. Diverses fédérations syndicales européennes (FES) composées des branches de syndicats existent également, mais elles jouent un rôle moins important.

127 BuisnessEurope, anciennement l’Union des industries de la communauté européenne (UNICE), est clairement l’organisation patronale hégémonique au niveau Européen. Le CEEP, un peu plus favorable à la négociation collective, reprend essentiellement les entreprises publiques. L’UEAPME, les associations nationales de petites entreprises. Il existe également des organisations sectorielles, mais leur rôle est assez discret.

Notons également que la question du salaire au niveau européen est assez paradoxale. D’une part, le salaire, tout comme le droit du travail, relève d'une compétence nationale et pas européenne. Le traité de Maastricht l’exclut explicitement. Cette question aurait pu être cantonnée au niveau national – à l’exception d’initiatives en soft law comme la méthode ouverte de coordination. Ainsi, le salaire en tant que revenu n’est pas l’objet de la négociation collective au niveau européen. D’autre part, la concurrence est une matière européenne, ce qui ramène le salaire au niveau européen. Ainsi, le salaire est un objet européen, mais seulement « négativement » comme coût du travail ou entrave à la concurrence plutôt que « positivement » comme le revenu du travailleur. Ainsi, la modération salariale128 est le principal mot d’ordre de la « politique salariale européenne ». Alors qu’au niveau national129, l’augmentation des salaires a longtemps été une revendication syndicale, au niveau européen ces revendications sont moins poussées. Ceci, en partie, parce que le cadre macro-économique de l’Union Économique et Monétaire (UEM) est conservateur. Dans cette perspective, la modération salariale permet à la fois de contenir l’inflation et de lutter contre le chômage en créant de l’emploi. Si ce credo monétariste – très porté par la BCE – n’est pas totalement accepté par les syndicats, le troc entre modération salariale et préservation de l’emploi n’en est pas totalement absent.

À côté de ce dialogue social européen, Dufresne (2011) développe un autre rôle des acteurs européens : la coordination entre acteurs nationaux. Ainsi, les syndicats des différents pays peuvent

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