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LES JEUNES NON LECTEURS

Dans le document temps libre (Page 125-130)

LES HABITUDES DE LECTURE 1

LES JEUNES NON LECTEURS

De ce qui précède, nous pouvons tracer un portrait type du jeune non lecteur. Précisons que dans notre échantillon il s’agit de 15% de jeunes de 11 à 15 ans, soit 8% de filles et 23% de garçons. Le taux s’accroît à mesure que l’on avance en âge, passant de 11% à 11 ans à 18% à 15 ans.

Dans leur entourage, les jeunes non lecteurs ont moins de sources de soutien, ils discutent moins avec leurs parents et exercent moins d’activités avec eux. Leurs parents les encouragent moins à pratiquer des activités culturelles et sont plus nombreux à ne pas vérifier qu’ils font bien leurs travaux scolaires. Ces jeunes sortent moins avec des amis et les appellent moins souvent au téléphone.

Tableau 6.5

Éléments du profil des lecteurs et des non-lecteurs

Lecteurs Non-lecteurs

% %

Je parle de mes lectures avec mes parents 54 15

Mes parents m'encouragent à pratiquer des sports 54 31 Je pense lire des livres régulièrement à l'âge adulte 65 23

Je pratique des activités physiques 93 86

Je réussis très bien à l'école 78 63

Je pense avoir des échecs dans au moins deux matières 30 42

« Jusqu'où penses-tu poursuivre tes études ? »

Ne pas terminer le secondaire 2 4

Diplôme d'études professionnelles au secondaire 11 21

Diplôme d'études collégiales 23 34

Diplôme universitaire 64 41

Source : Enquête CRSH, 2005.

Tableau 6.6

Lecteurs et non-lecteurs selon divers index

Lecteurs Non-lecteurs

Index de sorties (13 réponses possibles) 3,6 2,1

Index de sources de soutien (7 réponses possibles) 3,3 2,8 Index de pratiques en amateur (5 activités possibles) 1,4 0,7 Index d'activités parascolaires (10 activités possibles) 1,8 1,2 Index d'activités avec les parents (17 activités possibles) 8,7 6,3

Index d'activités avec les grands-parents 2,6 1,8

Source : Enquête CRSH, 2005.

L’UNIVERS DU TEMPS LIBRE ET DES VALEURS CHEZ LES JEUNES

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© 2007 – Presses de l’Université du Québec

Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca

Tiré de : L’ univers du temps libre et des valeurs chez les jeunes, Gilles Pronovost, ISBN 978-2-7605-1512-3 • G1512N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

Sur le plan scolaire, les jeunes non lecteurs sont deux fois moins nombreux à reconnaître qu’ils réussissent bien leurs études, presque autant à avoir connu des échecs scolaires. Ils jugent leurs résultats scolaires moins bons que la moyenne dans les mêmes proportions.

Alors que la majorité des jeunes sont ambitieux et déclarent vouloir poursuivre leurs études jusqu’au niveau collégial (24%) et universi-taire (60%), les non-lecteurs déclarent majoriuniversi-tairement prévoir s’arrêter au secondaire, et un tiers d’entre eux pensent même ne pas terminer leurs études secondaires.

Leur univers d’activités est beaucoup moins dense : ils sont moins nombreux à pratiquer des activités physiques, ils pratiquent moins d’activités en amateur, moins d’activités scolaires et font moins de sorties. Ils sont moins nombreux à prévoir des activités physiques rendus à l’âge adulte et plus nombreux à anticiper ne pas lire. On se doute bien qu’ils fréquentent moins les bibliothèques, les librairies et les musées. Ils sont cependant plus nombreux aux spectacles de toutes sortes. Ils sont légèrement plus nombreux parmi les grands télévores, mais n’écoutent pas nécessairement plus souvent de la musique.

Toutes les études concluent qu’ils forment le plus important contin-gent d’amateurs de jeux vidéo. Cependant, ils ne se distinguent pas vraiment sur le plan de l’utilisation d’un ordinateur ou de l’Internet.

Tableau 6.7

Intensité de la lecture selon divers index

Nombre de sources de lecture 0 1 2 3

Sorties 2,1 2,9 3,7 4,4

Pratiques en amateur 0,7 1,2 1,5 1,7

Activités parascolaires 1,1 1,6 1,8 2,0

Activités avec les parents 6,3 7,8 8,8 0,1

Activités avec les grands-parents 1,8 2,2 2,7 3,2

Nombre de sources de soutien 2,8 2,9 3,7 4,4

Source : Enquête CRSH, 2005.

Toutes proportions gardées, ils sont deux fois plus nombreux à consommer des stupéfiants, ils sont légèrement plus à risque (cigarettes, alcool et stupéfiants, toutes sources confondues).

Leur système de valeurs est relativement spécifique. À une question sur la chose la plus importante, ils sont plus nombreux à valoriser l’argent et le temps libre, à déclarer vouloir faire ce qui leur plaît.

Ils sont moins nombreux à chercher à se faire des amis, à chercher à être heureux en amour ou à prévoir avoir des enfants ! On peut presque dire qu’ils privilégient l’hédonisme et le laisser-faire aux obligations professionnelles et parentales.

CONCLUSION

Et pourtant ils lisent, écrivaient Christian Baudelot et ses collègues (1999). Nos données confirment clairement ce diagnostic. Très majori-tairement(dans l’ordre de 80% et plus), les jeunes de 9 à 16 ans du Québec lisent quelque chose. Le taux demeure relativement stable du sortir de l’enfance jusqu’à l’adolescence.

Ce qui se modifie, ce sont les sources de lecture. Le livre, très clai-rement, constitue le premier contact des jeunes avec la lecture, sous l’influence conjuguée du milieu familial et de l’école. À mesure qu’ils vieillissent, explorent le monde ambiant, diversifient leurs champs d’intérêt, élargissent le cercle de leur univers social, construisent leur identité, les jeunes tendent à s’écarter de la seule lecture de livres pour diversifier leurs sources : d’abord le magazine, puis le journal, de plus en plus l’Internet.

Mais le parcours est semé d’embûches. En entrant dans l’univers de nouveaux médias, les jeunes sont confrontés aux industries culturelles toutes puissantes qui leur offrent des images toutes faites de leurs goûts, particulièrement les magazines. Ils y cèdent très facilement, témoin les forts taux de lecture de ce média. Il ne s’agit cependant que d’un côté de la face cachée de la lecture, puisque celle-ci, à mesure qu’elle se diversifie, alimente et structure leur parcours vers l’autonomie et les choix personnels. La lecture de journaux traduit sans doute, en partie, la construction d’une vague représentation de ce qu’il faut bien appeler « la société ». C’est le prix à payer pour que se brise le cercle étroit de l’influence familiale, lequel doit de plus en plus composer avec d’autres sources d’influence. C’est pourquoi, aussi, l’évolution

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des formes de lecture traduit un nouvel équilibre que cherche à établir le jeune, souvent difficilement, entre l’obligation scolaire, le travail-consommation et le loisir.

Chemin faisant, indéniablement, certains jeunes trébucheront.

L’échec scolaire, alimenté par un milieu familial moins stimulant et un réseau plus restreint d’amis, est sans doute l’un des plus forts éléments déclencheurs de l’esquive vers les succédanés comme l’alcool et les stupéfiants, ou, sous une forme moins sévère, vers des activités de loisir peu diversifiées mais pratiquées de façon intensive, tout particulière-ment les jeux vidéo et certains types de sorties. Il est peu de jeunes, sans doute, qui, à un moment ou à un autre de leur adolescence, ne font pas l’expérience d’une remise en question de l’équilibre qu’ils cher-chent à maintenir entre famille, école, loisir ; qui ne font pas un jour ou l’autre l’expérience de l’identité incertaine. Ici, la densité du réseau de soutien est sans doute déterminante. Deux activités forment le pivot de ce processus, si les jeunes ont appris à les intégrer dans leur univers quotidien: il s’agit de la pratique régulière d’activités physiques… et de la lecture de livres.

Car nos données indiquent que la lecture de livres fait clairement partie d’un « noyau dur » de variables explicatives. Elle traduit la participation plus ou moins grande du milieu familial à la constitution progressive de l’univers culturel des jeunes. Elle est associée à des choix significatifs autour de la consommation de la télévision et de la diversification des pratiques culturelles. Elle accompagne et nourrit la réussite scolaire et les ambitions professionnelles. Dans le parcours du jeune vers la diversification de ses choix de lecture, s’il réussit à maintenir même modestement son contact avec le livre, s’il maintient un goût constant pour la fréquentation du livre, il saura mieux se définir dans la panoplie des nouveaux loisirs qui l’attirent.

Nos données indiquent également que les jeunes « non lecteurs » se recrutent très tôt ! Si tout n’est pas joué avant l’école primaire, peu s’en faut. Les variables lourdes qui leur sont associées sont bien connues : milieu familial, réseau social, tout particulièrement. La suite des événements ne fait que contribuer à amplifier ou à renforcer ce phé-nomène, au travers des choix nouveaux que le jeune effectue, souvent alimentés par de premiers échecs scolaires. Pour définir son identité, ce jeune n’a d’autre choix que de faire appel à des modèles alternatifs, que traduisent ses activités de loisir d’où la lecture est exclue.

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