• Aucun résultat trouvé

3. Les sous-dimensions de la mobilité étudiante

3.3. Les familles d’accueil – la séduction des natifs

J’ai constaté dans les chapitres précédents que la maitrise de la langue joue un rôle essentiel dans le processus d’établissement de nouveaux cercles sociaux. Le cercle social quant à lui a un effet non seulement sur le processus d’adaptation, mais aussi sur la qualité du séjour en général. J’ai également évoqué les colonies ethniques qui se forment par manque de confiance (linguistique) chez l’étudiant ou par une représentation stéréotypée sur le peuple du pays d’accueil : il est plus facile de rester dans un cercle de compatriotes que d’aller chercher l’authenticité chez les natifs. De plus, les Chinois sont encore plus enclins à se regrouper en raison d’une culture communautaire.

Afin de favoriser la communication entre les natifs et les étudiants étrangers, des associations proposant une famille d’accueil ont été créées. Dans cette partie, je m’interrogerai sur la séduction des natifs : pourquoi participer à des activités proposées par des associations ? Quels sont les objectifs de ces associations ? D’abord, je donnerai un aperçu sur la séduction des natifs et puis je présenterai les associations proposant une famille d’accueil française.

3.3.1. Sur la séduction des natifs7 et sur la communication « authentique » dans une famille française – vers une meilleure communication et compréhension interculturelle ?

Les natifs jouent un rôle essentiel dans le processus de mobilité. D’un côté, la mobilité est elle-même motivée par les représentations que l’étudiant se fait sur la population d’accueil : ils fascinent l’étudiant et évoquent l’envie de découvrir un autre mode de vie. D’un autre côté,

7

36

c’est justement le contact avec ces personnes autochtones qui crée le sentiment d’insécurité (linguistique) et met l’étudiant en doute, voire dans un état de déception ou de frustration. Pourquoi les natifs sont-ils aussi « séduisants » aux yeux des étudiants étrangers ?

Meunier (2011 : 137-151) traite de la gestion de la langue pendant le séjour à l’étranger. Elle évoque les étudiants Erasmus qui vivent dans une double expérience qui rend leur apprentissage particulièrement complexe : d’une part celle d’un environnement culturel et linguistique pluriel et instable ; et d’autre part, celle d’un enseignement basé sur des savoirs présentés comme établis et cloisonnés, souvent éloignés de la réalité langagière et culturelle. En effet, la communication ne se déroule pas toujours comme prévu dans les manuels du pays d’origine. Pour l’informant de Meunier, le locuteur natif constitue la référence du « bon français » pour apprendre « la langue correcte et aussi l’accent ». Pourtant, il arrive parfois que les pratiques discursives des natifs ne correspondent pas à la représentation de la norme linguistique et à la langue apprise en classe de FLE dans le pays d’origine des apprenants. Ces nouvelles données semblent difficiles à intégrer aux anciens schémas d’interprétation de la réalité discursive. Le sujet d’étude admet également que les pratiques langagières entre non- natifs ne sont par semblables : le groupe d’étudiants étrangers parle « leur français ». Ces pratiques « fonctionnent » et permettent – voire facilitent – la communication, même si elles ne semblent pas tout à fait admises et légitimes.

Robert (2011 : 165-176) continue avec la même idée : les étudiants Erasmus font une différence entre un locuteur natif et un non-natif. En effet, les étudiants (Erasmus) n’ont pas beaucoup de contacts avec les natifs. Ils préfèrent parler entre eux car il est plus facile de se comprendre : ils parlent le même français. De plus, parler en français entre étudiants Erasmus ne provoque pas d’insécurité ou de peur, ils ne se jugent pas entre eux et essaient de se comprendre. Robert spécifie que les étudiants chinois en lettres recherchent le « bon français » et n’accordent pas une confiance aveugle aux productions langagières des étudiant Erasmus. Ils sont à la recherche d’un français académique et éventuellement d’un français familier.

Pour Murphy-Lejeune (2003 : 171-177), la séduction des natifs est un processus qui ne s’improvise pas et nécessite une réflexion à l’avance sur les objectifs qu’on souhaite assigner au

37

séjour. Elle souligne que cette envie de se socialiser avec les natifs est souvent le fait d’étudiants « expérimentés ». Chaque étudiant en un sens construit son adaptation, certains préfèrent ne pas s'engager et rester à distance. En effet, la formation de nouvelles relations sociales et les efforts d’ajustement dépendent de l’initiative du nouveau-venu et implique une ambition personnelle pour arriver à pénétrer dans le cercle clos des natifs. Selon les témoignages, les liens d’amitié qui s’ébauchent avec d’autres étrangers remplissent un rôle différent de celui des amis issus du milieu natif. Les contacts avec d’autres étrangers soulagent la fatigue culturelle, procure du repos alors que l’ami natif fournit l’occasion d’apprendre.

Xie Yong (2008 : 235) conclut également que les bons contacts avec les natifs permettent un équilibre affectif et qu’ils peuvent influencer positivement le processus d’adaptation ou d’intégration. En effet, il exige que l’acquisition d’une compétence interculturelle ne puisse avoir lieu qu’en contexte d’immersion et en communicant avec des natifs : « En réduisant le sentiment

d’être un étranger et en favorisant la relativisation des représentations, ils constituent un paramètre essentiel dans le désir de s’adapter et d’apprendre. (...) La didactique de l’acquisition de la compétence interculturelle implique des contacts avec les natifs, ainsi que la mobilité et l’immersion à l’étranger ».

En somme, selon les étudiants étrangers, les contacts avec les natifs permettent de communiquer à un niveau linguistiquement « correct ». En effet, les contacts avec les natifs permettent d’apprendre sur la langue et sur la culture. Cependant, il est difficile d’entrer dans le cercle clos des natifs : il faut être actif socialement car l’initiative vient en général de la part de l’étudiant étranger. D’un autre côté, les natifs représentent l’une des causes de l’insécurité linguistique : les étudiants étrangers font en général une différence entre « leur français » et le français utilisé dans une situation de communication avec des natifs. Malgré l’insécurité, les contacts avec les natifs semblent prodiguer une meilleure adaptation dans la communauté d’accueil.

38

3.3.2. Présentation des associations de famille d’accueil au Mans

Les associations proposant une famille d’accueil sont assez nombreuses dans la ville du Mans. Je prendrai comme exemple l’ESEM, Echanges Sarthe Étudiants du Monde. L’objectifs de l’association créée en octobre 2009 est de « favoriser l’accueil en Sarthe, sans étiquette

politique ou religieuse, d’étudiants étrangers ou originaires des DOM-TOM fréquentant l’université du Maine dans un cadre familial et amical afin de rompre l’isolement de ces jeunes adultes et de favoriser des échanges culturels diversifiés ainsi que la connaissance réciproque des adhérents ; participer modestement, à l’amélioration des relations entre les peuples des cinq continents » (Association 1901 & Joue l’Abbé, en ligne).

Depuis sa création, l’association met en relation une partie des 1400 étudiants étrangers de l’université du Maine avec des familles sarthoises. En plus d’un échange culturel, ce parrainage permet aussi aux jeunes de connaître le mode de vie des Français. En effet, six mois après la création, 100 familles et 140 étudiants de 15 pays différents composaient l’association.

Enfin, ce type d’associations existent partout en France dans le but de favoriser l’accueil et l’intégration des étudiantes étrangers qui souhaitent apprendre le français. Le choix d’un hébergement en famille d’accueil est perçu comme idéal car il donne à l’étudiant l’occasion de parler la langue française en dehors des cours et permet également les échanges culturels. En somme, plusieurs écoles de langue conseillent d’avoir une famille d’accueil française afin d’assurer une immersion totale dans la langue et la culture du pays.8

8 Parmi les personnes interrogées, trois étudiantes chinoises habitent avec une famille d’accueil en permanence et les

39

Outline

Documents relatifs