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1. Hypothèses

Après avoir analysé et défini les concept-clés de la recherche – la compétence de communication, l’insécurité linguistique en contexte de mobilité, la compétence interculturelle, voire la compétence plurilingue et pluriculturelle – il est temps de formuler des hypothèses par rapport à ma problématique.

Les sujets de cette recherche sont des étudiants chinois en études de lettres à l’Université du Maine. Ils fréquentent régulièrement une famille d’accueil française ou habitent de façon permanente avec eux. Avant leurs études en France, la plupart de ces étudiants ont étudié la langue française en tant que matière principale en Chine, mais comme je l’ai précisé dans le chapitre I. 2, l’objectif de leur formation n’était pas l’acquisition d’une compétence de communication. En effet, l’accent était mis sur la traduction et sur les compétences écrites. En classe chinoise, les apprenants écoutent l’enseignant et par peur de perdre la face en produisant un énoncé incorrect ou par peur de déranger le déroulement du cours, ils parlent très peu. Le manuel sert à guider tout le processus d’apprentissage et ainsi l’apprenant chinois n’est pas habitué à découvrir des notions, à les organiser et à conceptualiser. Experts de la langue française, mais pourtant peu expérimentés en langue orale, comment les situations de communication se déroulent-elles pour ces étudiants ? La problématique de cette étude s’articule donc autour des questions suivantes :

- Quels sont les effets des interactions avec une famille d’accueil sur l’acquisition

d’une compétence de communication dans le contexte de mobilité ?

- Comment ces étudiants vivent-ils la situation de communication « authentique » ?

Quelles sont leurs difficultés par rapport à la langue française et comment les règlent- ils ? Pourquoi cherchent-ils un apprentissage authentique, non-guidé, en situation naturelle et informelle ?

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- Comment ces étudiants vivent-ils la différence culturelle : le fait d’avoir une famille

d’accueil entraine-t-il une meilleure compétence de compréhension interculturelle chez l’apprenant ? Désirent-ils avoir une meilleure connaissance des Français et de leur culture ?

Puisque les deux éléments clés de la recherche sont l’acquisition d’une compétence de communication et d’un autre côté l’acquisition d’une meilleure compréhension de l’altérité, d’une compétence interculturelle, voire plurilingue et pluriculturelle, les hypothèses de type associatives s’articulent autour de ces concepts. La langue joue un rôle essentiel dans le processus de mobilité. La première hypothèse est donc :

H1 : En choisissant d’avoir une famille d’accueil française, les étudiants chinois

s’engagent dans un apprentissage authentique, non-guidé et informel dans le but de connaître la langue « authentique ». Le fait d’avoir une famille d’accueil contribue donc efficacement au développement des trois composantes (linguistique, sociolinguistique et pragmatique) de la compétence de communication chez l’apprenant et aide à développer son répertoire linguistique.

La deuxième hypothèse porte sur l’acquisition d’une compétence interculturelle et pluriculturelle. Il apparait que la mobilité favorise la compréhension d’altérité seulement si l’étudiant étranger participe à ce processus activement et manifeste son propre intérêt vers les autochtones. Prenant compte de ce fait et du fait que les étudiants ont une famille d’accueil française par leur propre volonté, on arrive à formuler l’hypothèse suivante :

H2 : Les contacts avec la famille d’accueil favorisent l’acquisition d’une compétence

interculturelle et pluriculturelle chez l’apprenant et lui permettent une meilleure adaptation et intégration dans la société d’accueil (en France) en diminuant les idées stéréotypées sur la communauté d’accueil. Enfin, l’étudiant intègre certains éléments culturels dans son répertoire culturel.

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2. La méthodologie de recherche

Cette recherche s’appuie naturellement sur une approche qualitative : je ne cherche pas une vérité absolue. Comme écrit Poisson (1983 : 371), un chercheur qui adopte l’approche quantitative « tente de saisir la réalité telle que la vivent les sujets avec lesquels il est en contact;

il s'efforce de comprendre la réalité en essayant de pénétrer à l'intérieur de l'univers observé ».

Mon exploration met en scène le vécu des étudiants chinois en mobilité au Mans et les apprentissages langagiers et culturels qu’ils font grâce à leur famille d’accueil. En même temps, cette étude s’engage dans une approche biographique pour l’apprentissage des langues.

En tant que méthode de recueil de données, cette étude privilégie l’entretien semi-directif

et compréhensif. L’observation directe, méthode de recueil de données utilisée dans le domaine

de l’anthropologie et de la sociologie, sert à former une première idée de la communication entre la famille française et l’étudiant chinois.

2.1. Approche biographique

Selon Molinié (2003 : 6-10), le terme biographie langagière englobe aujourd’hui diverses démarches visant à faire valoriser par l’apprenant de la langue son répertoire linguistique dans les contextes plurilingue et multiculturel où ce répertoire s’est construit et évolue. L’idée principale de biographie langagière repose sur la capacité de l’individu à relater les éléments constitutifs de son expérience dans les domaines linguistique et culturel : l’apprenant est une personne globale dont le parcours d’apprentissage se construit par sa capacité à intégrer et à relier différentes influences sociales, culturelles, esthétiques, linguistiques et éducatives. Cette approche est également présente dans les portfolios européens (Castellotti & Moore, 2003 : 53-68). Ils proposent des pistes en visant à favoriser le développement d’une conscience réflexive sur l’apprentissage des langues à plusieurs niveaux et en mettant en évidence des parcours d’expérience linguistico-culturels diversifiés.

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J’ai adopté un regard biographique langagier pour cette étude car je souhaite explorer le vécu linguistique des apprenants pendant leur séjour en France. Je ne cherche pas à évaluer leur acquis linguistiques mais plutôt à écouter leurs réflexions et à comprendre comment selon eux leur compétence de communication et leur compétence interculturelle se sont développées dans le cadre de la mobilité et en fréquentant leur famille d’accueil française.

2.2. Entretien semi-directif et compréhensif

L’enquête par entretien est la méthode principale de recueil de données pour cette étude. Plusieurs raisons ont guidé mon choix. Selon Blanchet et Gotman (1992 : 19-27), l’entretien est conçu pour apporter une information bibliographique. Il va à la recherche des questions des acteurs eux-mêmes, fait appel au point de vue de l’acteur et donne à son expérience vécue, à sa logique, à sa rationalité, une place de premier plan. L’entretien est un instrument d’investigation spécifique qui aide à mettre en évidence des faits particuliers. Ces faits concernent les systèmes de représentations (pensées construites) ou les pratiques sociales (faits expérimentés).

Blanchet et Gotman résument que l’enquête par entretien est ainsi particulièrement pertinente lorsqu’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux événements dont ils ont pu être les témoins actifs et lorsqu’on veut mettre en évidence les systèmes de valeurs et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et ils se déterminent. Elle aura pour spécificité de rapporter des idées à l’expérience du sujet. La méthode semi- directive a donc été choisie pour pouvoir aborder les thèmes qui m’intéressent en tant que chercheuse. Les éléments de l’entretien compréhensif sont inclus parce que le terrain de recherche est considéré comme point de départ selon Kaufmann (2008).

2.3. Observation directe

L’observation est une technique des sciences sociales. Afin de préparer les phases d’observation pour ma recherche, j’ai consulté L’observation directe par Anne-Marie Arborio et

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Pierre Fournier (2005) qui résume bien les différentes étapes d’observation ainsi que les démarches visant à analyser les données recueillies. L’observation n’est pas une technique simple : le chercheur qui opte pour l’observation ne voit souvent que ce qu’on le laisse regarder, voire ce qu’on lui montre. Il faut donc soigneusement choisir le mode d’observation et le rôle d’observateur pour ne pas perturber et falsifier la situation observée. En somme, cette technique n’est pas anodine, elle induit plusieurs défis dont il faut être conscient avant de se rendre sur le terrain.

J’ai choisi l’observation directe en tant que deuxième méthode de recueil de données (après l’entretien) pour pouvoir entrer dans une situation directe et authentique de communication entre l’étudiant chinois et sa famille d’accueil. Il faut toutefois comprendre qu’une famille forme une sphère privée de personnes. Il est donc difficile de pénétrer dans cette zone intime et d’observer l’authenticité car à priori, être observé éveille une certaine forme de suspicion : personne ne veut mettre sa famille sous un « regard évaluateur ».

2.4. Comment conserver son objectivité ?

Avant de procéder à la présentation du corpus, je souhaite éclaircir les faits qui peuvent entrainer un manque d’objectivité dans cette étude. La motivation pour ce sujet de recherche se fonde sur mes séjours précédents à l'étranger et sur mes expériences professionnelles avec un public chinois. En lisant des ouvrages sur la mobilité étudiante, j’ai eu l’occasion d’approuver de nombreux points de vue et de réflexions. Je me suis facilement retrouvée dans les témoignages. De plus, je suis personnellement convaincue que l’apprentissage dans des conditions authentiques assure une meilleure acquisition d’une langue. Cette idée vient probablement de l’idéalisation du modèle d’un locuteur natif.

Comment rester objectif dans la situation où l’on fait partie du terrain de recherche ? Est- il difficile d’adopter un regard extérieur ? Certes, je suis également dans une situation de mobilité comme mes sujets de recherche, mais je suis issue d’une culture occidentale. La problématique de recherche s’interroge sur la différence entre la culture éducative chinoise et

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celle de l’Occident, ainsi que sur les différences entre les coutumes et les stratégies d’apprentissage. Je ne pourrai en aucun cas avoir un regard « chinois » sur les choses et pourtant pendant mes expériences professionnelles, j’ai pu être le témoin privilégié de certaines difficultés que les apprenants asiatiques peuvent avoir face à l’apprentissage de la langue française. D’ailleurs, je ne me considère pas non plus experte de la langue française, je la maitrise comme décrivait Davies plus haut « plus au moins bien, à des niveaux variés ».

Enfin, le fait d’être également une étudiante étrangère, d’avoir des expériences de mobilité et d’être un locuteur non-natif me rapproche des étudiants chinois et me permet d’avoir un meilleur dialogue lors de l’entretien. Je suis donc partiellement dans « leur situation », ce qui peut diminuer la distance entre la chercheuse et l’interrogé. Pour ma part, je crois que ce facteur contribue positivement au déroulement des entretiens et permet de créer une ambiance décontractée.

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