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Les facteurs météorologiques et la conception des pylônes

LA TEMPÊTE DE PLUIE VERGLAÇANTE

3.2 Les données des glacimètres d’Hydro-Québec

3.2.2 Les facteurs météorologiques et la conception des pylônes

Les périodes de récurrence des tempêtes et les lois de distribution des charges provoquées par le vent et le verglas sont importantes dans l’élaboration des critères de conception des pylônes des lignes de transport d’électricité et des tours de télécommunication.

Les périodes d’observations et le nombre de tempêtes répertorié varient beaucoup d’une station à l’autre. De plus, l’analyse des données disponibles a fait ressortir plusieurs épisodes de faibles accumulations – sans doute associées à la bruine verglaçante – qui n’ont eu que peu d’incidence sur les structures. Les données correspondant à ce type d’épisode affectent l’estimation des paramètres de la distribution de la fréquence et de l’intensité des tempêtes ; elles constituent en quelque sorte un « bruit de fond » qui nuit à la prédiction des observations des tempêtes de plus grande intensité.

Dans la compilation et l’analyse des données, les climatologues utilisent généralement la distribution de Gumbel, en combinaison avec les observations annuelles maximales53. Il est cependant aussi possible d’utiliser la méthode dite des observations partielles – pour laquelle on ne retient que les valeurs qui dépassent un certain seuil –, en combinaison avec une distribution extrême telle que la distribution générale Pareto ou la distribution GEV. Selon les spécialistes54, la loi de Gumbel, un cas particulier de la distribution GEV, conduirait à sous-estimer les accumulations pour de longues périodes de récurrence.

En général, comme pour leur fréquence, l’intensité des tempêtes de verglas semble maximale le long de la vallée du St-Laurent. Plusieurs facteurs locaux, tels que la dénivellation et l’élévation viennent cependant influencer cette intensité.

Les spécialistes de la Commission ont procédé à une analyse des données glacimétriques couvrant une période allant de 1974 à 1995, pour les stations de Dorval et de

52. Le nombre d’épisodes de verglas varie considérablement d’une année à l’autre et d’une station à l’autre (de 0 à un maximum de 18). Le nombre annuel moyen des épisodes de verglas pour les stations du sud du Québec varie de 0,7, en 1993-1994, à 3,7, en 1983-1984. Les accumulations, pour la majorité de ces épisodes, sont relativement faibles.

53. J. LAFLAMME, op. cit., note 28 ; Wet snow icing combined with strong windfield inspections and field measurements, Comptes rendus du 7eCongrès international sur le givrage atmosphérique des structures, Université du Québec à Chicoutimi, 1996, p. 131-136.

54. K. JONES, op. cit., note 41 ; K ELFASHNY et al., Estimation of combined wind and ice loads on telecommunication towers in Quebec, phase I : modelling of the ice and wind observations, comptes rendus du 7eCongrès international sur le givrage atmosphérique des structures, Université du Québec à Chicoutimi, 1996, p. 131-136.

dépôts de glace sur les cylindres (de 25 mm de diamètre) des glacimètres, sans correction pour la présence ou l’absence de glaçons, et sans regroupement des stations. L’accumulation radiale équivalente pour une période de récurrence de 50 ans varie entre 30 et 34 mm pour la station de Dorval et entre 50 et 64 mm pour la station de St-Hubert. Cependant, l’incertitude sur les valeurs prédites pour de longues périodes de récurrence (> 100 ans) est très grande ; ces valeurs peuvent excéder la limite physique des accumulations effectives. De plus, l’influence du type de distribution retenue augmente avec la période de récurrence des accumulations.

Pour raffiner l’analyse, il est avantageux de recourir à la modélisation physique du phénomène d’accumulation, couplé à des modèles statistiques pour les variables météorologiques. Une telle procédure – couramment utilisée pour l’élaboration des critères de conception des plates-formes de forage pétrolier pour des périodes allant jusqu’à 10 000 ans – permet de mieux évaluer les paramètres extrêmes des phénomènes naturels et elle est applicable au verglas. En regroupant les données sur une base régionale55, il est aussi possible de réduire la variation des estimations pour les valeurs extrêmes. Cependant, les observations correspondant à une « super-station » régionale forment alors un ensemble de données homogènes, indépendantes d’une station à l’autre, ce qui est rarement le cas pour le verglas.

La corrélation a pour effet de réduire la période d’observation de la super-station ; elle amène à sous-estimer les exigences et à élaborer des critères insuffisamment sévères pour une longue période de récurrence. Le couplage des mesures faites dans plusieurs stations permet d’éviter le problème de corrélation entre les données ; par contre le choix des stations et le nombre qui sont couplées – trois, dans le cas de la technique des triades adoptée par Hydro-Québec – sont arbitraires. Lorsqu’elle est utilisée pour l’estimation des paramètres de la distribution de l’intensité du verglas pour un site donné, cette approche revient à accroître la période d’observation, pour des tempêtes d’une même intensité, pour un territoire équivalent à la distance qui sépare les stations.

L’incertitude sur l’estimation des paramètres des distributions est illustrée par des différences appréciables entre les distributions estimées pour les stations de Dorval et de Saint-Hubert. Ces différences ne peuvent être complètement attribuées à des caractéristiques climatologiques et topographiques propres aux régions considérées et dépendent de la courte période d’observation des séries temporelles. La période de récurrence de la tempête de janvier 1998 a été estimée entre 30 à 80 ans, pour le nord des états américains avoisinant le Québec56. Cette estimation est basée sur un modèle ponctuel du verglas et ne tient pas compte de la probabilité de l’étendue territoriale de la tempête.

La base de données des glacimètres montre cependant la grande variabilité des tempêtes de verglas, tant en fréquence qu’en intensité, dans le temps et dans l’espace. En conséquence, le choix d’une distribution extrême apparaît très important pour l’extrapolation des accumulations de verglas pour de longues périodes de récurrence (de 50 à 250 ans).

Livre 1 Les phénomènes atmosphériques 63

55. K. JONES, op. cit., note 41 ; K. JONES et N.D. MULHERIN, An evaluation of the severity of the January 1998 Ice storm in northern New-England, report to FEMA region 1, cold Regions Research and Engineering Laboratory, New Hampshire, 1998, 67 p.

56. K. JONES. op. cit., note 41.

Tableau 20

Estimation de la récurrence des accumulations de verglas sur la base des données du glacimètre de Dorval*

Récurrence Distribution

(années) GNO GUM GEV GPA KAP WAK PE3

mm

10 23,3 23,4 23,4 24,2 24,2 23,1 23,4

20 27,0 27,4 27,1 26,9 28,6 27,5 27,0

30 29,1 29,7 29,2 28,1 30,8 30,2 29,0

40 30,6 31,4 30,7 28,8 31,7 32,0 30,4

50 31,7 32,6 31,8 29,3 34,3 33,5 31,5

100 35,1 36,5 35,1 30,5 38,6 38,0 34,7

500 42,9 45,6 42,6 32,1 48,5 48,6 41,6

Source : Relevés glacimétriques effectués par Hydro-Québec, de 1979 à 1995.

* Estimation des accumulations de verglas en fonction de diverses lois de distribution retenues pour traiter les données du glacimètre de Dorval. Les distributions sont indiquées par leur abréviation (GNO : Generalized Normal; GUM : Gumbel ; GPA : Generalized Pareto; GEV : Generalized Extreme Value; KAP : Kappa ; WAK : Wakeby ; PE3 : Pearson Type 3).

Tableau 21

Estimation de la récurrence des accumulations de verglas sur la base des données du glacimètre de Saint-Hubert*

Récurrence Distribution

(années) GNO GUM GEV GPA KAP WAK PE3

mm

10 33,5 33,8 32,2 34,4 33,2 33,7 35,5

20 45,5 41,4 43,9 46 44,9 45,6 46,9

30 53,3 45,7 52 53,3 52,7 53,4 53,6

40 59,3 48,8 58,4 58,7 58,8 59,3 58,5

50 64,2 51,1 63,8 63,1 63,7 64,1 62,2

100 80,7 58,4 83,3 77,5 81 80,3 74

500 128,5 75,3 149,2 116,6 134,4 127,5 101,7

Source : Relevés glacimétriques effectués par Hydro-Québec, de 1979 à 1995.

* Estimation des accumulations de verglas en fonction de diverses lois de distribution retenues pour traiter les données du glacimètre de Saint-Hubert. Les distributions sont indiquées par leur abréviation (GNO : Generalized Normal; GUM : Gumbel ; GPA : Generalized Pareto; GEV: Generalized Extreme Value; KAP : Kappa ; WAK : Wakeby ; PE3 : Pearson Type 3).

Ainsi, selon la fonction de distribution retenue, pour une période de récurrence de cinquante ans, les calculs effectués par les spécialistes de la Commission montrent que l’estimation des accumulations de glace (en terme d’épaisseur radiale équivalente) peut varier de plus de 15 à 20 % (entre 51,1 et 64,4 mm, pour les données du glacimètre de Saint-Hubert et entre 29,3 et 34,3 mm pour celles du glacimètre de Dorval).

Les charges qui peuvent résulter de l’effet combiné du vent et du verglas fixent certaines exigences dans la conception des pylônes et sont à l’origine de normes spécifiques adoptées par les entreprises pour la construction de lignes.

Un sondage57, effectué en 1979, auprès des principales entreprises d’électricité américaines, a montré que près de la moitié d’entre elles s’étaient fixé des exigences supérieures à celles des codes normatifs usuels pour la construction des lignes de transport d’électricité dans les régions à haut risque de verglas. Les charges de verglas alors considérées variaient généralement entre 32 et 45 mm d’épaisseur radiale équivalente et pouvaient aller de 50 à 57 mm pour les charges maximales rapportées.

Les procédures adoptées par la plupart des entreprises considèrent un cas de charge pour le verglas seul ainsi que des charges associées aux effets du vent et du verglas combinés.

Dans ce dernier cas, les charges de glace sont en général réduites.

Comme référence, l’American Society of Civil Engineers58 (ASCE) propose, une cartographie nord-américaine des tempêtes de verglas et de leur récurrence, basée sur 9 années d’observations effectuées pour le compte de l’Association of American Railroads, dans les années 193059 ainsi que des informations complémentaires fournies par des entreprises de services publics. Selon les normes de l’ASCE, les effets du vent, combinés à ceux du verglas, peuvent être définis comme équivalent à 40 % du « vent du mille60» le plus fort, sur une période de récurrence de 50 ans.

Certains spécialistes61calculent des charges ponctuelles et régionales pour le verglas et pour le vent combiné au verglas. Les charges régionales sont calculées en prenant en compte les charges maximales anticipées dans une région préalablement définie pour les tempêtes affectant cette région. Une analyse des valeurs extrêmes est utilisée pour déterminer la charge de glace, pour une période de 50 ans.

Pour le nord-est des États-Unis, sur une période de référence de 50 ans, la charge de glace est de 40 mm et le vent associé (rafale) est de 74 km/h.

Chez Hydro-Québec

Les critères de conception des lignes de transport d’électricité retenus par Hydro-Québec correspondent à ce qu’on appelle la norme SN-40.1.

En fonction de la localisation de la ligne projetée et le niveau de fiabilité visé, les spécialistes d’Hydro-Québec élaborent les plans et devis sur la base de deux types de zones caractéristiques des charges de vent et de verglas envisageables ainsi que deux périodes de récurrence afin de tenir compte des risques climatiques.

Livre 1 Les phénomènes atmosphériques 65

57. K. JONES, EPRI Freezing Rain ice mapping project : region 2, Cold Regions Research and Engineering Laboratory, U.S. Army Corps of Engineers, 58 p. : 130 répondants, représentant plus de 470 000 km de lignes de transport d’électricité.

58. American Society of Civil Engineers (ASCE), Guidelines for Electrical Transmission Line Structural Loading, ASCE Manuals 74, New York, 1991, 139 p. ; American Society of Civil Engineers (ASCE), op. cit., note 32.

59. I. BENNETT, op. cit., note 7.

60. Distance cumulée d’un mile, affichée par un totalisateur, par unité de temps.

61. K. JONES, EPRI Freezing Rain ice mapping project : region 2, Cold Regions Research and Engineering Laboratory, U.S. Army Corps of Engineers, 58 p.

Tableau 22

Les charges climatiques normalisées

Conditions Zones de charge

1 2

Niveau de fiabilité Normal Élevé Normal Élevé

Vent (km/h) à 10 m et –10˚C 110 120 90 110

Pression de référence à 0˚C (kPa) 0,57 0,68 0,38 0,57

Glace à 0˚C (mm) 45 55 35 45

Charge combinée

Glace (mm) 20 25 10 20

Vent (km/h) 80 85 70 80

Pression de référence (kPa) 0,3 0,34 0,23 0,3

Température minimale (˚C) –30 –30 –45 –45

Vent d’une heure (km/h) 75 75 65 65

Source : Hydro-Québec, Spécification technique normalisée SN-40.1, Service Études et Normalisation, Vice-présidence Équipements de transport, 1993.

Chez Ontario Hydro

Ontario Hydro se fixe généralement des normes plus exigeantes en fonction des charges climatiques appréhendées. Ses normes excèdent notamment celles de la CSA62, pour les lignes de 230 kV et 500 kV.

Tableau 23

La comparaison des normes de la CSA et d’Ontario Hydro en matière de charges climatiques

Conditions Lignes à 230 kV et à 115 kV Lignes à 500 kV et à 230 kV

CSA Ontario Hydro CSA Ontario Hydro

(catégorie 1, (catégorie 1,

zone sévère) zone sévère)

Verglas 12,7 mm 12,7 mm 50,4 mm

Vent et verglas 12,7 mm et 385 Pa 12,7 mm et 385 Pa 12,7 mm et 385 Pa 19 mm et 480 Pa

Vent seul 770 Pa 770 Pa 770 Pa 1 149 Pa