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Les informations générales

LA TEMPÊTE DE PLUIE VERGLAÇANTE

2.1 Les informations générales

La tempête de pluie verglaçante de janvier 1998 a non seulement affecté l’Ontario et le Québec, mais également le nord-est des États-Unis. Les systèmes météorologiques qui ont touché l’est de l’Ontario sont les mêmes que ceux qui ont affecté le sud-ouest du Québec, avec quelques heures de décalage.

Pour le Québec, le site internet d’Hydro-Québec (http ://www.hydro-quebec.com/) donne un certain aperçu des informations sur la tempête de pluie verglaçante. On y mentionne notamment qu’il serait tombé « ...de 50 à 90 mm de verglas en janvier 1998, dans tout le sud du Québec ». Il n’est cependant pas précisé si les épaisseurs de verglas dont il est question correspondent à des épaisseurs de glace accumulée au sol ou sur les conducteurs électriques.

Comme on le verra plus loin, des relevés de glace au sol18 ont permis de mieux évaluer les quantités de précipitations et les hauteurs de verglas.

Pour l’Ontario, un rapport d’Ontario Hydro mentionne que 90 mm de précipitations verglaçantes sont tombés en cinq jours et que certaines lignes ont été recouvertes de 70 à 90 mm de glace. Rien n’indique spécifiquement indiqué s’il s’agit d’épaisseurs radiales équivalentes de glace ou s’il s’agit d’épaisseurs totales de glace. On y mentionne que la tempête de pluie verglaçante de 1998 peut être considérée comme la convergence de systèmes climatiques et d’accumulations de glace qui ne devrait se produire qu’une fois par intervalle de plusieurs centaines d’années. Les principales données dont il est question dans ce rapport portent sur la région d’Ottawa. Toutefois, des données concernant le Québec ont aussi été utilisées afin de quantifier l’événement sur la partie est de l’Ontario.

Aux États-Unis, des spécialistes19 du Cold Regions Research and Engineering Laboratory (CRREL), mandatés par la Federal Emergency Management Agency (FEMA), ont étudié le phénomène et ses effets. Ils ont constaté que les plus fortes accumulations de verglas se trouvaient sur le flanc est des montagnes, à des altitudes inférieures à 1 300 m. À ces altitudes, il est probable que les gouttelettes d’eau surfondues des nuages ont contribué à l’accumulation de glace. De plus, contrairement à ce qui a été observé au Québec, dans le fond des vallées aux États-Unis, l’air est demeuré souvent assez chaud (au-dessus du point de congélation), ce qui a évité qu’on y connaisse de fortes accumulations de verglas.

Dans l’ensemble, pour le Québec et pour une bonne partie du nord-est de l’Amérique du Nord, la tempête de pluie verglaçante de janvier 1998 peut être qualifiée de « tempête du siècle ». Selon les archives climatologiques dont les premiers relevés remontent au début des années 50, elle serait la pire en quantité et en durée.

18. Raymond PERRIER, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998.

19. K. JONES et N.D. MULHERIN, An evaluation of the severity of the January 1998 Ice Storm

in Northern New England, Report to FEMA Region 1, Cold Regions Research and Engineering Laboratory, New Hampshire, 1998, 67 p.

2.2.1 Les données sur les précipitations

La présence de grésil, tombé en même temps que la pluie verglaçante, a compliqué les observations des quantités de précipitation.

La plupart des données de précipitation rapportées lors de la tempête de pluie verglaçante doivent être interprétées avec prudence, en s’assurant qu’une valeur réaliste a été attribuée à la densité du grésil et que les quantités de précipitations verglaçantes ont été calculées en tenant en compte de tout contenu en grésil. La Commission a relevé des cas où de telles corrections n’avaient pas été apportées aux données utilisées.

Pour évaluer correctement les quantités de pluie verglaçante, il est primordial de vérifier les corrections apportées par les spécialistes du ministère de l’Environnement du Québec ou d’Environnement Canada aux données recueillies par les observateurs, afin de s’assurer que toutes les corrections sont compatibles avec la densité réelle du grésil. Il faut absolument séparer les hauteurs de neige de celles du grésil, sinon il n’est pas possible d’évaluer la hauteur réelle de la précipitation solide. Les corrections apportées aux données doivent être effectuées, chacune d’entre elles individuellement, et non sur l’ensemble des données.

2.2.2 Les données de la station météorologique de Saint-Hubert

À la station Saint-Hubert, la hauteur de la précipitation totale a été mesurée à l’aide du nivomètre, de sorte que cette valeur est connue de façon satisfaisante. On y a rapporté des hauteurs de 14,4 cm de grésil et de 79,2 mm de pluie verglaçante.

Cependant, on constate une surestimation de la hauteur du grésil ou de la hauteur de pluies verglaçantes. En effet, au lieu de considérer une densité de grésil de 0,45 g/cm3, les observateurs de Saint-Hubert ont basé leurs estimations sur une densité de 0,1 g/cm3. Sur la base de leurs calculs, si les hauteurs de la pluie verglaçante avaient été surestimées, les spécialistes de la Commission ont constaté que les corrections à apporter seraient telles que les calculs aboutiraient à des hauteurs de pluie « négatives » durant la soirée du 8 janvier, alors qu’on a observé à peu près autant de grésil que de pluie verglaçante. Il faut en conclure que ce sont les hauteurs de grésil qui ont été surestimés et qu’elles devraient être divisées par un facteur équivalent (de 4,5) au rapport entre la densité de grésil considérée par les spécialistes et celle qui a été retenue par les observateurs. Ainsi, au lieu des 14,4 cm de grésil rapportés à Saint-Hubert, il n’y en aurait eu que 3,2 cm. En considérant également la présence de traces de grésil (une quantité estimée à environ 0,1 cm), rapportées à sept occasions, la hauteur totale de grésil aurait été de 3,9 cm. L’écart correspondant aux traces de grésil, soit 0,7 cm, représente une hauteur équivalente de pluie de 3,1 mm.

La hauteur corrigée des précipitations de pluies verglaçantes serait donc de 76,1 mm, au lieu de 79,2 mm, et la hauteur de grésil de 3,9 cm, au lieu de 14,4 cm.

Livre 1 Les phénomènes atmosphériques 27

2.2.3 Les écarts observés dans d’autres stations climatologiques

Pendant le verglas, les conditions d’observation étant très difficiles, les hauteurs de précipitation n’ont pas toujours pu être mesurées avec la précision habituelle (0,1 mm). De plus, l’alternance entre les divers types de précipitations (pluie verglaçante, grésil ou pluie) n’a pas été relevée aussi fréquemment qu’il aurait été souhaitable de le faire, mais pas moins souvent toutefois que ne le font généralement les observateurs des stations climatologiques du ministère de l’Environnement et de la Faune. C’est notamment le cas des relevés effectués la nuit ou en soirée, alors que la pluie verglaçante a pu se changer partiellement en grésil et que les observateurs étaient moins en mesure de le noter ou d’estimer précisément la répartition entre les deux types de précipitation.

Les spécialistes de la Commission ont examiné les feuilles des relevés météorologiques effectués par les observateurs à certaines stations dans le but de d’établir le niveau des difficultés rencontrées par ces derniers dans leurs observations des hauteurs de précipitation et, ainsi, de déterminer le niveau de fiabilité des observations.

Tableau 4

Les relevés des hauteurs de précipitation verglaçante*

Stations 5 janv. 5 janv. 6 janv. 6 janv. 7 janv. 7 janv. 8 janv. 8 janv. 9 janv. 9 janv. Total 8 h 00 18 h 00 8 h 00 18 h 00 8 h 00 18 h 00 8 h 00 18 h 00 8 h 00 18 h 00

mm

La Providence 4,1 7,1 23,4 7,4 0,0 TR 19,0 15,3 8,1 7,3 91,7

Sabrevois 1,4 2,6 18,0 9,0 0,0 TR 28,0 16,0 8,0 1,1 84,1

Saint-Amable TR 14,0 24,0 4,2 TR TR 8,8 17,0 11,2 6,0 85,2

(données non corrigées)

Saint-Amable TR 11,0 24,0 4,2 TR TR 2,8 11,0 2,2 3,0 52,2

(données corrigées)

Sainte-Madeleine TR 3,4 16,0 6,0 8,0 5,0 16,0 6,9 9,0 12,0 82,3

Laprairie 2,0 8,0 30,0 22,0 18,0 TR 15,0 8,6 10,4 6,0 120,0

TR : traces

* Telles que rapportées par les observateurs et validées par le ministère de l’Environnement et de la Faune. Les données de Saint-Amable ont été corrigées par le ministère de l’Environnement et de la Faune à l’automne 1998 en tenant compte de la densité du grésil.

Tableau 5

Les relevés des hauteurs de précipitation de grésil*

Stations 5 janv. 5 janv. 6 janv. 6 janv. 7 janv. 7 janv. 8 janv. 8 janv. 9 janv. 9 janv. Total

Sainte-Madeleine 0,6 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 TR 0,6 TR 1,2

LaPrairie 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

TR : traces

* Telles que rapportées par les observateurs et validées par le ministère de l’Environnement et de la Faune.

À Saint-Hyacinthe, la station La Providence est relativement bien équipée ; l’observateur attitré est particulièrement expérimenté.

On y a rapporté 91,7 mm de pluies verglaçantes, accompagnées de 11,1 cm de grésil, dont l’équivalence en eau aurait été d’environ 50 mm, ce qui donnerait une précipitation équivalente en eau de 141,7 mm. Or, si la pluie mesurée contenait le grésil, il faudrait plutôt soustraire 50 mm du total de pluies verglaçantes, ce qui ne laisserait que 41,7 mm de précipitation verglaçante.

En examinant les données par période individuelle, on note qu’à 18 h 00, le 5 janvier, l’observateur a rapporté 7,1 cm de grésil et 7,1 mm de pluie verglaçante. L’équivalent en eau de 7,1 cm de grésil est de 32 mm, soit un total de 39,1 mm de précipitation en dix heures, données de beaucoup supérieures à ce qui a été rapporté ailleurs. Si l’observation correspondait à un grésil fondu, dont la densité avait été supposée de 0,1, on aurait alors reçu une hauteur réelle de grésil de 1,6 cm. Il semble donc qu’il faille diviser par 4,5 les hauteurs de grésil à La Providence ; il n’y serait alors tombé que 2,5 cm de grésil, dont l’équivalent en eau était de 11,1 mm. Recalculée selon ces bases, la précipitation totale à La Providence aurait donc été de 102,8 mm. Il faut aussi tenir compte du contenu en grésil de la précipitation rapportée sous forme de pluie et du fait qu’il a peut-être été soustrait par l’observateur. En d’autres termes les 91,7 mm de pluies verglaçantes rapportées constituent-ils le total de la précipitation ou celui de la pluie seule ? S’il s’agit de la précipitation totale, les pluies verglaçantes à La Providence auraient été de 80,6 mm (91,7 – 11,1) mais selon cette hypothèse, n’y aurait eu aucune précipitation verglaçante le 5 janvier, à 18 h 00.

L’interprétation la plus exacte se situe sans doute entre les deux dernières possibilités : la précipitation totale aurait été comprise entre 91,7 et 102,8 mm tandis que la précipitation verglaçante aurait été comprise entre 80,6 et 91,7 mm et la hauteur de grésil aurait été d’environ 2,5 cm.

À la station Sabrevois

La station Sabrevois ne rapporte aucun grésil au cours de la période, ce qui est exceptionnel.

Il est toutefois possible qu’une partie de la précipitation soit tombée sous forme de grésil en dehors des heures d’observation. Dans ce cas, les quantités relevées ont probablement été très faibles, au point de ne pas être détectables au moment où l’observateur a pu examiner le type de précipitation. Le total de pluies verglaçantes relevées à la station Sabrevois, soit 84,1 mm, apparaît néanmoins plausible.

À la station Saint-Amable

Les données de la station Saint-Amable ont été corrigées par le MEF, en tenant compte du fait que le grésil se trouvait compris dans la précipitation verglaçante mesurée.

On y a considéré une densité du grésil égale à 0,6 g/cm3. Le MEF a donc estimé que les 5,5 cm de grésil avaient contribué à 33 mm d’équivalent en eau comptabilisé dans la pluie verglaçante, ne laissant plus que 52,2 mm de véritable pluie verglaçante à Saint-Amable. La hauteur du grésil a été rapportée avec une résolution de 0,5 cm, ce chiffre représente cependant une marge d’erreur relativement grande. De plus, le grésil qui est mesuré à une station climatologique est probablement recouvert de pluie verglaçante, ce qui pourrait contribuer à en augmenter l’épaisseur apparente. Considérant le fait que la densité utilisée pour le grésil est relativement élevée, on y constate facteurs pourraient causer une correction trop forte.

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À la station Sainte-Madeleine

À la station Sainte-Madeleine, la quantité totale de précipitation solide rapportée n’est que de 1,2 cm, dont 0,6 cm au début de la tempête à 8 h 00 le 5 janvier ; elle pouvait également contenir de la neige. Seule une trace de pluie verglaçante est rapportée à ce moment-là. Les 8 et 9 janvier à 18 h 00, deux autres observations rapportent une trace de précipitation solide, combinée à des quantités importantes de pluies verglaçantes. La hauteur totale de la précipitation verglaçante à cette station s’élève à 82,3 mm et celle de grésil est de 1,2 cm, donnant un résultat tout à fait plausible de 5,4 mm d’équivalent en eau pour une précipitation totale de 87,7 mm.

À la station Laprairie

À la station Laprairie, la quantité de pluie verglaçante a été évaluée à 112 mm et la quantité de grésil à 8 cm. Si la précipitation totale est exacte, cela suppose une densité du grésil de 0,1 g/cm3, ce qui semble relativement faible. Si la densité du grésil était de 0,45 g/cm3, comme le suggèrent les spécialistes de la Commission, la quantité de pluie verglaçante serait alors de 84 mm, un niveau comparable à ce qui a été observé à Saint-Hubert.

La distinction entre pluie et grésil influence fortement le calcul des quantités de pluie verglaçante. L’estimation de 8 cm de grésil à Laprairie a été faite à partir des observations aux stations avoisinantes. Or, les hauteurs de grésil semblent avoir été exagérées à plusieurs de ces stations, dont celle de Saint-Hubert. L’estimation devrait donc sans doute être réduite par un facteur correspondant au rapport entre la densité réelle du grésil et celle qui est utilisée pour la neige. Ainsi, il serait tombé environ 1,8 cm de grésil à Laprairie et non 8 cm.

Pour plusieurs stations climatiques, l’évaluation des quantités de précipitation verglaçante effectivement reçue doit donc être interprétée avec prudence. Des corrections importantes doivent être apportées aux hauteurs de grésil relevées, lesquelles doivent parfois être réduites par un facteur de 4 à 6 par rapport aux valeurs rapportées. Ainsi, dans certaines stations climatologiques, les hauteurs de précipitation verglaçante ont pu être surestimées par plus de 30 mm.

2.2.4 Les données des stations automatiques

Les spécialistes de la Commission ont pu comparer les données recueillies par les stations automatiques, de type AWOS20, à Saint-Hubert et à Sherbrooke, avec les relevés des observateurs rattachés à ces stations.

À Saint-Hubert, la station automatique a rapporté 22 observations horaires indiquant de la pluie, au lieu de la pluie verglaçante. Pendant ces observations, la température moyenne de l’air est pourtant restée sous le point de congélation, variant entre –6,5 °C et –0,5 °C, avec une moyenne de –4,2 °C. Pour sa part, l’observateur a généralement rapporté du grésil ou de la pluie verglaçante aux mêmes moments.

À Sherbrooke, on n’a relevé que trois rapports horaires par la station automatique, tous trois pour de la pluie par température pourtant inférieure à zéro, avec une moyenne de –3,1 °C.

À Saint-Hubert, la station automatique a rapporté cinq heures de neige, par des températures variant entre –5,8 à –9,7 °C, avec une moyenne de –8,2 °C. L’observateur, en devoir pendant une heure seulement, a plutôt rapporté un mélange de pluie verglaçante et de grésil.

20. Automatic Weather Observation Station.

AWOS ; celles-ci le rapportent généralement comme de la pluie ou de la pluie verglaçante. Sauf dans les cas de précipitation très faible, la station automatique est cependant capable de distinguer entre la neige et la pluie.