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Chapitre II : Recension des écrits Autisme

2.3 Étiologie de l’autisme

2.3.2 Les facteurs environnementaux

Les facteurs environnementaux sont très variés et regroupent tous les facteurs autres que génétiques qui auraient une incidence dans l’étiologie de l’autisme (83). Ces facteurs concernent évidemment l’exposition aux agents physiques, chimiques et biologiques, mais incluent également d’autres éléments d’ordres parental, gestationnel et obstétrical.

2.3.2.1 Exposition à des substances environnementales

De nombreuses études se sont penchées sur l’association entre l’autisme et l’exposition à des substances potentiellement toxiques (p. ex. pesticides, métaux lourds, phtalates, solvants, BPC) durant le développement. La littérature suggère en effet que la période qui s’étend du développement fœtal à la première année de vie constitue une fenêtre de susceptibilité neurodéveloppementale critique dans l’établissement de l’autisme (96). Différents mécanismes contribueraient à expliquer les effets de l’exposition à ces substances. En plus des effets reliés à la génétique, certaines substances toxiques pourraient perturber directement des fonctions de l’organisme (comme les systèmes endocrinien et immunitaire) et les fonctions cellulaires (p. ex. transmission neuronale) (93).

Deux revues récentes suggèrent que l’exposition prénatale (in utero) à différents types de pesticides augmenterait le risque de développer l’autisme (96, 97). Les pesticides organophosphorés et organochlorés sont les deux principales catégories reconnues pour leurs effets neurotoxiques dans le processus neurodéveloppemental.

D’autres études tendent à démontrer que l’exposition (prénatale et durant la jeune enfance) aux polluants de la combustion automobile et/ou atmosphériques industriels augmenterait le risque de développer l’autisme (96, 97). Les métaux lourds sont en effet reconnus pour leurs effets neurotoxiques (c’est-à-dire nocifs pour le développement du

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cerveau) et certaines études ont retrouvé des niveaux supérieurs de certains métaux lourds (notamment le mercure inorganique et le plomb) chez les personnes autistes (97, 98).

Dans l’ensemble, la portée limitée des conclusions issues de la littérature sur les substances environnementales visées empêche de confirmer ou d’exclure définitivement leur lien avec l’autisme (93, 96). De plus, les facteurs qui influencent l’exposition à ces substances et leur impact sur le risque (p. ex. niveaux d’exposition, sensibilité selon les étapes du développement) demeurent peu étudiés. D’autres travaux sur l’impact de ces substances devront donc être réalisés.

2.3.2.2 Exposition aux médicaments et aux vaccins

Certaines études ont postulé que l'exposition prénatale au misoprostol (un antiulcéreux également utilisé pour déclencher l’accouchement) et au valproate (un antiépileptique) augmente l'incidence de l'autisme chez les enfants (93, 99). Si les preuves demeurent faibles pour le misoprostol, les effets de l’exposition au valproate sur le risque sont toutefois bien documentés (73, 93). Le valproate est tératogène et son usage durant la grossesse peut altérer le développement du système nerveux. D’autres antiépileptiques ont des effets tératogènes et neurodéveloppementaux (100). Cependant, les effets du valproate sont plus sévères que ceux des autres antiépileptiques et jusqu’à maintenant, seule l’exposition in utero à ce médicament a été associée à une augmentation significative du risque d’autisme (93, 100). Les effets de l’exposition des jeunes enfants aux antiépileptiques résultant de l’allaitement devraient être étudiés davantage mais jusqu’à présent, cette exposition ne semble pas préoccupante (100).

Plusieurs études ont examiné l’association entre l’usage des antidépresseurs de la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) (p. ex. fluoxétine, paroxétine) durant la grossesse et le risque d’autisme, et ont produit des résultats contradictoires (101, 102). Boukhris et coll. (2016) ont analysé les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) concernant plus de 145 000 naissances et grossesses enregistrées de 1998 et 2009 (103). Ces auteurs rapportent que durant cette période, 3,2 % des fœtus avaient été exposés aux antidépresseurs. Une fois les facteurs confondants disponibles considérés (p. ex. condition physique et psychiatrique de la mère), l’utilisation des ISRS durant le deuxième et le troisième trimestre de la grossesse augmentait de 2,17 fois le risque

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de donner naissance à un enfant autiste. Cette augmentation du risque se compare à celle de 2,12 fois rapportée par une méta-analyse de Man et coll. (2015) (104), tandis que les travaux de Boukhris et coll. (2016) montrent que l’exposition aux autres classes d’antidépresseurs durant la même période n’est pas associée à des variations significatives du risque (103).

Du point de vue mécanistique, les ISRS interféreraient avec des mécanismes neurodéveloppementaux critiques impliquant la sérotonine. Cependant, l’association entre l’exposition prénatale à ces médicaments et l’autisme demeure controversée. Les résultats de certaines études suggèrent que des facteurs confondants plus complexes, comme l’historique des conditions psychiatriques familiales, expliqueraient cette association (93, 105). Une étude utilisant la base de données administrative de l’Ontario supporterait cette hypothèse (106). Dans cette étude, bien qu’en analyse principale une augmentation du risque ait été observée, l’association n’était plus statistiquement significative une fois les données ajustées pour les confondants potentiels à l’aide du score de propension à haute densité.

Deux études ont associé l’utilisation de l’acétaminophène (comme le Tylenol®) durant la grossesse à une faible augmentation du risque d’autisme chez les enfants (107, 108). Ce risque augmenterait cumulativement en fonction de la fréquence et des quantités utilisées, sans égard au trimestre gestationnel (107, 108). Différents mécanismes qui pourraient affecter la différenciation neuronale, la modulation immunitaire ou le stress oxidatif ont été suggérés

(107). Les données demeurent toutefois limitées et suggèrent que la prédisposition, si elle

s’avère vérifiée, serait orientée vers le syndrome hyperkinétique plutôt que vers l'autisme (109).

Enfin, deux hypothèses controversées concernant le rôle de la vaccination infantile dans la survenance de l’autisme ont eu un impact profond sur la recherche, la pratique clinique et la santé publique (110). Une hypothèse concernait le rôle du triple vaccin rougeole – rubéole – oreillons (RRO) et avait été mise de l’avant par un article frauduleux de Wakefield et coll. (1998) qui a été rétracté par la suite (110, 111). L’autre hypothèse portait sur les effets du thimérosal (composé à environ 50 % d’éthylmercure) présent en faible quantité dans plusieurs vaccins à dose multiple destinés aux enfants (mais pas dans le vaccin RRO). Plusieurs travaux de recherches et enquêtes épidémiologiques (p. ex. de type cohorte, cas- témoins et méta-analyse) ont été menés afin de vérifier ces deux hypothèses (66, 112, 113).

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Les données actuelles sont définitives et ne permettent pas d’établir un lien causal entre la vaccination et le risque d’autisme.

En résumé, les évidences d'une association entre l'exposition prénatale à divers médicaments et l’autisme sont limitées et pour la majorité questionnées puisqu’il peut être difficile de départager l’impact du médicament de celui de la condition sous-jacente pour laquelle le produit est utilisé. La vaccination n’aurait aucune incidence sur le développement de l’autisme. Pour le moment, en rapport avec l’autisme, seul le valproate présente des preuves suffisantes pour déconseiller son utilisation pendant la grossesse.

2.3.2.3 Facteurs gestationnels, obstétricaux et néonataux

Deux études et méta-analyses de Gardener et coll. (2009, 2011) ont examiné l’influence des facteurs prénataux et néonataux sur le risque des enfants de développer l’autisme (114, 115). Les facteurs qui ont été associés à une augmentation significative du risque dans la première méta-analyse étaient l’âge avancé des parents (mère et père), l’usage de médicaments par la mère, le diabète gestationnel, avoir une mère ayant un statut d’immigrante et le rang de naissance (1er vs 3e). Les associations observées étaient cependant très faibles, à l’exception des saignements durant la grossesse qui présentaient une plus forte corrélation. Les facteurs qui comportaient les meilleures preuves d’association avec l’autisme dans la seconde méta-analyse étaient principalement liés aux problèmes durant la grossesse, aux complications lors de l’accouchement et à la mauvaise condition du nouveau-né (traumatisme, anémie, poids insuffisant).

Selon l’analyse des revues systématiques de la littérature et des méta-analyses de Modabbernia et coll. (2017), l’anémie et le très faible poids des bébés nés avant terme ainsi que les traumatismes, l’ischémie et l’hypoxie chez les nouveau-nés seraient les facteurs qui auraient démontré la plus forte association avec le risque des enfants de développer l’autisme (93). Il a été proposé que l’hypoxie cérébrale liée aux complications puisse causer des dommages au cerveau qui prédisposeraient au développement de l’autisme (73, 93). Heureusement, l’amélioration des soins néonatals et de la prise en charge de ces bébés auraient permis de réduire ce risque au fil des années (116).

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La littérature suggère également une association plus faible mais tout de même significative entre l’autisme et le surpoids (ou l’obésité) chez la mère, notamment l’obésité associée au diabète (gestationnel ou non) (93, 117). Les anomalies des hormones stéroïdiennes, thyroïdiennes et les maladies auto-immunes chez la mère ainsi que les infections durant la grossesse ont aussi été soupçonnées (73, 93, 118, 119). Certaines études rapportent de plus que la fièvre prolongée pendant la grossesse ou des épisodes fébriles seraient associés à l'autisme (120-122) ainsi que les naissances par césarienne, dans une moindre mesure (119). Il semble toutefois que les conclusions concernant la majorité des facteurs évalués soient grandement limitées par le manque de données et l’hétérogénéité des résultats entre les études (115, 119).

2.3.2.4 Âge des parents

L’âge avancé des parents est un des facteurs environnementaux qui augmente le plus le risque d'avoir un enfant autiste. Une méta-analyse de Wu et coll. (2017) basée sur les données des études publiées jusqu’en novembre 2015 rapporte une augmentation moyenne du risque de 18 % par tranche de 10 ans d’âge chez les mères et de 21 % chez les pères (123). Cependant, deux études récentes (2016) tendent à démontrer une relation beaucoup plus complexe entre l’âge des parents et ce risque.

Sandin et coll. ont analysé 31 000 cas d’enfants autistes provenant de cohortes de cinq pays développés (124). Leurs résultats indiquent qu’en plus de l’âge avancé des parents, le risque relatif d’autisme chez les enfants serait plus élevé lorsque la mère est très jeune (âgées de 20 ans et moins), et qu’il augmenterait encore davantage en fonction de la différence d’âge entre les parents (124). Le risque le plus faible a été observé chez les couples d’âges rapprochés entre 25 et 39 ans, alors que la prévalence la plus élevée est parmi les couples où le père est âgé de plus de 45 ans et les couples de 30 à 44 ans avec plus de 10 années de différence. À la lumière des résultats obtenus, ces auteurs concluent que l’accumulation des variations génétiques de novo des parents plus âgés ne peut expliquer à elle seule l’augmentation du risque associé à leur âge.

Enfin, une étude de Gratten et coll. publiée dans Nature Genetics a analysé la relation entre l’âge du père, les SNV et le risque d’avoir un enfant atteint d’autisme ou de

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schizophrénie (125). Cette étude conclut que l’accumulation des SNV chez les pères serait responsable de 10 à 20 % des cas et ne serait pas la principale cause de l’accroissement du risque lié à l’âge du père. Selon les auteurs, les facteurs génétiques (p. ex. SNV, CNV) partagés par les pères plus âgés peuvent expliquer l’effet de l’âge du père. Toutefois, la combinaison des facteurs génétiques et non génétiques partagés par les parents et leurs enfants contribuerait également à cet effet.