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Chapitre II : Recension des écrits Autisme

2.4 Comorbidités associées

2.4.1 Comorbidités psychiatriques et psychologiques

Environ 30 % des individus de la population générale satisfont les critères pour un trouble psychiatrique (troubles anxieux, dépressifs, du comportement etc.) à au moins une occasion dans leur vie (129, 130). Bien que cette classe de troubles soit étudiée depuis longtemps, l’étude des symptômes psychiatriques associés à l’autisme ne s’est développée qu’au cours des quinze dernières années (126), et nous savons maintenant que les comorbidités psychiatriques sont très répandues dans ce groupe (129, 131). Elles sont associées à un pronostic défavorable et causent une diminution de la qualité de vie, en règle générale (129).

Il existe deux approches permettant d’évaluer les comorbidités psychiatriques : 1) les outils de mesures standardisés (questionnaires, entrevues) pour l’évaluation des troubles psychiatriques chez les individus de la population générale (p. ex. PAPA, CAPA, SCID) ; et 2) les outils de mesures spécifiquement conçus ou adaptés pour évaluer les personnes autistes (p. ex. ACI-PL, BISCUIT) (132). Les outils conçus pour la population générale ont l’avantage de permettre de comparer directement les données provenant de ces deux populations, mais ont aussi l’inconvénient de confondre assez régulièrement les symptômes autistiques avec ceux d’autres psychopathologies. De plus, ils surestiment souvent la prévalence des comorbidités psychiatriques de ce sous-groupe (132, 133).

La majorité des études portant sur la présence de troubles psychiatriques comorbides chez les jeunes autistes rapportent entre 60 et 90 % de prévalence pour au moins une comorbidité de cette nature (132, 134). Selon des études récentes, de 70 à 80 % des personnes autistes satisfont les critères pour une condition psychiatrique (ou plus) à au moins une occasion durant leur vie adulte (129, 135). La prévalence globale de ces comorbidités aurait tendance à s’atténuer avec l’âge (129). Par ailleurs, il semble que l’identification accrue des

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comorbidités psychiatriques aurait conduit à une augmentation de l’usage des médicaments psychoactifs (p. ex. antipsychotiques, antidépresseurs) (136).

2.4.1.1 Troubles anxieux

Les troubles anxieux sont considérés comme les comorbidités les plus fréquentes chez les enfants autistes (126). Cependant, le diagnostic de ces troubles concomitants pose de grands défis cliniques. Les manifestations du trouble obsessif compulsif (TOC), par exemple, présentent plusieurs similitudes avec les comportements répétitifs typiques de l’autisme (137). Il existe toujours un manque de consensus sur les directives d’évaluation de ce type de comorbidités ainsi que sur les outils de mesures à utiliser pour cette population (126, 138).

Van Steensel et coll. (2011) ont réalisé une méta-analyse à partir de 31 études portant sur 2 121 jeunes autistes de moins de 18 ans (133). Dans chacune des études retenues, l’anxiété avait été évaluée à partir de questionnaires standardisés ou d’entrevues cliniques. Les résultats indiquent dans l’ensemble que près de 40 % des cas de TSA comportaient au moins un trouble anxieux répondant aux critères du DSM-IV. Par comparaison, une autre publication rapporte un taux moyen de prévalence de ces troubles de 10,2 % chez les enfants et les adolescents neurotypiques (139). Les troubles anxieux concomitants qui ont été répertoriés, le plus souvent par Van Steensel et coll., sont les phobies (prévalence de 29,8 %), le trouble obsessionnel-compulsif (17,4 %), le trouble d’anxiété sociale (16,6 %), l’agoraphobie (16,6 %) et le trouble d’anxiété généralisée (15,4 %) (133).

Plusieurs recherches ont également étudié l’influence des caractéristiques des individus autistes (p. ex., âge, QI) sur l’expression des troubles anxieux. Cependant, il est préférable de rester prudent par rapport aux nombreuses associations rapportées dans la littérature. En effet, l’éclectisme des combinaisons de caractères et des conditions anxieuses analysées selon les études complique souvent l’interprétation et l’extrapolation des corrélations établies (126, 133).

Les résultats d’une étude de Magiati et coll. (2016) effectuée auprès de 241 jeunes autistes (âgés de 6 à 18 ans) suggèrent que seule la sévérité des symptômes des comportements restreints ou répétitifs ont un impact sur les problèmes d'anxiété (140). Les chercheurs établissent clairement une corrélation prédictive significative entre le degré de

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sévérité des comportements et des manifestations verbales stéréotypés de ces individus et l’expression des symptômes de différents troubles anxieux (dont l’anxiété de séparation, l’anxiété généralisée, la panique/agoraphobie et les TOC). Fait plutôt remarquable, le degré d’atteinte dans le domaine des communications et des interactions sociales n’a pas été associé à l’expression des symptômes d’anxiétés (140).

Les constats de cette nature sont essentiels, considérant que les troubles anxieux comorbides sont responsables d’une bonne partie des dépenses en santé et en services sociaux liées à l’autisme (141). En effet, les troubles anxieux peuvent exacerber les symptômes autistiques, menant ainsi à une plus grande utilisation des ressources (133, 141).

2.4.1.2 Troubles du comportement

Les enfants autistes peuvent présenter des troubles du comportement à différents degrés dont l’irritabilité qui inclut l’agitation, l’agressivité, la violence et l’automutilation (142, 143). L’irritabilité est un des problèmes du comportement qui mène le plus souvent à une consultation médicale (142). Elle serait présente chez environ 85% des enfants autistes (144) et encore plus fréquente chez ceux qui affichent des troubles de l’humeur, du sommeil ou de l’anxiété en concomitance (143, 144). Certains problèmes médicaux, dont l’épilepsie et la douleur associée à des troubles gastro-intestinaux ou autres, peuvent aussi exacerber ou se présenter comme des troubles de comportement (143, 145).

Selon certaines études, plus de 50% des enfants autistes s’adonnent à l’automutilation (146, 147), et les problèmes d’agression ne sont pas rares, non plus. Une étude réalisée auprès de 1380 autistes âgés de 4 à 17 ans a révélé que 68 % d’entre eux présentaient un historique d’agression envers leurs parents (allant des menaces jusqu’à l’utilisation d’objets dangereux) et 49 % envers d’autres personnes (148).

Le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) est un trouble du comportement catégorisé parmi les « Troubles disruptifs, du contrôle de l’impulsion et des conduites » du DSM-5 (149). Environ le quart des enfants autistes satisferaient les critères diagnostiques pour ce trouble (132, 150). Certaines recherches tendent à démontrer que le TOP n’est pas plus sévère chez les enfants autistes (150, 151). Toutefois, il semble que lorsqu’il est associé au

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trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le TOP cause des symptômes psychiatriques et des problèmes de comportement plus sévères (150, 152).

Les enfants autistes ont également un risque accru d’être victimes d’intimidation et de subir du harcèlement en milieu scolaire en raison des symptômes résultant de leur TSA (153, 154). Ce type d’abus peut contribuer aux problèmes de comportement (143). Une méta- analyse de 17 études sélectionnées à partir d’une revue systématique de la littérature a établi qu’en moyenne 44 % des étudiants atteints de TSA sont victimes d’intimidation dans les milieux scolaires réguliers, et qu’en moyenne 10 % des étudiants avec le TSA commettent des actes d’intimidation dans ce type de milieu (155).

En somme, les troubles du comportement dans l’autisme sont particulièrement préoccupants pour l’entourage (156). Ces manifestations peuvent limiter l’accès des individus atteints aux services disponibles et réduire substantiellement leur qualité de vie et celle de leurs proches.

2.4.1.3 Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

Le DSM-5 classe le TDAH parmi les troubles neurodéveloppementaux (149). Le déficit de l’attention cause une incapacité persistante des individus à maintenir leur attention dans différents contextes (p. ex. conversation, lecture, tâches multifonctionnelles). Ce trouble est souvent associé à des comportements impulsifs et hyperactifs généralisés. Selon une estimation récente provenant d’une méta-analyse, la prévalence globale du TDAH dans la population serait de 7,2 % (157).

Le DSM-IV ne permettait pas d’effectuer un diagnostic de TSA et de TDAH comorbides — le diagnostic du TSA étant en lui-même un critère d’exclusion pour le TDAH. Le DSM-5 a éliminé cette exclusion et requiert maintenant de spécifier la présence d’un TDAH lors de l’évaluation du TSA. Il est maintenant bien établi que le TDAH est l’une des comorbidités les plus fréquentes. Les taux de prévalence rapportés par les études réalisées avant ou après la publication du DSM-5 varient entre 30 et 85 % (126, 158).

Bien que les symptômes autistiques et le TDAH présentent des différences évidentes, ces deux conditions montrent également plusieurs similarités, dont notamment des déficits et/ou des retards de la motricité et du langage (158). De plus, 50 à 72 % des facteurs

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génétiques/héréditaires de l'autisme et du TDAH se chevauchent, ce qui tend à démontrer leur affiliation étiologique (158). Les études ayant comparé les individus autistes avec TDAH et sans TDAH comorbide suggèrent que les symptômes du TDAH sont additifs et que les altérations fonctionnelles des individus autistes qui ont en plus un TDAH sont plus sévères (158).

2.4.1.4 Dépression et troubles de l’humeur

Les troubles dépressifs et de l’humeur regroupent différentes affections comme les dépressions majeure et saisonnière, la dysthymie et le trouble bipolaire. Sur une période d’un an, approximativement 10 % des adultes et 7,5 % des adolescents de la population générale souffriraient de troubles dépressifs (159).

Les individus autistes souffrant de troubles de l’humeur présentent un large éventail de symptômes allant de l'irritabilité et la tristesse jusqu'aux comportements agressifs et suicidaires (160, 161). Détecter les troubles de l’humeur chez ces personnes peut toutefois s’avérer difficile puisque leurs manifestations présentent plusieurs similitudes avec d’autres comportements fréquemment observés chez les personnes autistes (144, 161).

La prévalence de la dépression et des troubles bipolaires chez les personnes autistes est beaucoup plus élevée que dans la population générale (126, 159). La littérature fait état de taux de dépression comorbide allant jusqu’à 50 % chez les jeunes et 70 % chez les adultes (126, 159). L'estimation de la prévalence de la bipolarité chez les personnes autistes varie beaucoup plus, allant de 6 à 21% (161), De façon générale, les études chez les adultes dénotent une prévalence plus élevée que chez les enfants et les adolescents (126, 159, 161).

La dépression et les symptômes associés sont plus répandus chez les individus qui affichent un haut niveau de fonctionnement (162-164). L’hypothèse la plus souvent mise de l’avant est que ces personnes sont plus vulnérables aux états dépressifs en raison de leurs attentes sociales plus élevées (159). En effet, les individus autistes suffisamment conscients pour réaliser leurs difficultés relationnelles sont susceptibles d’expérimenter des douleurs émotionnelles et de l'anxiété face à leurs échecs sociaux (165). L’évaluation des symptômes dépressifs chez les individus souffrant d’importants déficits au niveau intellectuel et/ou de la

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communication est toutefois beaucoup plus difficile. La portée réelle de l’influence du QI sur la sensibilité à la dépression ne fait donc pas encore consensus parmi les experts (159).

2.4.1.5 Schizophrénie et psychose

La schizophrénie est un trouble psychotique qui se manifeste chez environ 1% de la population par des épisodes de délire, d’hallucinations et une désorganisation de la pensée et/ou du comportement. Bien qu’elle puisse apparaître pendant l'enfance, elle survient typiquement vers la fin de l'adolescence ou dans la vingtaine. Plusieurs études suggèrent que la schizophrénie coexiste à un taux plus élevé chez les autistes que celui observé dans la population générale. Toutefois, ces études varient considérablement dans leur estimation de la prévalence de la schizophrénie chez les personnes autistes, allant de 0 à 34% (166).

Bien que les symptômes autistiques et la schizophrénie présentent des différences évidentes, ces deux conditions ont également certaines similarités, dont des déficits au niveau de l'interaction sociale et de la communication (166, 167). Il existe peu de données sur l’impact clinique de la psychose comorbide en autisme. Selon une étude, la présence de symptômes psychotiques chez les personnes qui présentent des traits autistiques serait associée à un niveau accru de symptômes dépressifs, de désespoir et de suicide (167).

2.4.2 Comorbidités neurodéveloppementales et neurologiques