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5. PRESENTATION DES RESULTATS

5.3. LA SEANCE DE GEOGRAPHIE EN PRESENCE DES ELEVES

5.3.1. Les dispositifs de co-enseignement et les rôles respectifs

Comme l’indiquent les résultats, lors de cette séance en présence des élèves, les enseignantes ont majoritairement utilisé le dispositif de co-enseignement n° 5, c’est-à-dire qu’elles enseignent ensemble. Les interventions collectives auprès des élèves peuvent venir de l’une comme de l’autre. Elles se trouvent toutes les deux devant la classe. Plusieurs éléments

provenant des entretiens apportent des précisions sur la fonction de ce dispositif, mais également certaines de ses limites dans la prise en compte des besoins particuliers d’élèves.

Brigitte décrit comment se déroule la prise de parole entre sa collègue et elle-même lorsqu’elles enseignent dans ce dispositif : « on est vraiment ensemble on est vraiment dans le partage de parole et on essaie de au maximum de balancer nos voix alors ça on ne se l’est même pas dit mais il y en a une qui prend la parole et après on se tait et on essaie de laisser parler l’autre et puis j’ai l’impression qu’on joue un peu avec le regard pour se donner la parole après c’est vrai qu’on veut les deux donner la paroles aux enfants donc on appelle en même temps deux enfants différents donc on essaie de se coordonner mais à certains moments quand on est vraiment dans le co-enseignement, j’ai l’impression on joue un peu au ping-pong de parole pour ajouter des éléments supplémentaires pour que pour les enfants ce soi un petit peu moins monotone » (Bpost-182 à 189). Pour Nina également, il s’agit d’être en contact constant avec Brigitte afin d’articuler leurs prises de parole : « c’est vrai que j’ai l’impression de demander souvent on a des petits regards avec Brigitte pour voir si on s’approuve l’une l’autre […] j’ai l’impression qu’on est assez ça coule assez de source […]

c’est un peu l’une prend et chacune enrichit d’une façon ou d’une autre il y a des moments où l’une elle veut insister un peu plus sur quelque chose alors voilà il y a peut-être des choses où on s’est pas forcément coordonnée ou qu’on a pas forcément dit à l’avance » (Npost-359 à 372).

Les résultats nous permettent également de relever un deuxième dispositif qui est mis en œuvre de façon plus ponctuelle : il s’agit du n°1, une enseignante mène l’activité collective tandis que l’autre enseignante intervient plus individuellement auprès d’élèves en se déplaçant physiquement vers eux. Lors de la séance, ce dispositif est étroitement imbriqué avec le n°5.

Autrement dit, les enseignantes enseignent ensemble devant la classe et si besoin, l’une d’entre elle s’approche plus particulièrement d’un élève pour une aide (au sens général), momentanée. Dans cette séance, Brigitte prend plus souvent le rôle de l’enseignante de soutien pendant que Nina gère l’avancement de l’activité collective. Brigitte l’explique de la façon suivante : « je me mets actuellement plus dans le rôle de gestion du groupe, c’est le sentiment que j’ai du respect du cadre du groupe donc bon ça se passe déjà dans ma classe, j’ai des règles assez précises ben je les utilise pour les élèves de Nina » (Bpost-159 à 163) ;

« je me rends compte que très souvent je me déplace pour enlever un crayon, me déplacer, poser les mains sur les épaules, chuchoter quelque chose à un enfant peut-être si j’observe ces deux séances, il me semble que Nina le fait un petit peu moins, elle reste plus devant et je suis quelqu’un qui bouge peut-être plus dans les leçons » (Bpost-170 à 174). Pour Nina, intervenir auprès d’un élève en particulier dans ce dispositif de co-enseignement poursuit les objectifs suivants : « ça dépend quand si il y en a un qui dérange ou si on voit qu’il y a un élève qu’on perd et puis qu’il suffit juste d’aller un petit peu lui enlever un crayon des mains ou quelque chose pour qu’il reprenne le fil mais c’est souvent quand il y en a un qui ne va pas bien dans la leçon, je pense principalement à Ilan » (Npost-442 à 445). Durant la séance, Brigitte a demandé à deux élèves de sortir quelques minutes dans le couloir. Elle explique comment cette mise à l’écart du groupe évite, peut-être paradoxalement, sa stigmatisation :

« À un moment donné quand l’enfant on lui a fait plusieurs fois la même remarque face aux autres, il abîme son image par rapport aux autres et il devient celui qui ne lève pas la main ou celui qui ci ou celui qui ça et puis si on a dit deux trois fois à l’enfant et qu’il n’arrive pas à se récupérer c’est qu’il a besoin d’autre chose donc on le sort il se pose un moment et puis on discute attend aujourd’hui pourquoi tu n’arrives pas à lever la main ah ok tu as envie, mais tu n’arrives pas parce que tu as beaucoup de choses à dire ok mais regarde et après on essaie de comprendre avec l’enfant comment il peut dépasser cette difficulté du jour parce que quand tu es dans le flux de l’activité tu peux pas faire ce travail avec eux et juste lui dire tais-toi ou lève la main ben lui s’il arrive pas à le faire c’est qu’il y a autre chose et il faut qu’on comprenne avec lui quel est cet autre besoin et c’est ça que je fais quand je sors avec eux » (Bpost-406 à 415). Lors de la séance, Brigitte est effectivement intervenue à plusieurs reprises de manière individualisée auprès de David, puis elle lui a demandé de sortir dans le couloir cinq minutes et a discuté avec lui à ce moment-là. Nous reprendrons le contenu de ses interventions dans la partie 5.1.5.

Lors de la tâche individuelle sur la carte du monde, le co-enseignement mis en œuvre peut être défini comme relevant du dispositif n°4, c’est-à-dire étayer le travail collaboratif entre élèves, même si les élèves travaillent ici individuellement. Le soutien octroyé aux élèves peut être pensé en amont ou alors sur le moment. Les modalités de collaboration sont explicités par Brigitte lors de l’entretien : « C’est vrai que nous on se dit là tel groupe il aura besoin de soutien alors soit on peut s’asseoir carrément avec un groupe et travailler avec ou alors on va se promener puis alors là première chose on va vers le groupe qu’on avait défini comme ayant besoin d’aide autrement je regarde je serai attentive où est Nina pour me mettre physiquement à une autre endroit, et à d’autres moments on va se rejoindre pour se faire un petit commentaire pour se dire où ils en sont » (Bpost-218 à 223) ; « pour se dire alors là c’est la catastrophe, là ils n’ont rien compris là ils sont pas du tout dans ce qu’on avait demandé pour voir si on régule ou on ne régule pas » (Bpost-230 à 232). Durant les phases d’activités individuelles, Brigitte est attentive à la problématique de l’aide octroyée et cherche à mesurer ses interventions pour trouver la bonne distance face aux élèves. En effet, elle se rend compte que les interventions des enseignantes, plutôt que de soutenir l’apprentissage des élèves, peuvent aussi parfois en constituer un obstacle : « En fait c’est quand ils sont en train de travailler ils sont vraiment dans l’activité en train de travailler qui fait que quand tu interviens tu poses une question et du coup ils commencent à te poser des questions et tu sens qu’ils perdent leur autonomie, là tu te dis je suis en train de les perturber plus qu’autre chose […] il faut s’éloigner parce qu’on est trop à toujours vouloir les aider les accompagner à la limite ils nous regardent tu fais oui super un petit regard ensuite tu travailles bien, j’ai vu votre groupe fonctionne bien on peut juste de loin juste quand ils lèvent leur regard et ils voient qu’on les regarde, qu’on les observe car ils aiment bien avoir le regard protecteur des maîtresses, rien que le fait qu’ils voient qu’on les regarde de loin ça suffit, ils ne se sentent pas seuls donc ils peuvent se remettre au travail » (Bpost-235 à 247).