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Afin d’opérationnaliser le co-enseignement en classe, plusieurs dispositifs ou configurations sont décrits (Friend & Cook, 2003 ; Gravel & Trépanier, 2010 ; Vaughn, Schumm & Arguelles, 1997). Ils précisent les formes d’organisation ainsi que les rôles des deux enseignants présents. Le choix de l’approche est effectué en fonction de plusieurs critères : les besoins des élèves ; la dynamique de la classe ; les savoirs en jeu ; le niveau de confort des enseignants ; les compétences particulières des enseignants pour l’enseignement ou le co-enseignement. Nous présenterons ici les six principaux dispositifs trouvés dans la littérature tout en signalant d’éventuelles évolutions selon les auteurs.

1. Le co-enseignement en soutien (Gravel & Trépanier, 2010) ; one group, one lead teacher, one teacher « teaching on purpose » (Vaughn et al. 1997) ; supportive learning activities, (Bauwens, Hourcade & Friend 1989) ;one teaching, one drifting (Friend &

Cook, 2003) ; one teach, one assist (Friend, Cook, Hurley-Chamberlain & Shamberger, 2010) ; supportive co-teaching (Villa, Thousand & Nevin, 2013) ; enseigner et étayer, verbaliser (Pelgrims, 2012).

Un enseignant gère le groupe et l’avancée des activités, tandis que le deuxième enseignant assume un rôle de soutien auprès des élèves qui ont des besoins spécifiques ou des questions en circulant dans la classe, en observant l’activité des élèves. Ces rôles sont interchangeables, l’intérêt étant de permettre à l’enseignant titulaire d’approcher plus en détail les besoins particuliers de certains élèves. Le soutien peut être individuel ou en sous-groupes, mais il est de courte durée car l’objectif est de permettre à tous les élèves de suivre le même enseignement dans la même temporalité que le groupe classe. Un des avantages est de permettre à l’un des co-enseignants de répondre aux besoins individuels, sans que ses interventions ne stoppent l’activité collective en cours. En outre, grâce à ses positions et gestes, grâce à la verbalisation d’émotions suscitées par la leçon et la situation, il peut réguler les comportements et les états affectifs d’élèves enclins à des stratégies d’évitement et les maintenir dans l’activité collective (Pelgrims, Deville & Fernandez, 2010). Ce modèle présente néanmoins certaines limites, liées notamment au risque de rendre certains élèves dépendants de l’aide individuelle octroyée. En outre, si les rôles ne sont pas alternés, le 2e enseignant pourrait être assimilé à un assistant, tandis que le 1er pourrait avoir la charge des autres tâches d’enseignement.

2. Deux enseignants, deux sous-groupes hétérogènes, un même contenu (Gravel &

Trépanier, 2010) ; two groups : two teachers teach same content (Vaughn et al., 1997) ; parallel teaching (Friend & Cook, 2003 ; Friend et al., 2010 ; Villa et al., 2013) ; enseigner en deux sous-groupes, même objectif (Pelgrims, 2012).

La classe est ici séparée en deux groupes volontairement hétérogènes, chaque enseignant étant responsable d’un groupe. Ce dispositif diminue le nombre d’élèves pris en charge par un enseignant, ce qui favorise la participation, les interactions entre pairs et la différenciation. Cette approche n’est pas préconisée lors de l’introduction d’un nouveau contenu, mais plutôt lors de phases de consolidation d’un savoir ou de réinvestissement de celui-ci dans une nouvelle tâche (Gravel & Trépanier, 2010). Il est d’ailleurs suggéré de conduire le lancement et la clôture de la tâche en collectif, afin d’articuler le travail des sous-groupes et d’enrichir la construction de la mémoire commune de la classe (Vaughn et al., 1997). La préparation conjointe est ici très importante afin d’assurer que les enseignants ont les même objectifs et attentes.

3. Deux enseignants, deux sous-groupes homogènes, un enseignement complémentaire (Gravel & Trépanier, 2010) ; two groups : one teacher re-teaches, one teacher teaches alternative information (Vaughn et al., 1997) ; alternative teaching (Friend & Cook, 2003, Friend et al., 2010) ; complementary co-teaching (Villa et al., 2013) ; enseigner, étayer dans des dispositifs de différenciation (Pelgrims, 2012).

Dans ce dispositif, les critères choisis pour la formation des groupes sont multiples et dépendent fortement du type de besoins identifiés chez les élèves en fonction du savoir à acquérir. Il peut s’agir de groupes de besoins, de groupes de niveaux, de groupes d’intérêts.

Le contenu peut également varier en fonction du type d’apprentissage visé (consolidation, introduction d’une nouvelle notion), mais aussi du type de régulation (pro-active, c’est-à-dire sous la forme d’un pré-enseignement) ou lors d’une évaluation. Par exemple, un enseignant peut reprendre un contenu déjà abordé avec un groupe d’élève en difficultés (ou présentant des caractéristiques communes), pendant que le deuxième enseignant poursuit la leçon, approfondit ou travaille à l’aide de stratégies différentes un même contenu déjà abordé (Gravel & Trépanier, 2010). L’écueil principal de cette approche concerne le risque de stigmatisation de certains élèves en difficultés s’ils sont régulièrement regroupés entre eux. Il est donc préconisé de varier les critères de formation des groupes, tout comme les rôles tenus par les deux enseignants.

4. Des sous-groupes multiples, un contenu variable (Gravel & Trépanier, 2010) ; multiple groups : two teachers monitor/teach, content may vary (Vaughn et al. 1997) ; station teaching (Friend & Cook, 2003, Friend et al., 2010) ; parallel co-teaching (Villa et al., 2013) ; étayer le travail collaboratif des élèves, même objectif (Pelgrims, 2012).

Les élèves travaillent en sous-groupes ou en individuel, soit au même endroit, soit sous forme de rotation (plusieurs ateliers). Les enseignants supervisent la progression, l’un peut s’arrêter plus longtemps avec un sous-groupe présentant plus de besoins pendant que l’autre

supervise les autres groupes. La présence des deux enseignants permet un repérage rapide des différentes stratégies utilisées par les élèves, des possibilités de réorientations à la fois en sous-groupes ou de manière collective. Les différents auteurs mettent en avant l’importance d’une cohérence à propos des objectifs visés, des attentes et des critères de réussite. Friend et al. (2010) précisent l’organisation de la classe en trois sous-groupes avec un système de rotation sur trois ateliers, deux étant animés par les enseignants et le troisième en autonomie.

5. L’enseignement en équipe (Gravel & Trépanier, 2010) ; one group : two teachers teach same content (Vaughn et al., 1997) ; team teaching (Friend & Cook 2003) ; teaming (Friend et al., 2010) ; team co-teaching (Villa et al., 2013) ; enseigner ensemble (Pelgrims, 2012).

Préconisé dès les années 1960 aux État-Unis, il s’agit du modèle le plus ancien (Bauwens et al., 1989). L’enseignement d’un même contenu à l’ensemble du groupe-classe est donné de façon conjointe et simultanée par les deux enseignants. Ils partagent les mêmes rôles lors de phases frontales ou de soutiens, lorsque les élèves travaillent individuellement.

Cette configuration peut permettre, par exemple, de représenter deux options lors d’un débat, d’illustrer deux manières de résoudre un problème (Friend et al., 2010). Plusieurs auteurs identifient cette approche comme étant la plus difficile à réaliser pour les co-enseignants débutants, car elle exige une grande compatibilité et une coordination des actes d’enseignement afin de rendre les interventions complémentaires.

6. One teaching, one observing (Friend & Cook, 2003 ; Friend et al., 2010) ; enseigner et observer-questionner-analyser (Pelgrims, 2012).

Ce dernier dispositif n’est pas repris par la totalité des auteurs. Alors qu’un enseignant gère le déroulement des activités et la gestion du groupe, le deuxième observe l’activité d’apprentissage des élèves. Il peut ainsi récolter des informations sur le comportement des élèves, leur engagement et leur persévérance dans les tâches demandées, les interactions, la progression des apprentissages, les obstacles auxquels les apprenants sont confrontés, etc.

Ainsi, grâce à la posture du second enseignant, ce dispositif devrait être particulièrement propice au recueil, durant l’activité des élèves, des informations nécessaires au repérage de besoins pédagogiques ou didactiques particuliers d’élèves. L’enseignant qui observe est en position de recul, il n’est pas pris dans l’animation et la gestion du groupe. L’alternance des rôles est également préconisée.

Nous constatons une relative homogénéité dans les définitions des dispositifs, malgré des variations dans les dénominations et le regroupement de certains dispositifs dans un seul.

Par exemple, reprenant les résultats d’un questionnaire à des enseignants qui pratiquent le co-enseignement, Villa et al. (2013) ne retiennent plus que quatre approches prédominantes : supportive co-teaching, parallel co-teaching (incluant le station teaching), complementary co-teaching et team co-teaching.

Après avoir défini le co-enseignement et décrit les différents dispositifs qui organisent sa mise en œuvre, nous allons aborder dans une troisième partie l’état des connaissances produites sur ce sujet par différentes études menées jusqu’à ce jour.