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Selon Jackson (1968, cité par Durand, 1996), l’enseignement peut être décrit comme une activité cyclique avec des phases interactives (face aux élèves en classe) et des phases pré- et post-actives (en l’absence des élèves). C’est lors de ces dernières qu’intervient la planification. En m’appuyant principalement sur l’analyse de l’enseignement en milieu scolaire de Durand (1996) et sur la revue de littérature de Wanlin (2009), il s’agira dans cette partie du chapitre de tout d’abord décrire ces pratiques puis de relever les fonctions de la planification et les contraintes influençant son élaboration. Les études menées sur la planification se basent principalement sur les pratiques déclarées des enseignants, sur l’analyse de leurs plans et de leurs notes personnelles.

Planifier est une activité importante et prend passablement de temps aux enseignants, malgré d’importantes variations interindividuelles, notamment en fonction de leur niveau d’expertise (Durand, 1996). Elle intervient de façon formelle, c’est-à-dire planifiée, systématique et régulière, mais également de façon plus informelle. Les planifications englobent des empans variés (leçons, unités thématiques, trimestres, année, etc.). La planification des unités thématiques (que nous mettons en lien avec l’idée de séquence d’enseignement) semble être le plus important, selon les enseignants interrogés (Wanlin, 2009).

Dans sa note de synthèse sur les recherches effectuées à propos de la planification, Wanlin (2009) décrit les contenus de pensée des enseignants (nommés « foyers de préoccupations ») qu’il dissocie des « facteurs d’influence » ou éléments qui affectent les pensées des enseignants relativement aux foyers de préoccupations. Ainsi, lorsqu’ils planifient, les enseignants pensent aux contenus d’enseignement, aux objectifs pédagogiques et aux stratégies d’enseignement. Ces aspects sont influencés (et probablement inversement aussi) par « les apprenants, l’expérience professionnelle, les ressources officielles, les théories et critères personnels et le flux des activités » (Wanlin, p. 90). D’après Durand (1996), le contenu des planifications porte essentiellement sur les contenus à enseigner, mais concerne aussi les préoccupations en rapport avec l’apprentissage des élèves et l’établissement d’activités très routinières. Nous développons ces trois derniers points ci-dessous.

L’activité de planification des enseignants est surtout centrée sur les contenus à enseigner, le matériel pédagogique et les tâches des élèves. Les objectifs sont souvent implicites, ce qui permet à Durand (1996) de déclarer que la distinction entre moyens et objectifs paraît peu opérante. Toutefois, l’identification des objectifs dans la phase pré-active aurait un impact positif sur l’apprentissage des élèves et s’effectue en fonction de leur pertinence pour les élèves (aux yeux des enseignants et des élèves) et pour « être d’un niveau cognitif acceptable » (Brophy, 1987 ; Gauthier, 1997, cités par Wanlin, 2009, p. 98). Le choix des situations est notamment guidé par le souci de maintenir les élèves « occupés, satisfaits et obéissants » (Durand, p. 155). Par ailleurs, différentes études se rejoignent pour affirmer que la prise en compte des activités et du matériel est importante. À ce propos, Yildrim (2003, cité par Wanlin) précise que lorsque les enseignants se centrent sur les besoins et les intérêts des élèves lors de la planification, cela est accompagné par la prise en compte du matériel disponible.

Dans un autre registre, Durand (1996) relève le caractère répétitif des planifications, reflétant la « pré-activation de formes standardisées de travail, préalablement expérimentées et mémorisées. Il s’agit des routines sélectionnées en raison de leur facilité d’évocation et de leur garantie d’efficacité » (p. 155). Ces formes standardisées sont développées dans la synthèse de Wanlin sous le terme de routines relativement à des éléments spécifiques des tâches proposées aux élèves, et plus généralement aux interventions de l’enseignant auprès des élèves et à la gestion de la classe et des comportements des élèves.

De manière générale, Wanlin et Durand s’accordent à dire que la planification permet de simplifier l’acte d’enseignement et répond à des besoins personnels. À ce titre, trois fonctions principales de la planification sont identifiées.

- au plan personnel, elle permet de réduire l’anxiété liée à l’interaction avec les élèves, de se donner un cadre de conduite afin de diminuer les probabilités d’hésitations face à eux ;

- au plan de l’enseignement, planifier améliore l’efficacité de l’enseignement grâce à l’organisation et l’anticipation. Nombreux enseignants recourent à la visualisation de leur activité face aux élèves. Cette démarche inscrit les planifications dans le contexte spécifique de leur classe ;

- planifier répond à des exigences administratives et hiérarchiques.

Après cette description des pratiques de planification et de leurs fonctions, nous décrivons ici les deux axes d’analyse de cette activité, proposée par Durand (1996), qui consistent tout d’abord à montrer en quoi planifier vise à faciliter l’activité d’interaction en classe et ensuite à mettre en lumière les différentes contraintes inhérentes à la planification.

Sans établir pour autant cette distinction, nous pouvons retrouver les mêmes éléments chez Wanlin (2009) lorsqu’il décrit les foyers de préoccupations et les dilemmes d’enseignement.

Planifier répond donc à la nécessité de lever les contraintes liées à l’interaction avec les élèves. De cette manière, les prises de décisions antérieures ne seront plus à l’être lors de l’interaction, réduisant dès lors les exigences décisionnelles de la tâche. Ces décisions sont relatives à « l’organisation du milieu physique et des groupes, à la structuration des contenus et aux modalités d’évaluation » (Yinger, 1977, cité par Durand, 1996, p. 157). Les prévisions permettent de diminuer l’anxiété associée à l’incertitude et à la non-prédictibilité de la situation d’interaction. Ce temps, hors interaction offre la possibilité d’un raisonnement coupé des contraintes de l’action face aux élèves, favorisant les possibilités d’élaborer différentes possibilités et de changer d’avis, de pouvoir revenir en arrière, analyser, réfléchir, décider, etc. La planification anticipe les éventuelles ruptures de rythme, les transitions, les consignes.

Dans l’idéal, elle donne en quelque sorte un « cadrage directionnel tout en laissant la place à une certaine souplesse et adaptation aux situations d’interactions. Hors interaction, les enseignants peuvent consulter divers moyens d’enseignement ou plans d’études, assimilés à des connaissances ou à des mémoires qualifiées d’externes qui peuvent favoriser le développement des compétences professionnelles. Reprenant les constats de différentes études, Wanlin (2009) précise que les préoccupations des enseignants par rapport aux contenus « ont moins affaire avec la structuration des éléments de la matière qu’avec la sélection des contenus pour la création des activités » (p. 96).

Concernant la gestion de classe, l’enseignant serait confronté à différents dilemmes liés entre eux. Il s’agit notamment pour les enseignants de gérer la tension entre la proposition de situations d’apprentissage stimulantes tout en maintenant la collaboration et la participation

de tous les élèves (Doyle, 1986, et Jackson, 1968, cités par Wanlin, 2009 ; Durand, 1996). En outre, les situations doivent correspondre au programme d’étude prescrit tout en tenant compte des différences entre élèves tel que le rythme de progression des élèves : il s’agit des tensions entre l’avancement du temps didactique et du temps d’apprentissage (Leutenegger, 2008).

Nous ne développerons pas ici les contraintes liée aux programmes auxquelles doivent faire face les enseignants puisque notre recherche se centre sur l’enseignement spécialisé qui doit justement faire face à une contingence inverse, à savoir une relative liberté de programme, liberté d’outils et liberté de rendement (Pelgrims, 2001, 2009).

En clôture de ce chapitre, nous retiendrons la définition proposée Durand (1996) : « la planification est une activité d’interprétation du contexte, sur la base des connaissances et de l’expérience antérieure » (p. 172).

2.6. L’ACTIVITE DE REGULATION DES ENSEIGNANTS EN PRESENCE ET EN