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Encadré 2. Définitions et commentaires sur l’AUP Source : Moustier P., Fall A S.,

III. Le concept de multifonctionnalité de l’agriculture (MFA) : une passerelle de la ville vers l’espace ouvert ?

III.1 les débats et critiques politiques autour du concept de MFA II.1.1 Contexte international ayant vu l’émergence du concept

III.1.2 Les débats scientifiques suscités par ce nouveau concept

Depuis une décennie et demie qu’il a émergé9, le concept de MFA n’a pas manqué d’interpeller les scientifiques de plusieurs champs de la recherche : économistes, environnementalistes, agronomes, sociologues, géographes et autres paysagistes, sans oublier les architectes et même les urbanistes. En effet, sa dimension multidisciplinaire invite toutes les sensibilités à s’exprimer pour aboutir à son objectif principal : mettre en œuvre une agriculture durable qui réponde le mieux possible, aux besoins des habitants d’un lieu donné dans un esprit de concertation et d’intelligence avec les agriculteurs. Dans ce passage, nous allons d’abord présenter la diversité des visions et des analyses qui ont porté sur ce concept tant d’un point de vue économique qu’agronomique ou environnementale.

D’abord, la vision économique.

La multifonctionnalité signifie que l’agriculture assure plusieurs fonctions pour la société. Dans le domaine de l’agriculture périurbaine, ceci a été développé autant sur des agricultures du Nord (Donadieu et Fleury, 2003 ; Ba, 2003 ; Aubry et Fleury, 2004) que sur des agricultures de pays en développement (Mbaye et Moustier, 1999 ; Ba, 2003 ; Temple et Moustier, 2004 ; Ba Diao, 2004). Cependant, comme l’indiquait Ba (2003), il existe une certaine différence dans le perception de ces fonctions selon que l’on soit dans un pays développé ou dans un pays en développement. Ainsi, dans les pays riches où la production agricole est quasi illimitée, la MFA est surtout valorisée pour ses dimensions environnementale et paysagère : gestion de la biodiversité et du paysage pour les citadins. Par contre, dans les pays pauvres, l’accent est mis sur le lien alimentaire et social qu’elle renforce pour les citadins.

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Dans la littérature francophone surtout car, suivant l’analyse effectuée dans le I. de ce Chapitre 1, on voit que le même concept a existé de longue date, même si c’est sous d’autres formes, dans la littérature anglophone.

Ensuite, la vision agronomique.

Elle est analysée du point de vue de l’exploitation agricole (Laurent et Rémy, 2004). Selon ces auteurs, la MFA induit certaines modifications dans le fonctionnement de l’exploitation agricole. Elle conduit autant à la diversification de l’offre de produits agricoles motivée par la demande émanant du marché qu’à la diversification des activités agricoles et non agricoles ayant pour siège l’exploitation ; il s’agit alors de la pluriactivité des agriculteurs encouragée par la proximité urbaine. Cette dernière évolution a également été étudiée par Blanchemanche (2002). Par ailleurs, Gafsi (2002) insiste sur le fait que « la mise en place de la MFA passe à la fois par la pertinence et la cohérence des exploitations agricoles et celui du territoire ».

Enfin, la vision environnementale.

Elle est développée par Laurent et Rémy (2004) qui, tout en prévenant qu’il existe une liste10 différenciée et « non exhaustive » des services attendus de l’agriculture par la société, ont rappelé la différence de perceptions de la MFA même pour des sociétés ayant un niveau de développement identique. C’est le cas entre les Etats-Unis et l’Europe occidentale concernant la gestion des friches, par exemple.

Ces différents points de vue sont intimement liés. C’est pourquoi Laurent (2002 : 1) estime que « la MFA peut être définie comme l’ensemble des contributions de l’agriculture à un développement économique et social considéré dans son unité ; la reconnaissance officielle de la MFA exprimant la volonté que ces différentes contributions puissent être assurées durablement de façon cohérente selon les modalités jugées satisfaisantes par les citoyens ».

Ces auteurs ont aussi réfléchi sur les conséquences de la reconnaissance de la MFA sur l’activité des agriculteurs en écrivant que « la reconnaissance de la MFA conduit à encourager des formes d’activités qui peuvent s’écarter des normes antérieures d’activité agricole et à analyser de façon nouvelle celles qui existent » (P. 6). Il faut dire que si la reconnaissance de la MFA permet de créer ces nouvelles dynamiques économiques, sociales, culturelles et environnementales, c’est parce qu’elle modifie la perception que l’on a de l’agriculture. Ainsi, Laurent (2002 :5) écrivait que : « avec la MFA, l’agriculture se retrouve objet de mesures politiques répondant à deux logiques hétérogènes :

- d’une part, une logique de développement sectoriel : possibilité d’accumulation et de reproduction de l’agriculture à partir des exploitations agricoles ;

- d’autre part, une logique de développement territorial où est en jeu la dimension spatiale de l’accumulation, la capacité d’un système social localisé à garantir un certain niveau d’accumulation sur son territoire, à y maintenir des activités économiques et un certain niveau de cohésion social, et à protéger ses ressources naturelles ».

De son côté, Perraud (2003 : 45) estime que la MFA « i) permet de qualifier l’agriculture selon une perspective scientifique englobante, assurant mais aussi impliquant la synthèse d’un ensemble de phénomènes ; ii) que cette démarche relève aussi d’une approche instrumentale et active : la MFA a pris place dans l’argumentaire politique (préambule de la loi d’Orientation) avant d’être un domaine de recherche largement

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En France, par exemple, cette liste est constituée des services suivants : production, sécurité alimentaire, protection de l’environnement, entretien du paysage, maintien d’un tissu économique et social rural par la diversification des activités.

répandu. Au total, la reconnaissance et le soutien de la MFA constituent une doctrine11, c’est-à-dire l’association d’une interprétation de la réalité et des principes d’action politique qui en découlent ». Voyons, maintenant, les critiques que ce concept a suscitées.

III.1.3 Les critiques portées sur ce concept débouchent sur le problème des