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LES ARAIGNÉES

Dans le document écologique des milieux naturels (Page 144-151)

D’après l’Inventaire national du Patrimoine naturel, 1 639 espèces sont recensées en France métropolitaine.

Eresus cinnaberinus

P. Gourdain (MNHN/SPN) R. Lecomte (Encem)

MÉTHODES

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ARAIGNÉES

Ce sont surtout les espèces patrimoniales qui sont prises en compte en tant qu’espèces (ex. : SCAP - stratégie de création d’aires protégées). Le plus pertinent, et employé, correspond aux araignées en tant que groupe. Des indices d’évaluation des communautés ont été mis au point (CANARD et al.

1999, PÉTILLON et al. 2010).

Cependant, les araignées sont un groupe pertinent en termes de bio-indication, à d’autres échelles, notamment grâce à leur place dans les réseaux trophiques de prédateurs d’invertébrés et de proies pour les vertébrés. À l’échelle de la popula-tion, elles peuvent être indicatrices de la ressource trophique par exemple, la vitesse de croissance ou le taux de reproduction pouvant être corrélé à l’abondance des proies. Elles sont aussi utilisées pour leur capacité à accumuler les métaux lourds du sol ou de l’air.

Les communautés d’espèces sont elles aussi riches d’enseignements. Sur un même site, en réponse à des variations de l’environnement, le groupe fonc-tionnel « prédateur terrestre » peut rester le même, alors que les espèces dominantes varient.

Les araignées sont en particulier sensibles à l’ar-chitecture de la végétation, et peuvent répondre plus vite que la végétation à des perturbations comme la fauche, par exemple. La profondeur et la composition des débris de la litière, déterminant

des microhabitats divers, peuvent être elles aussi très importantes.

De plus, les différences de capacité de dispersion entre différents groupes peut être elle aussi infor-mative.

Ainsi, un milieu riche en espèces à dispersion aé-rienne sera souvent synonyme d’une perturbation forte récente.

C’est donc, pour résumer, un bon groupe indica-teur de la qualité des milieux, par ses caractéris-tiques biologiques et écologiques, sa diversité, sa taxonomie assez aboutie, et la relative facilité de son échantillonnage.

Différentes voies existent pour prendre en compte les araignées, comme l’étude conjointe de plu-sieurs groupes d’invertébrés terrestres : araignées et coléoptères* (PÉTILLON et al., 2008), araignées et carabes (DERRON et al., 2006) ; araignées, ca-rabes et syrphidae* (GERBER et al., 1998), la com-paraison des réactions à des perturbations d’une espèce de milieux perturbés et d’une espèce de milieu stable (MARSHALL et al., 2006) ou encore la détermination de communautés théoriques d’arai-gnées associées à chaque habitat, comparables avec les communautés observées in situ (CANARD et al. [1999]., in MARC et al., 1999).

La phase aérienne de dispersion des araignées nécessite un matériel spécifique pour être échantillonnée. Il s’agit en particulier de pièges gluants, de pièges aspirants, montés sur un mât par exemple, de pièges fenêtres, voire de piégeage par avion.

Cependant, les informations apportées concernant essentiellement les capacités de dispersion ainsi que la difficulté de détermination des stades juvéniles rendent l’étude de la dispersion aérienne marginale dans le cadre qui nous intéresse.

C’est donc le piégeage ou la capture terrestre qui est généralement privilégié.

Les méthodes utilisées sont souvent similaires à celles mises en œuvre pour capturer les insectes. Il s’agit en particulier de :

•La chasse à vue - elle consiste à rechercher un maximum d’espèces sur un site ou une surface prédéfinie (transect ou quadrat par exemple = chasse à vue sur surface délimitée). La visualisation des toiles, par aspersion de gouttelettes d’eau,

permet de faciliter les recherches. C’est une méthode particulièrement adaptée pour les espèces du sol ou vivant dans la végétation herbacée, comme pour les espèces vivant dans les arbres et les arbustes (ou espèces frondicoles*).

• L’extraction ou carré de ramassage - il s’agit de prélever la végétation et le sol contenus dans un carré prédéfini. L’ensemble est ensuite trié à vue en laboratoire, une partie pouvant être traitée par un appareil de Berlèse ([fiche 13], figure 37).

CANARD (1981) préconise par exemple un carré de 0,1 m² sur 15 cm d’épaisseur, représentant 30 à 35 heures de tri par m². POZZI (2000) utilise lui des surfaces de 0,25 cm² sur 5 cm d’épaisseur. La séparation de chaque strate de végétation et de sol permet d’avoir une vision en trois dimensions du peuplement.

C’est une méthode très efficace qui permet de récolter la majorité des espèces présentes, et de calculer des densités, ou des biomasses. Mais elle est très gourmande en temps et impacte doublement le milieu et le peuplement d’araignées.

LES ARAIGNÉES

Eresus cinnaberinus

Il est possible, lorsque le milieu s’y prête (pelouse basse, sol dégagé), de seulement chasser à vue dans cette surface délimitée. C’est moins efficace mais plus rapide et moins destructeur et surtout, les résultats sont en densités (individus/unité de surface) ;

•Le prélèvement de rameaux - la végétation ligneuse est emprisonnée dans un sac en plastique, et la branche sectionnée. Le tout est trié en laboratoire. Le temps de tri est long, avec un impact certain sur le milieu. Résultats possibles en individus/unité de volume et en abondance relative ;

•Le battage ([fiche 13], figure 40) - la végétation est battue avec un bâton ou secouée, et les araignées qui se laissent choir sont récupérées à l’aide d’un parapluie japonais. Toujours d’après CANARD (1984), les deux méthodes de récolte (prélèvement et battage) sont équivalentes en termes d’espèces récoltées. Les résultats ne peuvent être exploités qu’en abondance relative.

•Le fauchage au sol - un filet-fauchoir ([fiche 13], figure 39) est passé dans la végétation herbacée. C’est une méthode réservée surtout aux milieux ouverts comme les pelouses*, les landes ou les prairies. Le moment journalier de la pratique est important car les espèces errantes diurnes montent le jour et les errantes nocturnes la nuit. En dehors de leur période d’activité, les araignées sont au sol et ne peuvent donc être capturées. Les résultats ne sont possibles qu’en abondance relative.

Le fauchage piégeage au sol (« pitfall traps », pots-pièges ou pièges Barber, [fiche 13 - figure 32) - des cylindres (type gobelet en plastique par exemple, ou entonnoir en zinc de 60 cm de circonférence pour CANARD) sont placés dans le sol, avec leur ouverture à ras du sol. Les araignées mobiles chutent dans le récipient, qui contient un liquide conservateur. Seules les espèces se déplaçant au sol sont capturées, plus rarement les espèces à toile ou frondicoles. Les captures sont en nombre de capture/unité de surface de pièges ou unité de circonférence/unité de temps de piégeage. Il ne s’agit pas d’abondances relatives car les probabilités de captures sont différentes suivant les espèces, les stades de développement, les sexes. C’est très pratique mais délicat à exploiter (nombre de captures/

mètre/jour).

•Les carrés in situ - MULHAUSER (1991) décrit cette méthode. Un carré de 4 m² est défini au hasard. L’observateur recense toutes les araignées sans les capturer, et sans rentrer dans le carré (carré de ramassage ou chasse à vue sur surface délimitée). Puis il répète l’opération à l’intérieur du carré. Pour chaque araignée, la position dans la végétation, la nature du support et l’exposition sont notés, afin d’obtenir une image en trois dimensions du peuplement. Beaucoup d’auteurs préfèrent utiliser plusieurs méthodes qui, d’après CANARD, présentent toutes des biais.

Citons par exemple des extractions de 20 cm de profondeur sur 50 cm de diamètre, associées à une chasse à vue sur un transect de 20 m de long sur 1 m de large (pour CATTIN 2003) ; des groupes de trois pots pièges, chacun placé au sommet d’un triangle de 3 m de côté, et relevés toutes les semaines pendant deux mois, complétés par 5 passages par an au filet-fauchoir (50 coups de droite à gauche dans le sens de la marche) et 3 fois 5 coups à 3 m d’intervalle, 5 fois par an, de parapluie japonais pour Pozzi (2004). Les méthodes étant toutes « relatives », la normalisation a pour but de limiter les biais. Le fauchage est préférable si l’on donne à chaque fois le même nombre de coups de filets. Pour le battage ou le piégeage, la taille des outils, le nombre d’outils (pièges) ou d’utilisations (coups) gagnent en fiabilité de résultats s’ils sont normalisés.

kOvOOR (2000) utilise pour une campagne d’inventaire la plus complète possible, dans les îles d’Hyères, en deux passages, l’un à l’automne et l’autre au printemps, pour capturer au maximum les adultes, avec un repérage à vue au sol et dans la végétation, des recherches avec filet-fauchoir, des battages de branches pour les espèces frondicoles et des extractions au Berlèse de la litière.

ARAIGNÉES

L’argiope fasciée Argiope bruennichi

V. Demougin (MNHN/SPN)

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MULHAUSER propose, dans le cadre d’un suivi sur un site, une première étude par extraction afin d’obtenir une image fiable et quasi exhaustive du peuplement, suivie d’études par des carrés in situ, plus simples et donnant une image de l’évolution des peuplements.

D’une façon générale, la majorité des individu est adulte soit au printemps, soit en fin d’été.

Beaucoup de linyphiidés (une grande part des captures au sol) sont adultes plutôt en hiver mais des campagnes de prélèvements de printemps ou d’automne les capturent. Deux campagnes de prélèvements : une de printemps, une autre de fin d’été-automne sont suffisantes. En général, seuls les

adultes sont identifiables mais, contrairement aux coléoptères par exemple, ils sont présents dans le milieu pour une durée assez longue, au moins pour les femelles. Les mâles sont plus brièvement présents (ils meurent après l’accouplement). Les femelles, après fécondation, s’occupent de leur ponte, voire de leur progéniture et souvent il y a plusieurs pontes qui se succèdent au cours du temps, d’où une présence de plusieurs mois dans le milieu. Cette biologie est très différente de celle de beaucoup d’espèces d’insectes qui apparaissent dans le milieu, se reproduisent en une seule fois et disparaissent rapidement.

Le calendrier ci-dessous précise les périodes de prospection les plus favorables pour l’étude des araignées.

Comparaison des méthodes d’échantillonnage des araignées (d’après Canard [1981], MuLhauser [1991])

Méthodes Groupes

visés Respect du

milieu Respect de la faune

Représentation fidèle du peuplement

Image en trois dimensions du

Piège au sol Espèces mobiles au

Très favorable Favorable Peu favorable Assez favorable

Araignées Tableau 12

ARAIGNÉES

Caractéristiques d’application des méthodes d’inventaire des araignées

Philaeus chrysops Méthodes

Inventaire des araignées

Chasse à vue Rameaux Carré in situ Pièges Barber Extraction Fauchage Domaines

d’application Tous les milieux Espèces

frondicoles Espèces

terrestres Espèces

terrestres Espèces

terrestres Espèces terrestres

Limites Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne

sont pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Compétences

requises ++ ++ ++ ++ ++ ++

Coûts + ++ + ++ ++ +

Tableau 13

ARAIGNÉES

O. Delzons

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BIBLIOGRAPHIE

CANARD A. – Contribution à la connaissance du développement, de l’écologie et de l’écophysiologie des aranéides des landes armoricaines. – Rennes : Thèse de doctorat d’état, 1984 – p. 1-389.

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CANARD A., MARC P., ySNEL F. – An experimental system to test Invertebrate biodiversity by means of spiders. – Bull. Br. Arachnol. Soc., 1999 – p. 319-323.

CATTIN M.F. et al. – The impact of mowing as a management strategy for wet meadows on spider (Araneae) communities. – Biological Conservation, 2003 – 113, p. 179-188.

DERRON J.O., BLANDENIER G. – Évolution des peuplements de carabes et d’araignées dans cinq types d’habitats du domaine de Changins de 1994 à 2001. – Revue suisse agricole, 2006 – 38(3), p. 141-149.

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MULHAUSER B., CURTy J. – Comparaison de deux méthodes d’étude sur l’écologie et la structure des peuplements d’araignées des lisières. – Bull. Soc. Neuchâtel Sci. Nat., 1991 – 116(1), p. 185-193.

PÉTILLON J. et al. – Influence of abiotics factors on spider and ground beetle communities in different salt marshes systems. – Basic and applied ecology, 2008 – 9, p. 743-751.

PÉTILLON J. et al. – Les araignées au fil de la gestion. – Espaces naturels, 2010 – 31, p. 36-37.

POZZI S. – Évaluation des mesures de compensation écologique dans la région de Nuvilly-Combremont par le biais des araignées. – Revue suisse agricole, 2004 – 36(2), p. 57-64.

Méthodes

Inventaire des araignées

Chasse à vue Rameaux Carré in situ Pièges Barber Extraction Fauchage Domaines

d’application Tous les milieux Espèces

frondicoles Espèces

terrestres Espèces

terrestres Espèces

terrestres Espèces terrestres

Limites Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Toutes les espèces ne sont

pas capturées

Compétences

requises ++ ++ ++ ++ ++ ++

Coûts + ++ + ++ ++ +

ARAIGNÉES

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L. Paris (Parc Naturel Régional du Morvan)

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