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Le souk Moncef Bey, marché complémentaire et péricentral

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 74-78)

Deux places marchandes ancrées dans des territoires en déclin

I. Deux places marchandes populaires et multisites

I.1. Le souk Boumendil et la centralité marchande tunisoise

I.1.2. Le souk Moncef Bey, marché complémentaire et péricentral

Le souk Moncef Bey est le second pôle de la centralité marchande tunisoise. Sa localisation, dans le quartier des anciens entrepôts attenants au port désaffecté de Tunis où l’espace est disponible, permet le commerce d’articles volumineux tels que l’électroménager.

En journée, le quartier de l’ancien port de Tunis est particulièrement animé au sud-est de l’avenue Moncef Bey, avec le développement du souk le long des rues d’Italie et Cheraibi, depuis l’installation du marché en 1994, mais aussi avec la présence de la station des louages, les taxis collectifs interrégionaux. L’importante station de Moncef Bey (cf. planche photographique 1.3., cliché a) relie Tunis aux gouvernorats du Centre-Ouest (Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa) et du Sud (Sfax, Gabès, Médenine, Tataouine, Kebili) et assure au souk une fréquentation constante du quartier ainsi qu’une centralité bien identifiée par les Tunisois. Depuis sa création en 1994, le souk Moncef Bey a largement débordé de son entrepôt d’origine (MB0 sur la carte 1.3.). Il ne l’occupe d’ailleurs plus suite à un incendie en 2000 qui a été l’occasion d’une recomposition spatiale du marché.

Figure 1.3. : Les espaces du souk Moncef Bey

À l’extrémité orientale de la rue d’Italie, face au terrain de la gare ferroviaire de fret, deux îlots d’anciens entrepôts des douanes portuaires abritent depuis l’incendie de 2000 les commerçants du souk (cliché b). Le premier (MB1, figure 1.3.), dont l’entrée est signalée par une enseigne officielle de la municipalité rue Zaghloul, comprend un hangar principal aménagé en allées compartimentées en petites boutiques mesurant chacune entre 4 et 10 m2. Pour l’essentiel, les marchandises proposées ici sont des vêtements, des chaussures et des jouets. Ce hangar communique avec un second, plus petit, occupé par des commerces de téléphonie mobile. Dans la cour ouverte sur la rue El Khouri sont exposées les marchandises les plus volumineuses : poussettes, voiturettes électriques et jouets de grande taille, vélos, etc. En traversant la rue El Khouri, on accède au second îlot du marché (MB2, planche photographique 1.3., cliché c). Sur la droite en entrant dans la cour, un vaste entrepôt est réservé à l’électroménager : gazinières, lave-linge, réfrigérateurs, climatiseurs, et au matériel audiovisuel volumineux : téléviseurs immenses et paraboles. Sur la gauche, un entrepôt plus petit accueille les magasins d’électronique dans lesquels sont vendus ordinateurs, autoradios, caméscopes numériques et accessoires dédiés. Dans la cour sur la gauche, après le poste de sécurité incendie et la salle de prière, sont alignés des magasins de téléphonie mobile.

Planche photographique 1.3. : Les sites du souk Moncef Bey [Clichés : A. Doron, 2013 (b et c), 2014 (a) et 2015 (d)]

Le troisième espace du souk Moncef Bey (MB3) est situé à l’extérieur des entrepôts saturés suite au fort développement du marché après l’an 2000. Ainsi, la rue d’Italie entre l’avenue Moncef Bey et les îlots MB1 et MB2 (cliché d), et la rue Cheraibi entre l’avenue et la station de louage, ont été transformées en rues commerçantes. La première est dédiée pour l’essentiel aux gros appareils électroménagers, la seconde, au matériel électronique et à la téléphonie mobile. Dans ces rues, les magasins exposent les marchandises sur des palettes à l’extérieur et à la vue des clients, réduisant d’autant l’espace de circulation, notamment pour les taxis qui quittent la station de louage.

L’image du souk Moncef Bey, auprès des clients et dans la presse21, le distingue nettement parmi les marchés de la capitale. C’est le souk des climatiseurs, de l’électroménager, de l’électronique et de la téléphonie. Cette réputation qui l’identifie clairement auprès des jeunes mariés qui s’installent en ménage masque toutefois un marché hétérogène. Les îlots 1 et 2, aménagés par les autorités après l’incendie de 2000 et bien identifiés par une enseigne officielle, se distinguent du reste du marché. Cet espace est clos et surveillé la nuit par des gardiens rémunérés par l’ensemble des commerçants. L’intérieur est organisé en allées et en espaces de vente standardisés et regroupés par secteurs de produits. Les horaires quotidiens sont les mêmes pour l’ensemble des magasins, de 8 h à 17 h en dehors de la fermeture du lundi. À l’inverse, l’espace du marché donnant sur les rues d’Italie et Cheraibi apparaît plus spontané. Les magasins installés le long des accès aux entrepôts du souk ou à la gare de louage sont venus s’ajouter insérés en bordure des îlots existants, et sont loués par des propriétaires privés, sans intervention publique. Les empilements de cartons sur les palettes en devanture masquent les avancées et extensions spontanées construites en tôles.

Initialement planifié, le marché semble échapper aux pouvoirs publics. Lors de nos visites entre 2012 et 2015, cet espace sur rue est apparu plus fréquenté et dynamique que les allées souvent désertées des hangars. Ce dynamisme commerçant échappant aux espaces contrôlés renvoie à la question plus large de l’imbrication du politique et de l’économique dans les souks tunisiens, ce qui sera abordé pleinement dans la seconde partie de la thèse.

21 La presse en ligne n’hésite pas à vanter les affaires à conclure au souk, pourtant identifié comme un

« fief de la contrefaçon » : Slimi S., 2008, « Les bonnes affaires au Moncef Bey », gnet.tn [en ligne],

Les souks Boumendil et Moncef Bey constituent ainsi les deux pôles d’une centralité marchande originale au cœur de la capitale tunisienne. Ni l’un ni l’autre ne relèvent de la centralité marchande traditionnelle et ancienne des souks historiques de la médina de Tunis. Ils n’appartiennent pas non plus à un secteur marchand souvent qualifié de

« moderne », celui des magasins du centre-ville hérité de la période coloniale ou des grandes surfaces qui se sont multipliées depuis la décennie 1990. Par défaut, ces deux marchés sont souvent réduits à la seule catégorie restante de l’informalité. Pourtant, leur organisation spatiale, leur intégration dans le tissu urbain et leurs rythmes démontrent qu’ils n’ont rien de spontané. Ils alimentent efficacement le marché de consommation tunisois en produits mondialisés, issus de l’importation transnationale et aux prix extrêmement concurrentiels qu’ils proposent, puisque les produits proposés y sont vendus de 20 à 50 % moins chers que dans les commerces plus conformes à un mode de consommation à l’occidentale.

Une partie des marchandises vendues dans les souks tunisois provient de Ben Gardane, marché frontalier spécialisé dans les marchandises importées de Libye.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 74-78)

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