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Centralités de passage et interconnexion des expériences marchandes

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 149-152)

Une mondialisation des relations commerciales par étapes : les processus de structuration des

I.3. La mobilité des acteurs, facteur d’une mondialisation des approvisionnements des places marchandes

I.3.3. Centralités de passage et interconnexion des expériences marchandes

L’accès aux réseaux d’affaires du commerce transnational et donc à des sources d’approvisionnement plus lointaines se déroule dans des territoires spécifiques,

65 Entretien, souk Boumendil, Tunis, décembre 2012.

polarisant et concentrant les mobilités pratiquées et/ou rencontrées. Souvent discrets au regard des lieux centraux du capitalisme mondialisé que sont les quartiers d’affaires et financiers des villes mondiales, ces petits territoires le plus souvent urbains, forment des centralités de passage au sein desquelles s’articulent les parcours des commerçants.

Ces lieux de l’intermédiation marchande évoquent les « morceaux de ville » cosmopolites (Pliez, 2003 ; Choplin, 2009) ou encore les « espaces intermédiaires » (Poutignat, Streiff-Fénart, 2006) des migrations transsahariennes. Observés par le prisme des activités marchandes, ces lieux renvoient à deux types de formes.

Le premier type de centralité de passage est le hub migratoire et commercial polarisant les circulations migratoires et marchandes. À l’échelle transnationale, c’est typiquement la figure du comptoir (Tarrius, 1995a) qui se greffe aux opportunités d’une mégapole ou d’une métropole. Depuis les travaux pionniers d’Alain Tarrius, cette forme urbaine du quartier cosmopolite et marchand a depuis largement été étudiée, à Marseille (Tarrius, 1995b, 2002 ; Peraldi, 2001), Istanbul (Pérouse, 1999, 2002b, 2007), Dubaï (Marchal, 1997 et 2001 ; Battegay, 2005), Bangkok (Marchal, 2007 ; Simone, 2007), Hong-Kong, Guangzhou ou Yiwu (Bertoncello, Bredeloup, 2007 ; Bertoncello, Bredeloup, Pliez, 2009 ; Pliez, 2010). Ainsi, dans les récits de vie des commerçants tunisiens, il est plus question de Laleli que d’Istanbul pour Wissem. Ces carrefours cosmopolites attirent les migrants et les commerçants pour les opportunités qui s’y trouvent et qui y passent. Les morceaux de ville où se concentrent les comptoirs concentrent les adresses et les arrière-boutiques où les uns et les autres se rencontrent, discutent et finissent par faire affaire. À ce titre, les restaurants et les hôtels que des références explicites au pays d’origine permettent de bien identifier pour ceux qui circulent, sont les hauts lieux de ces comptoirs comme le montrent les travaux de Roland Marchal (2007) à Bangkok ou d’Olivier Pliez à Yiwu (Bertoncello, Bredeloup, Pliez, 2009). C’est bien le passage de Wissem par la restauration tunisienne – au « 7 novembre » – qui apparaît déterminant dans la rencontre des acteurs de la place marchande.

Ce type de centralité de passage que sont les hubs migratoires et marchands se décline aussi à une échelle plus grande. À l’échelle nationale en Tunisie, c’est le rôle que joue la médina de Tunis paupérisée. Elle est un espace de transit dans la ville pour les populations migrantes des régions intérieures pauvres du pays. Elle offre des opportunités de logement précaires mais accessibles dans les oukalas, et des opportunités économiques qui s’agglomèrent dès la fin des années 1970 au souk

Zarkoun. Il s’agit bien d’un hub polarisant les mobilités de ceux qui commercent en Méditerranée, et de plus en plus au-delà, et de ceux qui circulent entre les régions les plus pauvres du pays et les régions frontalières. Ces mobilités permettent des rencontres et des affaires. Elles favorisent l’interconnexion des routes d’approvisionnement et rendent aussi accessibles les opportunités commerciales plus lointaines à ceux qui sont sur place.

Le second type de centralité de passage que l’on trouve dans les récits de vie des commerçants est le couloir frontalier. Ce type de lieu renvoie à la figure classique du marché frontalier prospérant des différentiels transfrontaliers. Sans revenir sur une figure largement étudiée, il s’agit ici de considérer la route plus que le marché. En effet, la route transfrontalière peut constituer le point de passage privilégié des opportunités économique de l’économie transfrontalière et même transnationale. Entre la Tunisie et la Libye, où deux points de passage routiers seulement – Ben Gardane et Dhiba – se partagent les flux, les mobilités et les opportunités qu’elles véhiculent se concentrent particulièrement.

Lors des enquêtes de terrain menées entre 2012 et 2015, les marchandises proposées sur les étals et dans les magasins-entrepôts des souks tunisiens proviennent essentiellement de Chine et de Turquie. À partir des premières navettes transméditerranéennes et transfrontalières, le processus de structuration d’itinéraires d’approvisionnement apparaît distinct selon qu’il est observé depuis Tunis ou depuis la région frontalière tuniso-libyenne. Toutefois, à partir de ces deux espaces, la globalisation des approvisionnements repose largement sur la mobilité des acteurs permettant d’atteindre de nouvelles ressources de toute nature : relations d’affaires, marchandises, informations, capitaux. La troisième partie de la thèse reviendra sur le rôle des réseaux sociaux dans la construction de routes commerciales. Distincte entre Tunis et Ben Gardane, cette mondialisation des relations commerciales laisse aussi apercevoir une interconnexion des routes d’approvisionnement à Tunis. Ce constat invite à développer présenter les relations commerciales, d’approvisionnement et de redistribution, en amont et en aval de chacune des places marchandes étudiées.

II. Approvisionnements et relations marchandes en amont et en aval des marchés tunisiens

La structuration des marchés de Tunis et Ben Gardane repose sur des territoires très dissemblables. L’expansion de leurs approvisionnements jusqu’en Chine s’est construite différemment, à partir de ressources distinctes. Logiquement, l’organisation des routes d’approvisionnement et de distribution des deux places marchandes se révèle très différente.

Les résultats qui suivent ne prétendent pas à l’exhaustivité et ne reposent pas sur une enquête quantitative. À partir des déclarations des commerçants, recoupées par des enquêtes menées dans les marchés d’approvisionnement et de redistribution connexes, et des observations répétées, des routes commerciales le long desquelles circulent marchandises, acteurs et capitaux ont été repérées.

II.1. Tunis, vaste marché de consommation et débouché de toutes les

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