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LE PROCESSUS DU DESSIN D’ENFANT

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A- II : LE DESSIN D’ENFANT 7

6. LE PROCESSUS DU DESSIN D’ENFANT

Quand un enfant dessine, il y a nécessairement deux acteurs en jeu : « l’enfant qui dessine et ce même enfant qui, sous le regard réel ou imaginaire de l’adulte, se regarde agir et nous communique une image de sa réalité enfantine  » (Cambier, 1996; 17). Ce dédoublement d’acteurs explique l’emprise du social et du culturel sur les particularités de dessin de l’enfant (Cambier, 2000).

Le « dessin-image » (Cambier, 1996) n’est pas un objet neutre. Il n'est pas indépendant des circonstances qui ont présidé sa création. Cambier définit plutôt le « dessin-image » selon deux « signes »( Ibid.; 18-20) :

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signe de l’objet : le dessin raconte l’objet, il est une image de l’objet. Il est une image symbolique qui permet d’échapper aux contraintes de l’image réelle, photographique. La conception projective du dessin montre qu’il est l’espace d’expression et d’équilibration de la personnalité.

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signe de nous-mêmes : le dessin est signe de celui qui fabrique le dessin même, la représentation par image de soi. « Ainsi, parce que le dessin est l’expression immédiate de mes gestes et que mes gestes m’appartiennent, le dessin raconte ce que je suis ».

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Cette distinction entre les deux signes, nous permet de dépasser la problématique ‘’global-isante’’ et de comparaison sur les dessins d’enfant. Chaque enfant a son style personnelle d’expression et des caractéristiques graphiques qui lui sont propres. Le dessin est donc fortement le « signe de la personne » (Ibid.; 19).

Le dessin a une valeur symbolique ainsi que projective, pour Cambier. Ceci est mis en évi-dence par la fonction communicative du dessin qui permet la communication du dessina-teur avec le destinataire du dessin, mais aussi la communication du dessinadessina-teur avec son monde intérieur. L’expérience graphique constitue alors une médiation entre un monde in-térieur qui appartient à l’enfant et un monde exin-térieur qui est modelé par le social. Dans ce sens, le dessin « relie ce qui est dedans (signe de nous-même) et ce qui est dehors (signe de l’objet) » (Ibid.: 26).

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6. LE PROCESSUS DU DESSIN D’ENFANT

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Nous allons retracer les processus à la base du dessin d’enfant en prenant en compte les différentes orientations décrites jusqu’ici.

3.1 DES PREMIERES TRACES AUX GRIBOUILLAGES

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Les premières traces constituent la « préhistoire du dessin » (Naville, 1950) qui prépare la rencontre au crayon. Ces gestes se font de manière spontanée sur toutes surfaces « tan-gentes à la sphère d’extension des organes corporels en mouvement  » (Ibid.; 189). Bien avant le crayon, le bébé cherche tout médiateur possible qui permette une inscription di-recte du geste. Il peut alors manipuler avec ses doigts des substances pouvant laisser une trace. Toute matière liquide, pâteuse ou sablonneuse participe à cette activité, à condition d’être à portée de main pour l’enfant. S’il était laissé libre dans ses jeux, le nourrisson es-sayerait de laisser une trace à travers les matières fécales, l’eau, le lait maternelle, ainsi qu’un mur ou sur un sol poussiéreux, par exemple. Il s’agit de traces ‘’informelles’’, puisqu’il n’y a aucune volonté de figuration dans ces gestes. Naville (1950) parle de «  jadis graphique » pour définir l’expression ludique et désordonnée du geste manuel du nourris-son pendant nourris-son deuxième semestre de vie. Selon Greig (2000; 301), il faut différencier deux types de gribouillis primitifs : les ‘’empreintes-contacts’’ liées à un geste nonchalant et les ‘’empreintes-pénétration’’ liées à un geste impulsif. A ce stade, le problème de la tache/ empreinte domine celui du style.

Par ailleurs, vers un an, la trace est en creux (griffure, empreinte) ou en relief (Stern, 2005). A cet âge, dans n’importe quel geste, les mouvements des mains sont l’effet de la dépense spontanée d’une surabondance d’énergie neuro-musculaire (Luquet, 1927). L’enfant le répète puisque cette activité s’accompagne de plaisir. Quand son geste s’accompagne d’une trace, souvent fortuite, l’enfant le voit et constate qu’il en est l’auteur. Cette œuvre involon-taire est aussi source de plaisir. Il cherche alors à la reproduire, en rendant la trace vérita-blement intentionnelle. L’enfant commence ainsi à expérimenter le plaisir lié à l’effet (De Meredieu, 1974), ce qui donne vie au graphisme volontaire. Il commence aussi à affirmer son existence grâce à la production d’un effet extérieur à lui-même (maculation, barbouil-lage…). Wallon (1950), à ce propos, soutient que la trace, ou le tracé, est avant tout une con-séquence du geste, puisqu’elle est l’enregistrement fortuit de la trajectoire du geste sur une surface. Quand l’effet devient la cause, alors le simple tracé devient dessin. Widlöcher, pareillement, considère que le moment où l’enfant reconnait un lien causal entre la trace et son geste constitue le moment originaire du dessin. « Le moment déterminant est celui où l’enfant découvre un lien entre le geste et la persistance de la trace, qui confère à l’acte une portée différente de l’activité de barbouillage » (Widlöcher, 1965; 23). Les traces produites témoignent ainsi «  le fantasme de peau commune  » entre l’enfant et sa mère (Anzieu, 1987; 14). Elles sont obtenues de deux façons : par mouvement d’abord et par contact

après. Ces traces des premiers gribouillages symbolisent la séparation d’abord et par la suite l’unité duelle primaire (Tisseron, 1995; 217). Ces deux formes de symbolisation ont une fonction fondamentale. Par le gribouillage l’enfant apprend l’oscillation entre fusion et séparation (Anzieu, 1991). Ces traces entretiennent un lien privilégié avec les schèmes d’enveloppe et de séparation qui sont à l’œuvre dans toutes les opérations psychique (Tis-seron, 1990). L’enfant y projette ce qui est d’abord opéré dans son psychisme, passant « de l’originaire au primaire » (Anzieu, 1991), par des « signifiants formels » (Ibid.). Ces signifi-ants sont des constructions psychiques précoces qui servent de cadre aux expériences fu-tures. Ces passages de signifiants permettent qu’à la trace s’ajoute une dimension nouvelle, celle du trait. À partir de ce moment, l’enfant peut, parallèlement au développement mo-teur, entreprendre l’apprentissage fondamentale pour discipliner son geste.

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3.2 LE GRIBOUILLAGE

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L’enfant, à un an, s’intéresse aux lignes qu’il trace. Il cherche ainsi à les reproduire. La phase du gribouillage est constituée par le contrôle progressif de cette activité qui est encore sans intention représentative. Le griffonnage, selon l’expression de Prudhommeau, est « un mouvement oscillant, puis tournant, déterminé à l’origine par un geste en flexion qui lui donne le sens centripète, opposé aux aiguilles d’une montre. C’est la constatation de l’effet produit qui entretient l’action, stimule l’acte et fait se répéter le geste » (1947; 185). À ce stade, le geste graphique dépend fortement de l’axe corporel. Ce n’est qu’au moment de l’apprentissage de la marche et du sens de l’équilibre que peut apparaitre le gribouillage (De Meredieu, 1974). « La précision du geste est liée à la possibilité pour les segments de membres qui l’exécutent de trouver un appui suffisamment ferme dans le reste du corps » (Wallon, 1956; 5). Greig (2000) distingue deux types d’infléchissement du tracé qui témoignent du plaisir associé au geste impliqué dans le gribouillage : les arrondissements et les changements brusques de direction (points de rebroussement avec angles très aigus). Ces deux mouvements se systématisent par la suite en schèmes moteurs et graphiques à travers l’auto-accélération et le besoin de répétition. Ils sont à l’origine des premiers en-roulements, pour aboutir aux gribouillis ronds, ainsi qu’aux mouvements de balayage qui donnent les gribouillis en va-et-vient. Le pointillage utiliserait ce me même mouvement et serait le plus agressif de ses formes.

Kellogg (1955) a théorisé plusieurs phases du gribouillage par rapport à des « structures porteuses » qu’elle dit universelles. Elles se suivent logiquement selon le développement musculaire et nerveux. L’évolution du gribouillis de l’enfant passe par des étapes liées à

l’âge : dessin élémentaire ou traces (points, lignes, courbes), griffonnages (zig-zags, vagues, ovales, boucles, spirales), formes géométriques de base (ovoïde, cercle, rectangle, croix, tri-angle), combinaisons, figures complexes ou agrégats et finalement les représentations figu-rative du concret.

L’aptitude à évoquer l’objet à partir de l’image est spécifique à l’humain (on la retrouve dans la théorie du stade du miroir par exemple). Cependant, il faut attendre que l’enfant soit prêt à saisir le lien symbolique possible entre tel objet et la tache colorée qu’il ob-serve. Quand bien même, il aurait l’intuition de la valeur symbolique de l’image, il lui fau-dra attendre d’être prêt à se représenter les choses. Si on lui demande de nommer ce qu’il vient de dessiner, l’enfant répondra facilement : ‘’c’est juste un dessin, c’est tout’’. Le plaisir de laisser une trace lui suffit, sans prétendre de donner une signification à ce qu’il dessine. Par ailleurs, le gribouillage peut persister à titre de détail et d’ornement dans les étapes successives. On le retrouve aussi en cas de régression de l’enfant (momentanée ou persis-tante). Sans forcement se trouver dans des situations pathologiques, puisque même chez l’adulte il est possible de le retrouver, le plus souvent comme forme de décharge.

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3.3 DU GRIBOUILLAGE AU DESSIN

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Avant trois ans l’enfant produit essentiellement des gribouillages. Cependant au plaisir purement moteur du stade précèdent, s’ajoute le besoin d’exprimer l’exubérance émotion-nelle propre de cet âge. Ce moment est plus ou moins précoce selon la maturité de l’enfant et l’influence de l’entourage (Widlöcher, 1965). De manière générale, les recherches mon-trent qu’entre trois et quatre ans l’aspect symbolique de l’activité graphique devient de plus en plus consistant (Baldy, 2011). L’apparition de l’intention figurative apparait brusquement avec une véritable nomination de la part de l’enfant de la forme représentée. Il découvre un jour, de manière fortuite, la ressemblance entre la trace et l’objet, prenant ainsi conscience du fait qu’il est lui aussi capable de figurer les choses. Cependant, ce qu’il remarque est la conséquence de toute une évolution où l’enfant apprend à lire les images. Ce phénomène dépend donc des processus de maturation motrice et perceptuelle ainsi que des effets so-cio-culturels. En découvrant que son gribouillage peut représenter quelque chose pour lui-même et pour son entourage, l’acte graphique acquiert l’intentionnalité et devient vérita-blement représentatif. Durant ce stade, que Royer (1995) appelle ‘’du dessin éparpillé’’, le «‘’dessein’’ devient préliminaire au dessin. Il s’agit de formes schématiques, grossièrement ressemblantes, presque identiques chez tous les enfants, les ‘’bonnes formes’’ prégnantes, élémentaires » (Ibid.;63). Ces ‘’imperfections graphiques’’ constituent les éléments plus

in-téressants de l’expression de l’enfant. Il choisit parmi les nombreuses particularités de l’objet, observables ou non, les indications et les détails correspondant à la traduction d’un savoir particulier qui lui est propre. «  Il n’y a pas de recherche d’unité, ni de lieu, ni de temps, ni même de sujet, au point que le même tracé pourra être successivement renommé par l’enfant comme étant un poisson, un fauteuil ou un gâteau » (Ibid.; 63). Les études dis-ent que les premières œuvres sont, généralemdis-ent, le ‘’bonhomme têtard’’ et la ‘’maison-vis-age’’ (Royer, 1995). En fait, il s’agit souvent d’un objet facilement représentable et qui in-téresse particulièrement l’enfant : une maison, un bonhomme, mais aussi un crabe, de la fumée, une bête, par exemple. Le dessin devient figuratif ainsi que narratif (De Meredieu, 1974), de fait de la fonction répressive de l’adulte. Il conditionne l’aspect narratif du tracé enfantin en imposant un sujet, en accordant une priorité de valeur à ce qui fait sens et qui est lisible. L’activité de dessiner, tout en gardant sa part de plaisir, devient alors une activité ‘’sérieuse’’ qui permet l’accès à l’univers adulte. « L’enfant qui dessine ne croit pas se livrer à un divertissement gratuit » (Widlöcher, 1965). Ce processus est marqué aussi par l’entrée à l’école où le focus sur l’apprentissage graphique transforme véritablement le jeu en un ‘’de-voir’’. Notamment à l’école maternelle le dessin est l’activité prédominante. C’est ainsi que l’enfant essaye d’améliorer ses productions : différentes techniques pour combiner dif-férentes formes, dessiner avec plusieurs matériaux et sur différents supports, confrontation avec les dessins des autres. Dessiner devient une activité sociale, le dessin est ainsi montré et affiché.

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3.4 LE DÉBUT DU DESSIN FIGURATIF

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La réussite du rond a un rôle important dans l’accès à la figuration. Les formes approxima-tives du rond, qui diffèrent notamment par leurs procédés de fermeture (gribouillis en an-neau, fermeture recherchée, fermeture en arc, fermeture complétée, fermeture nouée, boucle..), de la phase précédente, aboutissent à un véritable ‘’rond fermé’’. Selon Greig (2000) cette nouveauté figurative permet l’élaboration de deux types de figures : la ‘’figure rayonnante’’ et ‘’figure contenante’’. La condensation de ces deux graphèmes rend possible les représentations animales et humaines. Elle signe notamment l’entrée dans la figuration avec le bonhomme-têtard, par l’aspect rayonnant de ses membres et l’aspect contenant de son visage. Plus l’enfant grandit, plus le bonhomme s’agrémente de détails : dans le rond viennent se placer des yeux, une bouche, un nombril, sous forme de points, de petits ronds ou de lignes (Davido, 1976). À titre d’exemple, le troisième graphème, qui permet la repré-sentation des yeux, s’ajoute aux possibilités graphique enfantines. Dans le dessin d’enfant,

les yeux sont «  la marque nécessaire qui authentifie l’image corporelle  » (Spitz, 1962 ; Greig, 2000). Bernson (1968) fait correspondre cette évolution au « stade représentatif ». À ce moment le trait devient discontinu. Surgissent des formes isolées qui nécessitent de lever le crayon pour être tracées. La figure contenante aboutit au dessin du visage et de la maison, alors que les représentations animales sont plutôt issues de la figure rayonnante. De nombreuses études soutiennent la thèse de Luquet selon laquelle les détails du bon-homme croissent avec l’âge mental. Vers cinq ou six ans le corps est complet et articulé (Davido, 1976). Le schéma corporel est cependant encore « morcelé » (Lacan, 1964). La con-science immédiate de l’image du corps considéré comme un tout relève d’une lente acqui-sition. L’enfant ne peut se dessiner qu’une fois qu’il a pris conscience de la totalité de l’ima-ge de son corps ainsi que de sa position dans l’espace.

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3.5 ÉVOLUTION DU DESSIN FIGURATIF

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Dessiner devient encore plus profondément une activité sociale. Les sollicitations externes et l’étayage de l’adulte jouent un rôle important dans les progrès de l’intention figurative. L’évolution de la représentation d’un objet ou d’un motif dépend de deux éléments (Luquet, 1927). Tout d’abord de l’élément de stabilité, la « conservation de type », qui est la tendance à reproduire de la même façon certains motifs. Par la suite, de l’élément de changement, la « modification de type », qui permet des innovations. L’alternance « primitif » « nouveau » peut durer un long moment en se confrontant à la « résistance primaire ». Ce ne serait pas par la vérification de la vue que l’enfant corrige ses erreurs, mais plutôt par le succès sus-cité par ces mutations au sein de son entourage (Widlöcher, 1965).

Baldy (2011) appelle « flexibilité procédurale ou syntaxique » cette capacité à modifier la procédure habituelle du dessin qui serait présente dès l’âgée de cinq ans. C’est à cette époque que l’enfant fait l’acquisition de la capacité à copier les formes. La copie permet de découvrir des éléments ignorés et de nouvelles figurations du réel, d’expérimenter les procédures liées à ces nouveautés, d’assimiler les normes et conventions sociales, de sortir du dialogue avec ses propres schémas internes et de nourrir son imagination (Baldy, 2011). L’imitation, processus à la base de la copie du dessin, joue un rôle important dans le développement de l’enfant par son implication dans l’assimilation. À ce stade, apparait l’image mentale, symbole de la reproduction interne de l’objet.

Pendant cette phase du dessin, trois mécanismes se mettent en évidence plus spécifique-ment :

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L’exemplarité : la représentation des détails est détachée, l’objet devient « exemplaire »

de la réalité sans vouloir la figurer de manière photographique. L’herbe par exemple, peut être représentée par quelques traits verts verticaux (Widlöcher, 1965).

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La transparence : l’objet est représenté de l’intérieur alors que seul l’extérieur serait visi-ble dans la réalité. Par exemple, le dessin d’une maison dont les murs sont comme invis-ibles et permettent de voir l’intérieur. Ces détails permettent la reconnaissance de l’objet (Widlöcher, 1965).

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Le rabattement : les objets sont rabattus de chaque côté du corps ainsi que ses supports. Ils font partie de ce mécanismes certaines stratégies telles que l’absence de perspective, la non-coordination des plans et la disproportion des objets. Par exemple, dans le dessin d’une voiture, tous ses éléments peuvent être figurés à plat, projetés sur le plan.

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Ces apparentes « contradictions » (Luquet, 1927) disparaissent avec l’expérience au profit d’un majeur réalisme visuel, le plus souvent entre huit et neuf ans. Ceci dépend de plusieurs facteurs : niveau mental, milieu socio-culturel, autorité affective (Davido, 1976).

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3.6 LE DESSIN DU RÉEL

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L’enfant joue encore avec les formes. Soucieux de figurer des objets de plus en plus réels, il cherche à les corriger ou à les interpréter différemment. L’image passe d’une forme globale à la juxtaposition d’un ensemble de signes. La modification et l’adjonction permettent de confirmer ou transformer le sens global du dessin. « En même temps que l’enfant trouve une ressemblance, il perçoit l’image comme une somme. C’est même cette perception de la forme comme ensemble de détails qui signe la reconnaissance de l’objet  » (Widlöcher, 1965; 33). Reconnaitre une forme signifie pouvoir nommer les détails qui en permettent l’identification. Il y a là, déjà, la capacité de corriger les détails, d’en rajouter et de les trans-former. Cette capacité se développe dans un « réalisme intentionnel ou prémédité » (Ibid.). Le dessin se soumet à la perspective (Luquet, 1927). L’enfant devient alors capable de tra-vailler à partir de consignes. Une autre caractéristique de cette période graphique est l’uti-lisation de la gomme, très fréquente vers dix-douze ans (Sternis, 2011).

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3.7 L’ARRÊT DU DESSIN

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Wallon soutient que l’adolescent n’exprime plus sa vie fantasmatique dans le dessin (1990). « Si le dessin correspond bien à l’expression de la découverte du monde par l’enfant, il est inadapté à la réflexion sur le monde de l’adolescent. A l’entrée dans l’adolescence la pensée

devient plus formelle et plus discursive. En arrêtant de dessiner, l’adolescent se conforme à ce que la société attend de lui » (Baldy, 2011; 90).

Bien que quelques enfants trouvent encore le plaisir et les moyens de dessiner, le passage entre latence et préadolescence marque souvent le refus de continuer une activité graphique réputée enfantine. Les mécanismes du dessin propre à cette période sont : la perspective, l’anatomie humaine et la lumière (Greig, 2000). La créativité revêt à l’adole-scence un tout autre visage. Entre des états émotionnels impossibles à faire vivre, des manques, des pertes, des vides et des inemployés, l’adolescent opte quasiment toujours pour des aménagements de nature homéostasique et économique pour lui. Domaine peu abordé dans la littérature et la pratique clinique malgré un développement des activités d’expression et des art-thérapies, la créativité des adolescents n’apparaît pas uniforme et univoque. Si elle se modèle au cours de l’enfance, elle emprunte à l’entrée dans l’adole-scence « des voies qui s’étendent d’une ‘’créativité figée’’ à une ‘’créativité cognitivo-artis-tique’’ en passant par une ‘’créativité affective’’  » (Sudre, 2003; 49). Dans nombre d’autres cas, le travail de déplacement initial prend le visage d’un remplacement, d’un auto-ren-forcement anti-créatif, d’un hyper-investissement ou encore d’une décompensation psy-chopathologique.

 « Ma tâche peut se comparer à l’œuvre d’un explorateur qui pénètre dans une terre inconnue. Découvrant un peuple, j’apprends sa langue, je déchiffre son écriture

et je comprends de mieux en mieux sa civilisation. Il en est ainsi pour tout adulte qui aborde l’art enfantin. Il est un étranger qui découvre et qui apprend. Car celui qui n’a pas compris les mécanismes de cette langue est incapable de saisir le moindre trait dans un tableau d’enfant »

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